Le Mercure

Le Mercure galant et Le Mercure de France sont pleins de textes sur Quinault. Ce qui suit n'est qu'un début.

Sans indication contraire, l'exemplaire cité est imprimé à Paris.

La Mort de Quinault

« Vendredy dernier 26. de ce mois, cette illustre Compagnie [Académie Française] perdit Mr Quinault, l’un des 40. Academiciens qui la composent. Ses Ouvrages font son Eloge, & il n’y a personne qui ne demeure d’acord qu’il estoit tres-digne de la reputation qu’il s’est acquise. Il a laissé plusieurs Pieces de Theatre qui ont paru toutes avec beaucoup de succés, mais il s’estoit particulierement distingué dans les Opera. Son talent y estoit rare, & si quelqu’un est assez heureux pour le pouvoir égaler dans ce genre de Poësie, ce qui paroist mal-aisé, on peut dire que jamais on ne le surpassera. Tous ses Vers sont naturels, propres à chanter, & si bien tournez qu’ils semblent avoir esté faits par les Muses mesmes. Mr Quinault n’estoit pas moins estimable du costé de l’ame que de celuy de l’esprit. Il a beaucoup de probité et de droiture, & on l’a toujours veu honneste, bien-faisant, & et d’une Societé aisée & tres-agreable. Ainsi il est également regretté, & à la Chambre des Comptes où il estoit Auditeur, & à l’Academie Françoise.. »

novembre 1688, p. 332-334

Quinault à Versailles avec l'Académie Française, 12 mars 1672

« [...] On vit dans cette Assemblée Monsieur Quinault, si connu par ses Vers tendres »

mars 1672, p. 220

(Dans un volume initulé « tout ce qui s’est passé depuis le premier Janvier 1672. jusques au Depart du Roy », 

achevé d’imprimer 25 mai 1672

Début de l'Académie Royale de Musique

« Passons à l'Opera, continua-t-il, Monsieur de Lully ne donnera d'abord que des morceaux des Balets du Roy, qu'il fera coudre ensemble pour faire une Piece ; & pendant qu'on la representera, on en preparera une nouvelle pour le Carnaval prochain, à laquelle le Tendre Monsieur Quinaut travaille. Cet Autheur illustre, continua-t-il, estant presentement Auditeur des Comptes, ne nous fera pas voir si souvent de ses Ouvrages, à cause de l'occupation que cette belle Charge luy donne. »

juillet-août 1672, p. 368-376

Isis

« L'Opéra estant en France sur le pied de la Comédie, & les succés de tous ceux qu'on nous donne de nouveaux, n'estans grands que selon qu'ils ont plus ou moins de beautez, je ne doy pas oublier de vous dire qu'Isis Opéra nouveau a esté représenté à S. Germain pendant une partie du Carnaval. Si cet Ouvrage merite quelque gloire, elle est deuë à Monsieur Quinaut. Le Sujet & les Vers de cette Tragédie sont dignes de cet illustre Autheur, & ne luy ont point fait perdre la réputation qu'il s'est acquise. Monsieur de Lully en a fait la Musique ; il ne peut être comparé à personne, puis qu'il est le seul dont on en voit aujourd'huy en France. Je ne parle point de la beauté de ce dernier Ouvrage de sa composition ; son génie est si connu, qu'il a fait oublier celuy de tous les autres ; ne m'arrête à ce que la cour en a dit. Elle est si éclairée, que je suis persuadé que personne ne doit appeler de son jugement. Le grand nombre d'instruments touchés par les meilleurs maîtres de France, a fait trouver des beautés dans la symphonie de cet opéra, et il est impossible que tant d'instrumens entre les mains de tant d'excellents hommes ne produisent pas toujurs cet effet. »

janvier-mars 1677, p. 42-46

Divertissements chez Olier Verneuil, Conseiller au Parlement

« [...] Les Paroles qu'on chantoit, partoient de la veine de M. de Verneüil, & plusieurs les croyoient de M. Quinaut ou de M. de Frontiniere, qui sont les deux plus fameux Autheurs que nous ayons pour ces sortes d'Ouvrages. Elles estoient mises en Musique par le Sieur l'Aloüette, qui batoit la Mesure à l'Opéra[...] . »

janvier-mars 1677, p. 69-71

N'oublions pas qu'en 1677 Thomas Corneille, rival de Quinault comme librettiste,

dirigeait le Mercure et que les attaques contre Lully étaient fréquentes.


