Sur le passage du Rhin

     SOURCE A:

On a examiné la description faite par feu Mr. Quinault de la medaille sur le Passage du Rhin, et Elle a esté arrestée.

     Après la prise de Rhinberg, d’Orsoy, de Wesel, et de Burich, le Roy acheva bientost de Conquerir toutes les places que les Hollandois possedoient dans le Duché de Cleves ; Mais ne se bornant pas a la prise de ces villes et Impatient de penetrer dans le cœur de leur pays, Il se rendit sur le bord du Rhin vis a vis du Fort de Tolhuys ou l’on disoit qu’il y avait un gué, et resolut de faire tenter le passage par ses Trouppes. Les François entrerent avec audace dans le fleuve qui est fort large et fort rapide en cet endroit, et le gué leur ayant manqué à une certaine distance, Ils passerent le reste a la nage ; les Hollandois qui estoient postés à l’autre bord avec un corps considerable, se mirent en devoir de les repousser ; Quelques uns de leurs Escadrons s’estant mesme advancés dans l’eau, mais Ils ne pûrent soûtenir le premier effort des François, Et le Roy se vit ainsy Maistre du Betau qui est la plus belle partie de la Hollande.

     Pour exprimer cette grande action on a représenté dans cette Médaille le Roy foulant aux pieds le Rhin. La Victoire vole au dessus de luy, et par la couronne qu’elle va mettre sur sa Teste, l’assûre du succés de son Entreprise. Les mots de la Legende, Tranatus Rhenus, et ceux de l’Exergue, Hosti Ripam Adversam Obtinente font entendre que le Rhin a esté passé à la nage à la veüe des Ennemis. 1672.


SOURCE B:

LE PASSAGE DU RHIN

     Des que Rhinberg, Orsoy, Wesel, & Burich eurent capitulé, le Roy s’empara des Places, que les Hollandois possedoient dans le Duché de Cleves. Mais ne se bornant pas à la prise de ces Villes, il se rendit sur le bord du Rhin vis-à-vis du Fort de Tolhuys, & resolut de tenter le passage. Sa Majesté détacha deux mille chevaux, qui ayant à leur teste plusieurs Volontaires qualifiez, entrérent avec intrépidité dans le fleuve fort large & fort rapide en cet endroit. Le gué leur manqua à une certaine distance de l’autre bord, ils passerent le reste à la nage. Les Hollandois, postés de l’autre costé avec un corps considérable, se mirent en devoir de les repousser, & trois de leurs Escadrons s’avancérent fiérement dans de Rhin pour disputer le passage. Mais les Volontaires, l’espée à la main, allérent à eux avec tant de résoluttion, qu’ils les renversérent. Les deux mille chevaux François passent alors sans obstacle. Le Prince de Condé & le Duc d’Enguien à leur teste, marchérent d’abord aux Ennemis retranchez sous le Chasteau de Tolhuys, & après avoir essuyé leur décharge, les rompirent à coups d’espée. On en tua un grand nombre, & on fit beaucoup de prisonniers. Cette action si hardie & si heureuse, respandit par tout l’espouvante, rendit le Roy Maistre de l’Isle de Betau, l’un des plus riches Païs de toute la Hollande, et ouvrit le chemin aux grandes Conquestes que Sa Majesté avoit projettées.

    C’est le sujet de cette medaille. La Victoire couronne le Roy, qui foule aux pieds le Fleuve du Rhin. Les mots de la Légende, TRANATUS RHENUS, & ceux de l’Exergue, HOSTE RIPAM ADVERSAM OBTINENTE M. DC. LXXII. signifient, le Rhin passé à la nage en présence des Ennemis. 1672.


