Date du madrigal

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   Le madrigal « L’Opéra difficile » parut dans le Mercure de février 1683. Comme le journaliste écrit « Il a fait icy beaucoup de bruit […] », il est possible qu’il circulât déjà en janvier, si non à la fin de 1682. Boscheron dit qu’il fut écrit « quelque temps » avant la mort de la reine, le 30 juillet 1683 (Vie de 1715, p. 54).

   Pour mieux comprendre le contexte de ces vers, et peut-être pour les dater avec plus de précision, on peut considérer la situation des cinq filles de Quinault en 1683. Ce qui est certain, c’est que Marie-Louise allait se marier en 1685, Marie en 1688, avec des dots considérables.

   Les trois autres – Geneviève, Marguerite et Charlotte – étaient religieuses au monastère des Visitandines à Montargis en juillet 1684, quand leurs parents leur donnèrent une pension. Ils en avaient déjà donné une à Geneviève en décembre 1683. (Cette pension est décrite dans l’acte de juillet 1684, mais je n’ai pas pu trouver celui de décembre 1683.) Quinault aurait-il écrit qu’il avait « cinq Filles qu'il fait pourvoir » si au moins une de ces trois avait déjà pris l'habit ? Il est vrai qu’il dit « établir » ou « pourvoir » et non pas « marier », mais il redoute aussi d’être « cinq fois Beaupere ».

   Les dates de ces pensions correspondent probablement à la profession des trois filles, donc à la fin de leur noviciat, qui durait normalement un an. On peut donc supposer que le début de leur noviciat date d’environ juillet 1683, ou plus tôt.

   Nous possédons les lettres circulaires de Montargis qui résument la vie de Geneviève et de Marguerite. Selon ces lettres, la première mourut en mai 1735, après 52 ½ ans de profession (depuis la prise d’habit, i.e., le début du noviciat). La seconde mourut le 20 février 1703, après 20 ans de profession. Ces dates sont sujettes à caution, mais si on prend ces durées de profession à la lettre, les deux sœurs auraient pris le voile vers novembre 1682 (Geneviève) et vers février 1683 (Marguerite). 

   Le cas de Geneviève est compliqué. Éduquée chez les dames de la Congrégation Notre-Dame, elle prit le voile dans cet ordre après une période de durée non-déterminée chez son père entre son éducation et son noviciat. Cette prise de voile se fit avec éclat, et ce fut avec étonnement et avec chagrin que Quinault apprit sa décision de quitter cet ordre. Elle rentra chez ses parents, avant de rejoindre ses sœurs à Montargis :

il y avoit ici deux de ses sœurs cadettes, dont l’une [Charlotte] étoit prétendante ; notre chère Sœur prit enfin la résolution de venir à sa vêture, entra dans le Noviciat, & prit le saint habit trois mois après avec la plus jeune [Charlotte], de sorte que toutes les trois firent leur noviciat en même tems. (Lettre circulaire de 1735, p. 20-21)

Ce récit indique que Marguerite était déjà novice à Montargis au moment de la prise de voile de ses deux sœurs. Il est possible que Geneviève "entra dans la Noviciat" en novembre et "prit le saint habit" quelques mois plus tard, après Marguerite et en même temps que Charlotte.

   Pour résumer, il est probable que la composition du madrigal et la prise du voile de Marguerite, et peut-être celle de Geneviève et de Charlotte, datent du début de 1683. Geneviève aurait été novice à la Congrégation Notre-Dame en 1682.

   Si on accepte l’hypothèse que Quinault n’aurait pas écrit le madrigal si au moins une de ses filles était novice – il ne pourrait plus être cinq fois beau-père, et elle aurait été « établie » –, ces vers auraient été écrits après la sortie de Geneviève de la Congrégation et avant son entrée chez les Visitandines. 

   Ce n’est qu’une hypothèse, et cette date ajoute peu de choses à ce que nous savons de Quinault. En revanche, on peut émettre une autre hypothèse – il aurait écrit le madrigal comme une sorte de réponse légère au chagrin de la sortie de Geneviève de la Congrégation. Il pensait n’avoir que quatre filles à pourvoir, mais voilà qu’il en a cinq. Embarrassé par cette sortie après une prise de voile pleine d’éclat, il aurait voulu suggérer, par le ton du poème, que ces événements ne le troublaient pas trop et qu’il allait pourvoir ses cinq filles, même si ce serait un « opéra difficile ».