Mémoires secrets

Les extraits suivants sont de la première édition, à Londres, chez Adamson

Le journaliste n'est pas très tendre envers les révisions des livrets de Quinault par Marmontel.


On doit donner incessamment à l’opéra le Thésée de Lully, c’est-à-dire qu’il ne sera point question de celui de M. de Mondonville. Cependant, comme les accessoires & le fond du sujet sont les mêmes dans l’un & l’autre ouvrage, rien n’empêcheroit de les jouer alternativement : le public seroit en état de prononcer entre le travail des deux artistes, &, quoique l’ouvrage du denier ne soit pas goûté généralement, il y a de grands tableaux de musique, des effets frappans & alalogues au sujet, des airs de danse charmans, &c. »

28 novembre 1765, addition dans le t. XVI (1781), p. 269

[Dans le salon principal de la nouvelle salle d'opéra] On y voit trois bustes en marbre, représentant Quinault, Lulli, Rameau. Ces têtes, traitées avec beaucoup de vérité & d’énergie, sont dues au ciseau de M. Caffieri, Sculpteur du Roi.

2 mars 1770, addition dans le t. XIX (1783), p. 192

Avant de quitter l’administration de l’Opéra, M. de Vismes se propose de remettre Thésée de Lully : il veut par ce dernier effort contenter toutes les diverses sortes de spectateurs & faire sa cour même aux partisans de notre vieille & bien vieille musique.

31 janvier 1780, t. XIII, p. 315

On doit donner dimanche prochain le Thesée de Quinault & de Lully, tel qu’il a été composé en 1675, sans y admettre aucuns accompagnemens ni ornemens nouveaux. L’objet de cette reprise est de mettre & de rapprocher sous les yeux du public les termes les plus éloignés des compositions musicales de notre théâtre.

18 février 1780, t. XIII, p. 336

La premiere représentation de Thesée a eu lieu mardi 22 de ce mois. M. de Vismes n’a pas tenu tout-à-fait parole. L’ouverture & presque tous les airs de danse ne sont pas de Lully : on a peu changé au récitatif & à tout ce qui tient à sa scene ; cependant l’accompagnement du monologue de Medée, a été refait par le Sr. Grenier, Directeur de l’Académie Royale de musique. Il a été applaudi des amateurs du moderne, qui ont siflé les troisieme & quatrieme actes. Les partisans de l’antique ne sont pas plus contens, ils reprochent au Sr. de Vismes d’avoir toléré qu’on ait altéré l’exécution du récitatif par des trilles, des cadences, des ports de voix, qui gâtent la simplicité noble du chant de Lully. On aura peine à concilier tant d’intérêts ; il faut voir comment iront les représentations suivantes.

26 février 1780, t. XIII, p. 345

Sans doute, M. Piccini auroit beaucoup mieux fait d’imiter M. gluck & de laisser l’Atys de Quinault dans toute sa pureté, ainsi que son rival a laissé Armide, tous deux étant regardés comme les chefs d’œuvres les plus parfaits du poëte pour les paroles. Quoi qu’il es soit, sous prétexte de resserrer cette tragédie lyrique & d’y répandre plus d’intérêt & de chaleur, M. Marmontel l’a réduite en trois actes, mais au lieu de se contenter de faire des retranchemens, il y a fait des additions, & voulant la raccourcir, l’a allongée….

3 mars 1780, t. XV, p. 65-66

Si les détails ou les vers du nouveau lyrique compensoient au moins ceux de Quinault qu’il a supprimés ou travestis, alors son travail pourroit être de quelque prix ; mais sa versification est toujours dure, lâche ou diffuse. Il court sans cesse après une ariette ou un duo. […] Une faute plus grâve, qu’on a laissé subsister dans le poëme & qu’on a eu le bon esprit de /43/ supprimer à la représentation, c’est de faire annoncer par Orias l’apparition du monstre, que tout le peuple doit avoir vu, & de faire succéder à cette cruelle nouvelle un divertissement pour la victoire que Persée a remportée sur les Gorgones. Assurément Quinault n’avoit pas imaginé de faire danser tous ces gens-là pendant ce deuil universel.

30 octobre 1781, t. XVI, p. 42-43

Malgré le froid accueil que l’on fait à la refonte du poëme de Persée, malgré la force avec laquelle on s’est élevé dans le plus grand nombre des papiers publics contre la témérité de M. Marmontel, de profane par ses mutilations & interpollations notre prince des poëtes lyriques, malgré les éloges ironiques des autres, malgré les calembours de toute espece, les épigrammes qui l’accablent de toutes parts, le savetier de l’opéra soutient tout cela avec une insolence sans exemple ; il répond que s’il y a de mauvais vers dans Persée, ce sont ceux de Quinault, qu’il a conservés. Entre diverses plaisanteries qu’occasionne la guerre qu’on lui fait, voici la plus saillante :

Quinault par la douceur de ses aimables vers,

Suspendoit le tourment des ombres malheureuses :

Cherchons, pour l’en punir, des peines rigoureuses,

      S’écria le Dieu des Enfers !

Il invente aussitôt un mal le plus horrible,

Dont au Tartare même on se fut avisé ;

Je veux faire, dit-il, un exemple terrible,

J’ordonne que Quinault soit Marmontélisé.

15 novembre 1781, t. XVI, p. 61

(Cet épigramme paraît aussi, avec de légères variantes, dans la

Correspondance littéraire de Grimm, novembre 1780, dans le Dictionnaire de Feller (1783)

et dans G. Touchard-Lafosse, Chroniques secrètes et galantes de l'Opéra (1667-1845),

Paris, Gabriel Roux et Cassanet, 1846, III, p. 207)

De l’ordure des vieux poëtes

Virgile a tiré perles nettes ;

De Marmontel, ce gros lourdaut,

Bien différente est l’avanture ;

Car sur les perles de Quinault

Le vilain a fait son ordure.

épigramme d'Arnaud, 26 décembre 1781, t. XVI, p. 118