Narcisse de Frontinière

C’est luy [Frontinière] qui a fait l’Opéra de Narcisse, dont vous avez oüy dire tant de bien. Mr de Lully y travaille avec beaucoup d’application ; & comme on ne peut douter que sa Musique ne réponde à la douceur & la beauté des Vers, on a sujet d’en attendre quelque chose de merveilleux. La plus grande partie des belles Paroles qui ont esté mises en Chant par Mr Lambert depuis plusieurs années, sont de ce mesme Mr de Frontiniere.

juillet 1677, p. 101-102

Son compliment au roi, 12 juin 1677 :

Ce Compliment plût beaucoup au Roy. Aussi ne se contenta-t-il pas de témoigner d’abord à Monsieur Quinaut qu’il en estoit tres-satisfait ; l’ayant reveu quelque temps apres l’audiance, il eut la bonté de luy dire une seconde fois qu’on ne pouvoit mieux parler. La réputation qu’il s’est acquise par les beaux Ouvrages que nous avons de luy, ne faisoit pas moins attendre du talent qu’il a de bien exprimer les choses. La matiere estoit grande, & Monsieur Quinaut fort capable de la traiter. Il est Auditeur des Comptes, & aussi estimé de sa Compagnie qu’il l’a toûjours esté des plus considérables Personnes de la Cour.

septembre 1677, p. 102-103

Quinault à Sceaux, septembre 1677

Voir la page consacré au « Poème de Sceaux »


Critique galante de quelques vers d’Atys :

D'une constance extréme

Un Ruisseau suit son cours,

Il en sera de mesme

Du choix de mes amours ;

Et du moment que j'aime,

C'est pour aimer toûjours. (IV, 5)

« Vous avez donc crû, Madame, que la comparaison d’un Ruisseau étoit la plus juste et la plus heureuse du monde, pour exprimer une amitié fidelle & constante ? Cependant il me semble que c’est tout le contraire […]. Je ne prétens pas neantmoins critiquer icy les Paroles de Mr Quinault. Elles sont tres-naturelles, & nostre Siecle luy a trop d'obligation de mille tendres & douces expressions qui ont beaucoup contribué à l'agréement du Théatre François, & qui luy sont si propres, qu'on peut dire sans le flater, qu'il est inimitable dans son talent. »

octobre 1678, p. 46-55

Lecture de deux poèmes à l'Académie Française

« Mr Quinaut lût en suite deux petits Ouvrages de Vers. Il y en avoit un sur la modestie de Mr Colbert [le ministre] qui fuit toute sorte de loüanges, & qui n’aime à entendre que celles du Roy. Il finissoit par une tres-belle pensée qui faisoit connoistre que si ce zelé Ministre ne pouvoit soufrir que les loüanges de son Maistre, l’admirable Panegyrique que venoit de faire un autre luy-mesme, avoit dû lui donner une extréme joye. Le second Ouvrage de Mr Quinaut estoit tout entier à l’avantage de Mr l’Labbé Colbert, sur ce que dans le bel âge il avoit uny les belles Lettres au profond Sçavoir. »

novembre 1678, p. 177-179 (31 octobre 1678, réception de l'abbé Colbert)

Proserpine

« Il [Bellérophon, de Th. Corneille et Lully] y doit estre chanté par sa Musique, & faire le divertissement de la Cour pendant tout le Carnaval, alternativement avec l'Opéra nouveau de Mr Quinaut, qui est en possession de faire les Opéra pour Sa Majesté. Le sujet de ce dernier est l'Enlevement de Proserpine. Mr Lully qui y travaille, n'ayant pû par cette raison en faire un pour le Public, en remet deux anciens qui paroistront cet Hyver. Ce sont Thésée & Cadmus. »

