Boscheron
François Boscheron est l’auteur de la vie de Quinault imprimée en tête de son Théâtre en 1715 (et dans les éditions de 1739 et 1778). Cette paternité a plusieurs fois été mise en doute (voir la notice de Barbier, par exemple), mais, comme on le verra ici, Boscheron en est bien l'auteur.
Boscheron est aussi l'auteur de deux autres versions. La première fut soumise au censeur Danchet le 24 août 1713 ; dans une lettre du 31 janvier 1714, Boscheron décrit les événements qui ont suivi :
Danchet exige que Boscheron obtienne l’approbation de la famille de Quinault. Danchet craint qu’elle n’accepte pas que Boscheron parle de la naissance de Quinault.
Boscheron envoie son texte à Germain Boffrand, neveu de Quinault et architecte très réputé.
Boffrand lui envoie six pages de remarques.
Après un entretien assez houleux entre les deux hommes, Boffrand accepte de fournir des mémoires pour corriger le récit de Boscheron.
N’ayant rien reçu de Boffrand après plusieurs mois, Boscheron donne son texte à l’imprimeur. Il aura l’approbation du censeur Burette le 15 mai 1714.
Deux cahiers de 24 pages chacun sont imprimés, mais l’intervention d’un ministre, sans doute à la demande de Boffrand, interrompt la publication. Un exemplaire se trouve à la BnF Arsenal, cote 8- H- 35499. Le manuscrit Bréquigny 156 de la BnF, qui date du milieu du dix-huitième siècle, est une copie de ces deux cahiers. C'est une copie qu'on peut appeler fidèle, mais presque chaque mot a été remplacé par un autre, tout en gardant le sens de l'original.
Boscheron prépare alors une version réduite de sa biographie pour le Théâtre de 1715, en éliminant surtout le long récit des amours de Quinault et de sa femme, tiré de L’Amour sans faiblesse, roman que Quinault aurait écrit et dont le texte est perdu. Elle est sous presse en octobre 1714 et paraît dans les derniers jours de l’année.
Boscheron essaya au moins deux fois de publier la version plus longue, que nous connaissons grâce au manuscrit BnF ms. fr. 24.329. En ce qui concerne le début du manuscrit, au moins, il s’agit du même contenu que dans les deux cahiers imprimés, mais presque chaque phrase est récrite. On lit sur la page de titre, écrit d’une autre main, « Les memes raisons qui en ont empeché l’impression le 13 septembre 1722 l’empechent encore le 24 octobre 1723 ».
Je remercie William Brooks de m'avoir aidé à préparer ce résumé d'une situation très complexe. Pour de plus amples détails, je renvoie à son remarquable François Boscheron, ami de Challe, ses œuvres, ses biographies et ses travaux éditoriaux. Une enquête bio-bibliographique (Oxford ..., Peter Lang, 2020), aussi bien qu à son Philippe Quinault, Dramatist, surtout les pages 26-28.
On lira avec profit le livre d'Élodie Bénard, Vies d'écrivains, sur la biographie littéraire en général et sur les Vies de Quinault par Boscheron. Ses analyses du récit romanesque des amours de Quinault sont d'un intérêt particulier. Elle situe ce récit dans le contexte du roman héroïque et s'interroge sur la possibilité (qu'elle juge peu probable) d'une intention parodique ou satirique (p, 365). L'annexe, p. 393-395, résume l'histoire de la composition et de la publication des Vies.
Le périodique Nouvelles littéraires annonce (12 janvier 1715) et commente (9 mars 1715) la publication de la Vie de 1715.
On peut trouver l'édition de 1715 et la vie manuscrite sur Gallica. Une version numérisée de la vie imprimée -- plus lisible et qui permet des recherches de mots, mais non sans quelques erreurs -- se trouve sur le site théâtre-documentation.com.
Voici deux transcriptions de la vie manuscrite. Dans la première, on trouvera l'essentiel des pages consacrées à la biographie de Quinault, moins les amours de Quinault et l'histoire de l'opéra. La seconde est une transcription du manuscrit complet :
Boscheron_Vie_ms_MOD_Site-1.doc
Si ce lien ne marche pas, voici une page avec une copie du fichier.
J'ai modernisé l'orthographe et la ponctuation, puisque Boscheron n'écrit pas toujours les mots de la même façon, et sa ponctuation (comme l'absence de ponctuation) pourrait déconcerter le lecteur moderne. Il y a aussi un début d'annotation.
Il existe un tiré-à-part de la Vie imprimée, précédée d'un portrait gravé par J.-B. Scotin et d'un privilège, à la Bibliothèque de l'Arsenal, GD-24459.