P. Porée

Verum abstineamus objurgare pluribus dramatum lyricorum auctores, quorum multos habemus se confitentes reos. Illum certe, qui fuit Melici poëmatis in Gallia quasi parens scimus industriae suae nimium facilis, nimiumque felicis pœnituisse, sero quidem, sed aliquando tamen, & partas sine sudore lauros suis postmodum fletibus irrigasse.

De theatro, 1733

Mais gardons-nous de trop blâmer les auteurs de drames lyriques dont nous savons que beaucoup se sont reconnus coupables. Nous tenons pour certain que celui qui fut en France comme le père du poème lyrique s'est repenti de son art trop frivole et couronné de trop de succès, tardivement certes, mais il l'a fait néanmoins, et il a finalement inondé de ses pleurs des lauriers acquis sans peine.

Traduction aimablement fournie par Marie-Agnès Bennett

Une note de l'édition de 1756 identifie ce "quasi parens" comme Quinault.

Le Père Porée est peut-être mieux connu comme le professeur de Voltaire. Convaincu que le théâtre, et même l'opéra, peut être une école de vertu, il s'érige contre ceux qui en ont fait une école "où présideroit la Volupté".

On peut consulter l'édition de 1756 sur Googlebooks.

Une édition moderne, avec la traduction du P. Brumoy en regard (Discours sur les spectacles, 1733), présentée par Édith Flamarion, parut chez Littératures Classiques en 2000. Ce passage figure p. 60, avec la version du P. Brumoy p. 61 :

Cessons nos justes invectives contre les Auteurs. Plusieurs d’entre eux ont fait l’humble aveu de leur faute. Nous sçavons du moins que le maître, ou plûtôt le père de la Poësie Lyrique s’est repenti (tard à la vérité, réellement toutefois) d’un talent trop facile & trop heureux. Nous sçavons qu’il a baigné de ses pleurs des lauriers qu’il devoit plus au génie qu’au travail.

Quelques pages plus tôt (traduction du P. Brumoy, p. 41, 43), le P. Porée compare le jeune Racine au vieux Corneille. On croirait presque qu'il s'agit de Quinault ("doux et coulant", "tendre", "charme enchanteur", "soupirs", "grâce", "douceur". La citation nous rappelle que Racine le grand classique et Quinault le tendre et le douceureux, la bête noire de Boileau, n'étaient pas si distincts pour de nombreux spectateurs/lecteurs de l'Ancien Régime.

Racine le jeune […] pur dans sa diction, doux & coulant dans ses Vers, sembla fait pour attendrir la Scéne. […] Racine dans le tendre fascina les coeurs par le charme enchanteur des sentimens. […] [Racine] s’insinua dans les cercles, pour y apprendre les délicatesses de la galanterie. […] Racine, comme le tendre Oiseau de Cypris, volitgeant autour des myrtes & des roses fit répéter aux Echos ses gémissements & ses soupirs. […] Racine suivant une pente plus douce [que celle de Corneille], mais par-là plus sûre, s’élevant rarement, soûtenant son vol avec grace, & le ramenant promptement aux amours, parut s’offrir de lui-même aux suffrages qui prévenoient son attrayante douceur.