octobre 1679, p. 351

Proserpine

« On cessa les Représentations de cet Opéra [Bellérophon] Vendredy dernier, pour les reprendre alternativement avec celles de l'Opéra de Proserpine, qui paroistra pour la première fois le 5 février. Il est de Mr Quinault, qui s'est surpassé luy-mesme ; & comme ses Vers ont toute la délicatesse qui est necessaire pour le chant, on a une impatience inconcevable de les entendre. »

janvier 1680, première partie, p. 302

Proserpine

« Nous sommes au temps où les Divertissemens de l'Hyver commencent. Ainsi l'Opéra de Proserpine, qui fut celuy de Leurs Majestez il y a un an, & dont je vous parlay lors qu'il parut à la Cour, a esté donné icy au Public depuis quinze jours. Je ne vous répete point qu'il est digne de Mr Quinault Auditeur des Comptes, qui en est l'Autheur. »

novembre 1680, p. 191

Le Triomphe de l'Amour

« Je croy vous avoir déja mandé que le Sujet du Balet, & les Vers que l’on y change, estoient de Mr Quinaut. Vous connoissez sa maniere. Tous ses Ouvrages, sur tout quand l’Amour y entre, ont un caractere qui luy est particulier. Si Mr de Benserade qui faisoit toûjours les Vers qui se chantoient aux Balets, n’y a pas travaillé cette fois-cy, ceux qui regardent tous les Personnages, & que vous trouverez dans l’Imprimé du Balet, sont de sa façon [...] ».

janvier 1681, p. 284-294

Persée

« Mr de Lully travaille à l'Opéra de Persée & d'Andromede, qu'il donnera au Public incontinent apres Pasques. Il est de la composition de Mr Quinaut. C'est tout dire en matiere d'Opéra. »

novembre 1681, p. 319-320

Atys

« L'Opéra d'Atys a esté pendant ce mois un des principaux divertissemens de la Cour. Madame la Dauphine ne l'avoit point encor vû ; & comme pour luy donner ce plaisir, on a refait la plûpart des choses necessaires à cette représentation, la dépense n'a guere esté moindre pour le rétablir, qu'elle eust pû l'estre pour un Opéra nouveau ; mais Sa Majesté n'y regarde pas. Quand on ne distribuë rien qu'avec prudence, on a des fonds suffisans pour tout. Atis a reçeu de grands embellissemens en Entrées. Mademoiselle de Nantes a dancé dans celle de la suite de Flore. Cette Princesse représentoit une petite Nymphe, & estoit au milieu de deux autres de sa grandeur. Quatre petits Zéphirs augmentoient encor la beauté de cette Entrée. L'un estoit representé par Mr le Comte de Guiche. Six grands Danceurs de la mesme suite formoient des Arcades de differentes Figures, avec des Festons de Fleurs, sous lesquels les Nymphes & les Zéphirs dançoient & s'entrelassoient. Rien ne plaisoit tant que ce Spectacle. Dans le second Acte Monseigneur le Dauphin dançoit une Entrée d'Egyptiens. Il estoit accompagné de Monsieur le Prince de la Roche-sur-Yon, de Mr le Comte de Vermandois, de Mr le Comte de Brione, & de Mr de Mimeurs. Dans la mesme Entrée estoient meslées cinq Egyptiennes, représentées par Mademoiselles de Lislebonne, de Tonnerre, de Commercy, de Loubes, & de Laval. Cette derniere dançoit au milieu des quatre. Monseigneur le Dauphin représentoit un Dieu marin dans le quatriéme Acte, & estoit suivy des mesmes Seigneurs que je viens de vous nommer. Mr le Comte de Guiche dançoit comme luy en Dieu marin dans la mesme Entrée, avec deux petits Ruisseaux & deux petites Fontaines. Les Dames dont je vous ay dit les noms en estoient aussi, vestuës en Divinitez marines. Madame la Princesse de Conty devoit dançer avec elles dans les deux Entrées de Monseigneur le Dauphin, mais elle tomba malade, avant que l'on commençast les représentations d'Atys. [...] »

janvier 1682, p. 278-282

Persée

« Je ne vous parleray point de la disposition, ny du tour aisé des Vers de ce nouvel Opéra. Je vous diray seulement qu'il est de Mr Quinaut. Vous sçavez que par un art qui luy est particulier, il donne toûjours à cette sorte d'Ouvrages des agrémens qui surprennent, & que la matiere semble ne luy fournir pas. Il a remply à son ordinaire dans ce dernier, ce que tout le monde attendoit de luy ; & quand il auroit voulu se cacher, on l'auroit connu sans peine à des traits si éclatans. »

avril 1682, p. 328

Phinée, dans Persée

Si le sentiment de Phinée dans l’Opéra de Persée, est ‘un veritable Amant, lors qu’il dit qu’il aime mieux voir Andromede devorée par un Monstre, qu’entre les bras d’un Rival.