SOURCE C:

1672

LE PASSAGE DU RHIN

Aprés que Rhimberg, Wesel, Burich & Orsoy eurent capitulé, le Roy s’empara de Rées, d’Emmerick, de Doetkum, de Grol & de plusieurs autres places, dans le Duché de Cléves. Mais, comme le reste du pays ennemi se trouvoit fermé & défendu de tous costez par de grosses riviéres ou de profonds canaux, il paroissoit presque impossible de faire de plus grands progrès. Cependant, sa Majesté qui vouloit pénétrer dans le cœur de la Hollande, se rendit sur le bord du Rhin vis-à-vis du Fort de Tolhuys, & resolut de tenter le passage. Deux mille chevaux détachez, & plusieurs volontaires de distinction qui s’estoient mis à leur teste, je jettérent avec intrépidité dans le fleuve. Les Hollandois postez de l’autre costé avec un gros corps de troupes, firent d’inutiles efforts pour les repousser. Trois de leurs Escadrons qui s’estoient avancez fiérement dans de Rhin, furent presqu’aussitost renversez, & rien ne put arrester les François. Dès qu’ils eurent passé, le Prince de Condé & le Duc d’Enguien les menérent à l’infanterie ennemie retranchée sous le fort de Tolhuys. Ils la rompirent en peu de temps, tuérent plus de cinq cens hommes, & firent près de quatre mille prisonniers. Toute les barriéres de la Hollande se trouvérent forcées par une action si hardie & si heureuse.

     C’est le sujet de cette médaille. La Victoire couronne le Roy, qui foule aux pieds le Fleuve du Rhin. Les mots de la Légende, TRANATUS RHENUS, & ceux de l’Exergue, HOSTE RIPAM ADVERSAM OBTINENTE. XII JUNII M. DC. LXXII. signifient, le Rhin passé à la nage en présence des Ennemis, le 12 de Juin 1672.

SOURCE DE LA MÉDAILLE

A. Cabinet des Médailles de Paris, Série royale, 713 (or), 714 (argent), Diam. 73 mill.


SOURCES DE LA DESCRIPTION

   La source A ne diffère qu'en quelques très petits détails des transcriptions de Jacquiot. Les deux recueils de Médailles sur les principaux événements sont disponibles sur Gallica.

   On notera que toutes ces sources sont postérieures à la mort de Quinault.

A. Registre Journal des Délibérations et des Assemblées de l’Académie royale des Inscriptions. Séance du Mardy 30 aoust 1695.

B. Medailles sur les principaux evenements du regne de Louis le Grand, avec des explications historiques, Paris, Imprimerie royale, 1702, p. 123

C. Medailles sur les principaux evenements du regne de Louis le Grand, avec des explications historiques, Paris, Imprimerie royale, 1723, p. 122

D. Josèphe Jacquiot, "Philippe Quinault, membre de la Petite Académie", dans Mélanges d'histoire littéraire (XVIe-XVIIe siècles) offerts à Raymond Lebègue, Paris, Nizet, 1969, p. 314-315

E. Josèphe Jacquiot, Médailles et jetons de Louis XIV d’après le manuscrit de Londres, Paris, Imprimerie Nationale ; Klincksieck, 1968,  vol. II, p. 264


VARIANTES de la description

SOURCE B

   La première moitié du premier paragraphe ne diffère pas trop du début du deuxième de la source A, malgré quelques modifications qu’on pourrait appeler, pour la plupart, stylistiques. Par exemple, capituler au lieu de la prise, conquérir au lieu d’emparer, intrépidité au lieu d’audace. « Impatient de penetrer dans le cœur de leur pays » disparaît, comme « ou l’on disoit qu’il y avait un gué », mais les « mille chevaux » et les « volontaires » introduisent des détails qui ne figurent pas dans la source A.

   Puis, à partir de « Quelques uns de leurs Escadrons », la nouvelle version est nettement plus longue, avec de nombreux détails sur la bataille et ses participants. Là où la source A ne dit que « Ils [les Hollandais] ne pûrent soûtenir le premier effort des François », la source B consacre une centaine de mots aux glorieux exploits des troupes du roi. Ces détails donnent l'impression d'un engagement plus important qu'il ne le fut.

   Le deuxième paragraphe est plus concis que celui de la source A. On a sans doute trouvé que, après tous ces détails, il n’était plus nécessaire de rappeler au lecteur qu’il s’agissait d’une grande action, ni que la Victoire vole.


SOURCE C

   Le premier paragraphe introduit des détails supplémentaires, surtout la deuxième phrase sur la géographie hollandaise. Il ajoute plusieurs villes à la liste des sources A et B, et précise le nombre de tués et de prisonniers. En revanche, la plupart des détails sur le gué et le passage à la nage disparaissent.

    Le deuxième paragraphe est presque identique, sauf qu’il introduit la date du 12 juin.