Comme le secret du Probléme

Consiste bien souvent dans la distinction,

On peut sans une peine extréme

Résoudre cette Question.

Si l’Amant est aimé, si pendant sa tendresse

Il n’a rien soupçonné de l’Objet de ses feux,

Enfin si pour le rendre heureux,

Il ne tient pas à sa Maîtresse,

Il faudroit qu’il fut [sic] bien brutal,

Et qu’il eût l’ame bien cruelle,

De vouloir la mort de la Belle,

Plutost que de la voir dans les bras d’un Rival.

Dequoy peut-elle estre coupable ?

Ses Parens, son devoir, ont causé ce malheur ;

Il n’est pas tout seul misérable,

Elle partage sa douleur.

Mais s’il n’est point aimé, si cette impitoyable,

Pour augmenter son tourment,

Luy préfere un autre Amant,

Et rit du sort qui l’accable,

Il vaudroit mieux pour luy la voir au monument,

Puis qu’un pareil traitement

Est toûjours insuportable.

Venons à l’application.

Phinée est aimé dans la Fable,

Ou du moins Andromede en son affliction

N’a point pour luy d’aversion,

C’est le Destin qui les sépare.

Phinée est donc cruel, inhumain, & barbare ;

Mais en dernier ressort, ma Muse en jugera,

Lors que j’auray veu l’Opéra.

octobre 1682, extraordinaire, p. 168-170

Compliment de l'Académie Française sur la mort de la Reine

Le Roy ayant marqué le 28. du mois d’Aoust, pour recevoir le Compliment de l’Académie Françoise sur la mort de la Reyne, cette Compagnie se rendit à Fontainebleau le jour de devant, & le matin du 28. elle s’assembla dans la Salle des Suisses, proche celle des Gardes du Corps. Sur les dix heures du matin, Mr le Marquis de Rhodes, Grand-Maistre des Cerémonies de France, l’y vint prendre, & se joignit à Mr Charpentier, qui devoit porter la parole, & qui marcha accompagné de Mr l’Evesque de Meaux, Chancelier de la Compagnie. Ensuite marcherent selon l’ordre de leur reception, Mrs le Villayer Doyen des Conseillers d’Etat, le Duc de Saint Aignan, l’Abbé Testu, l’Abbé Tallement le jeune, le Marquis de Danjeau, l’Abbé Renier, Quinault, Mr l’Archevesque de Paris, Mrs Perrault, l’Abbé Fleschier, Racine, & Rose Secretaire du Cabinet. [...]

septembre 1683, p. 179-181

Amadis

« Sa Majesté ayant ordonné à Mr Quinaut Auditeur des Comptes, de travailler à un Opéra, qui devoit estre représenté à Versailles pendant tout ce Carnaval, & dont Elle avoit choisy Elle-mesme le Sujet, dés le commencement de l'Eté dernier, cet illustre Autheur avoit déja fort avancé ce travail, lors que la Reyne mourut. La régularité que ce Prince observe en toutes choses, l'empêchant de voir aucun Spectacle pendant l'année de son Deüil, il a consenty que Mr de Lully donnast cet Opéra au Public. Il a paru depuis quinze jours sous le titre d'Amadis. »

janvier 1684, p. 326-328

Roland

« Je viens aux divertissemens du Carnaval. On a commencé le 18. Janvier à représenter à Versailles l'Opéra de Roland, & l'on a continué d'en donner des Representations une fois chaque semaine. La Piéce est de Mr Quinaut, Auditeur des Comptes, & la Musique de Mr de Lully, Surintendant de la Musique de la Chambre du Roy, ces deux Messieurs ont si souvent travaillé à ces sortes de divertissemens, que tout Paris est persuadé de leur sçavoir faire.

janvier 1685, p. 327-329

Le Temple de la Paix

On y a dancé un Balet intitulé, Le Temple de la Paix. Le Sujet & les Vers sont de Mr Quinaut, & la Musique de Mr de Lully. Ce Balet a esté trouvé admirable, tant pour l'invention & les Vers, que pour l'execution. 

octobre 1685, p. 352-356

Une indisposition survenüe à Mr le Duc d'Elbeuf l'ayant arresté icy, Mr le Prince d'Elbeuf son Fils alla le mois passé prendre possession du Gouvernement de Picardie, & tenir en mesme temps les Etats d'Artois. Les Gouvernements des Villes voisines de Flandres le vinrent voir pendant son séjour. Mr le marquis de Pommereu Gouverneur de Doüay, qui s'acquita du mesme devoir, amena avec luy ses Violons & quelques Chanteurs, ce qui donna lieu à Mr du Meny, si connu par la réputation qu'il s'est acquise sur le Théâtre de l'Académie de Musique, de faire chanter le dernier Opéra de Fontainebleau. Il estoit venu avec Mr le Prince d'Elbeuf aux Etats d'Artois, à son retour de ceux de Bretagne, où je vous ay mandé qu'il estoit, & ce qu'il y fit. Il fut surpris des bonnes Voix des Chanteurs, que l'on avoit fait venir de vingt lieües aux environs ; & comme les Instrumens répondoient parfaitement à ces belles Voix, ce Spectacle attira tout ce qui y avoit de Personnes de qualité dans la Province. L'affluence y fut telle, que quoyque la Salle de Mr le Comte de Nancré, Gouverneur d'Arras, soit très vaste, & qu'on prist soin de n'y laisser entrer que des gens de marque, elle ne pût contenir tous ceux qui se présentèrent. »

janvier 1686, p. 104-106

Armide

« Mr Quinaut […] estoit alors [pendant les représentations du Ballet de la jeunesse] occupé par l’ordre du Roy à achever l’opera d’Armide qui avoit esté commandé d’abord pour Versailles. »

février 1686, p. 295

Quinault et le dictionnaire de Furetière (1684-1685)

Enfin l’affaire alla si loin que M. de Louvois en ayant esté instruit, en parla chez luy à ceux qui composent l’Academie des Medailles, dont sont M. l’Abbé Tallemant le jeune, M. Charpentier, M. Quinaut, & depuis quelque temps Mrs Racine & des Preaux avec quelques autres qui ne sont pas de l’Academie Françoise.

mai 1688, Partie I, p. 270 (éd. de Lyon)

Quinault vengé par les Muses (Du Cerceau)

Voir la page consacrée à Du Cerceau

février 1714, p. 77-83

Lettre de Mademoiselle ** à une dame de ses amies, sur le goust d'apresent

« Il est incontestable, que personne n'a mieux réüsi à ce genre de musique que Lully ; il n'est pas moins vray que Quinaut, dans ce genre de Poësie l’a emporté sur tous ceux qui y ont travaillé aprés luy ; cependant, combien nous reste-t-il d'ouvrages de ces grands Maîtres qui se soutiennent avec leur premier éclat, on pourroit aisement les compter, & je n’en connois point d'autres qu'Armide, Roland, Alceste & Phaëton, ce n'est pas que Bellerophon, Thesée & Atys soient inferieurs à ces premiers ; dans Bellcrophon, Thomas Corneille a heureusement réüny la delicatesse du lyrique avec la pompe du dramatique ; Thesée & Atys sont les chefs d'oeuvres de Quinaut pour la regularité du Poëme, & pour l’exactitude de la versification, l’un & l'autre sont rempis de sentiments & de pensées, & l'on peut dire que Luly, animé par de si balles paroles s'est surpassé pour les exprimer dignement ; cependant, Bellerophon a paru trop tragique, on a trouvé Thesée languissant, & nous avons vû à la honte de notre siècle, les dames sortir au cinquieme actre d’Atys, comme on auroit pu faire au cinquieme acte de Roland, malgré la différence qui se trouve entre ces deux derniers actes. »

novembre 1714, p. 198-200

Astrate

[Les citations d'octobre et novembre 1731 sont tirées de la LETTRE de madame la Comtesse de…. à M. le Chevalier de… sur la Tragedie d’Astrate, en deux parties : octobre, p. 2297-2309, et novembre, p. 2523-2536.]

« Le Théatre François a été fermé pendant huit jours, les Comédiens qui étoient restez à Paris ayant été mandez à Fontainebleau. Ceux qui avoient été du voyage à la suite de la Cour, revinrent à Paris le 30. du mois dernier, et ils r’ouvrirent le Théatre le 2. de ce mois par la Tragedie d’Astrate, de Quinault, représentée dans sa nouveauté en 1663. qui a toûjours eû du succès, toutes les fois qu’on l’a remise au Théatre. Le Public la revoit aujourd’hui avec beaucoup de plaisir ; mais en applaudissant les grandes beautez de ce Poëme, il n’en blâme pas moins les deffauts. »

  août 1731, p. 1990

« En vain Despreaux a chanté la Palinodie, quand il s’y est vû forcé par la gloire que Quinault s’étoit acquise par tant d’autres Ouvrages ; le Public, je veux dire, un certain Public malin ; la Tourbe, pour mieux m’expliquer, a persisté à croire qu’Astrate étoit une Tragédie très-risible, et n’a pas voulu renoncer au droit de rire à ses Représentations. Pour moi, Monsieur, qui ai un peu plus de vanité que vous, j’ai trop de soin de ma gloire pour me confondre dans la foule ; et j’ai toûjours regardé Astrate comme une Piece que nos plus grands Dramatiques ne desavoüeroient pas. »

octobre 1731, p. 2298

« Ce que je viens, Monsieur, de vous rappeller n’est qu’une foible ébauche du Portrait de mon Autheur favori ; il ne fait apercevoir, jusques-là que le germe des expressions et des sentimens qui depuis l’ont rendu inimitable dans un genre dont il a été le créateur, et dans lequel il est encore aujourd’hui le desespoir de tous ceux qui ont osé le prendre pour modelle. »

novembre 1731, p. 2523, début de la seconde partie

« Le stile de Quinault dites-vous, n’a pas cette force et cette noblesse que demande la Tragedie, et vous le renvoyez avec une espece de mépris à l’Opera ; vous me faites bien voir par là que vous avez adopté l’injuste idée qu’on s’est faite de ce genre de spectacle, que Quinault a porté si haut ; mais je doute qu’il soit plus facile de faire un bon Opéra qu’une bonne Tragedie ; Racine et Despreaux l’ont voulu éprouver, et ce n’a été qu’à leur honte ; ils oserent, dit-on, entreprendre un Opera, pour supplanter Quinault, mais à peine furent-ils entrez dans la carriere, qu’ils l’abanonnerent ; leurs partisans ne manqueront pas de dire, après eux, qu’ils eurent honte de l’avoir entrepris et qu’ils jugerent le genre indigne de leurs plumes ; quel rafinement de flatterie ! quelle ressource d’amour propre ! cependant Racine a bien fait voir par le Lyrique qu’il a mis dans Esther et dans Athalie, que ce n’étoit point là son fort, et Despreaux nous a convaincu par son ode sur Namur, que son genie étoit là hors de sa Sphere ; et que s’il avoit fait un Opera sur ce ton, on auroit pû retorquer contre lui ce qu’il a dit contre les Opera de Quinault, sçavoir ;

Et, jusqu’à je vous hais, tout s’y dit tendrement

En disant au contraire

Tout s’y dit durement, et jusqu’à je vous aime. »

novembre 1731, p. 2533-2534

Armide

[Les citations de décembre 1724 sont tirées d'une LETTRE d'un auteur anonime aux Auteurs du Mercure, sur l'Opera d'Armide, p. 2800-2821 ; le journal avait déjà consacré plusieurs pages (2453-60) de son numéro de novembre à une reprise d'Armide, avec de longues citations de la Comparaison de Lecerf . Les citations celles de mai 1725 proviennent d'une réponse à cette lettre, RÉFLEXIONS sur la Critique de l'Opera d'Armide, insérée dans le Mercure du mois de Decembre dernier, p. 917-924. On peut en lire le texte complet sur le site Hathi Trust : juillet-décembre 1724 et avril-mai 1725.]

  

Vous m'avez encore prévenu, Messieurs, au sujet d'Armide, comme vous aviez fait au sujet de Berenice. Ne croyez pas pourtant que je prenne le parti d'attaquer la versification de Quinault, comme j'ai attaqué celle de Racine ; cette derniere entreprise seroit plus hardie que la première. Peut-être ferez-vous surpris de ce que je viens d'avancer; donner le pas à Quinault fur Racine, direz-vous, quelle nouveauté? ce n'en est pas une pour moi, Messieurs, dans la partie qui regarde la diction , & j'ai toujours considéré Quinault comme le Poète François qui a écrit le plus purement; j'ajouterai quelque chose de plus, c'est que jamais versification n'a été plus aisée, plus naturelle, & parconsequent moins chargée de chevilles que celle de ce tendre Auteur, que nous pouvons appeler à juste titre le Prince des Poètes Lyriques François. J'avoue que le genre de Poëme qu'il a choisi par prédilection n'a pas peu contribué à l'exempter de la triste nécessité de faire entrer dans ses vers ces superfluites auxiliaires, qu'on appelle communément de la bourre ; la liberté qu'il avoit d'employer de petit vers, au lieu de vers alexandrins, pour exprimer une pensée, ou un sentiment, le dispensoit d'avoir recours à des inutilitez, recours presque nécessaire dans le Poëme épique , & dans le dramatique, où nos meilleurs Auteurs se sent imposé la loi du vers de douze syllabes, à rimes plates, c'est-à-dire, non croisées : mais indépendemment de cette heureuse liberté où Quinault s'est mis dans un genre de Tragédie dont il a été l'inventeur, il a été jusqu'aujourd'hui le plus parfait de tous ceux qui ont marché fur ses traces, & qui ont embrassé le même genre. Après ce juste éloge que je fais de ses Poësies Lyriques, j'espere qu'on ne me tiendra pas pour suspect dans les observations Critiques que je vais faire fur le plan d'Armide, il s'en faut bien que la constitution de sa Tragédie réponde à la douceur, & à la beauté de fa versification. Je vais tâcher de le prouver.

[...]

   [A propos de l'acte I] Le remplissage des Canevas de la fête ne me paroît pas digne de la plume de Quinault .il en a fait de plus beaux dans l’Opera de Proserpine, & dans quelques autres ; mais soit qu'il se négligeât, soit qu'il ne pût pas mieux faire, il faut avouer que ce genre de versification n'étoir pas son fort ; cependant il sçavoit assez de Musique pour s'en acquitter mieux que beaucoup d'autres.

décembre 1724, p 2800-2801, 2806

   [A propos de l'acte II] Ainsi sans accuser Quinault d'avoir fait un mauvais divertissement dans cet Acte, on lui laissera la gloire d'avoir mis au Theatre une Scene des plus passionnées, & des plus interessantes, & la situation d'Armide n'en est que plus piquante de la voir flotter continuellement entre l'amour & le dépit.

mai 1725, p 922

Aux Auteurs du Ballet des Fêtes de Thêtis, Divertisement exécuté à Versailles devant le Roi, le 14 du mois dernier. [livret de Roy, musique de Colin de Blamont]

Vous suivez les sentiers des Grâces.

Quinault, Lully, revivent dans vos jeux,

Et c'est en marchant sur leurs traces,

Qu'on peut compter de plaire à nos derniers neveux.

février 1750, p. 199

 « Le Poème d'Armide est la derniere & la plus belle production du génie de son célèbre Auteur. Un des Historiens de la Vie de M. Quinault, (h) en doutant qu'il eût pu faire une Piéce lyrique au-dessus de celle d’Armide, soupçonne que ce fut cette raison qui l'engagea à ne plus travailler dans ce genre. Non seulement un sentiment unanime de la Nation, mais encore l'espéce d'hommage que vient de lui rendre l’Italie en traduisant cet excellent Poème ; l'admiration des gens de Lettres de toute l'Europe ; l'impression qu'il fait dans tous les temps & sur toutes les âmes ; tout consacre cet Ouvrage à l'immortalité ; tout nous autorise a le proposer aux Poètes du Théâtre lyrique comme un de ces points éminens vers lesquels on doit toujours tendre, même en désespérant d'y atteindre. »

  NOTE : (h). V. la vie de Philippe Quinault, à la tête de son Théâtre, imprimé en 1715. »

décembre 1761, p. 162-163

Atys

Le Mercure de mars 1780 consacre plus de vingt pages à une comparaison du livret de Quinault à celui de Marmontel, réduit en trois actes pour la musique de Piccini.

« [...] Mais si l'on est enfin privé de Lulli, au moins ne voudroit-on rien perdre de la Poésie de Quinault; &, sans examiner si elle est susceptible des formes & des mouvemens de la musique nouvelle, on croit avoir droit de se plaindre de ce qu'on ait osé la retoucher. Ne regardons pas comme injuste ce regret des choses passées, si naturel à tous les hommes ; mais examinons si M. M. ... a fait quelque tort à Quinault, en retouchant ses Opéras. Celui à'Atys nous servira d'exemple. » (p. 59)

[59-62 : résumé de l’intrigue du livret de Quinault]

« Ce que nous allons observer ne tend point a obscurcir la gloire de Quinault. M. M[armontel] seroit le premier à nous désavouer ; personne ne connoît mieux le mérite de ce Poëte, dont il a fait lui -même de si grands éloges dans sa poétique & dans ses articles littéraires de l'Encyclopédie. Le plus bel hommage qu'il ait pu lui rendre, c'est lc soin qu'il a pris de conserver au Théâtre ses Opéras, en les pliant aux formes d'une musique qui, depuis un si grand nombre d'années fait les délices de l'Europe ; mais sans méconnoître aucune des beautés d'Atys, nous devons faire remarquer les endroits où ce Poëme a pu être abrégé ou retouché à son avantage. » (p. 62-63)

[63-69 : défauts du plan de Quinault, endroits abrégés par Marmontel ; exemples de vers de Quinault que le public du 18e ne goûterait pas]

      « Parmi les morceaux retranchés, il en est, si l'on veut, quelques-uns qu'on pourroit regretter à la lecture ; mais il n'en est aucun, nous osons le dire, qui, dans le chant, n'eût rallenti & réfroidi le dialogue ; & l’on peut voir, en lisant le Poëme mis en trois Actes, que dans aucune Scène, on ne desire ni plus de gradation, ni plus de développement. On y peut voir aussi qu'à l'exception de la première Scène du second Acte, qui ne fait qu'annoncer l'amour de Cybèle & la fête des Songes, & qui, sans laisser le Théâtre vuide, a pourtant le petit défaut d'être détachée de la Scène suivante, on peut voir que tout le reste est lié, non-seulement dans le tissu du dialogue, mais d'une Scène à l'autre, & avec tant de soin qu'il eft impossible d'appercevoir l'endroit où les fils en sont renoués.

      Mais pour accommoder ce Poëme au génie & au caractère de la musique Italienne, ce n'étoit pas assez d'en resserrer l'action & d'en élaguer les détails inutiles : il falloit y substituer des morceaux de Poésie susceptibles de chant. Les vers de Quinault donnent lieu quelquefois à ces airs simples & agréables, que l'on appelle cavatines; mais tous les airs de caractère, tous les morceaux d'un grand dessin exigent des formes nouvelles, & le plus souvent un degré de chaleur & de force que la Musique de Lulli ne demandoit point à Quinault. C'est là que M. M[armontel a employé cet art dont on sait qu'il a fait une étude particulière, de plier notre langue au rhithme, & de donner aux vers Français une coupe analogue au chant. » ( p. 69-70)

[70-72 : exemples de comment Marmontal a réussi à « accommoder ce Poëme au génie & au caractère de la musique italienne »]

« Il [Marmontel] n’a eu garde de toucher aux Scènes de l’égarement & du désespoir d’Atys ; elles sont de Quinault d’un bout à l’autre, & il n’y a rien, sur aucun théâtre, de mieux écrit ni de plus tragique. » (p. 71)

mars 1780, p. 58-72