Voltaire

   Voltaire était un grand admirateur du "poète des grâces". L'article "De l'opéra" dans son Dictionnaire philosophique est une bonne introduction à ses préférences, et on y trouve plusieurs passages qui seront repris dans d'autres ouvrages.

   Quinault est mentionné rarement dans l'article "Opéra" dans De la connaissance des beautés et des défauts de la poésie (1749). L'opéra est "un poème nécessairement défectueux par sa nature", car il lui faut "du raisonnement [voir Perrin], du détail, des événements préparés", comme dans la tragédie. "Voilà pourquoi, depuis Quinault, il n'y a presque pas eu de tragédie supportable en musique". Voltaire met Atys et Armide "au-dessus de ce genre médiocre".


   Lulli, qu’on appela bientôt monsieur de Lulli, s’associa très-habilement avec Quinault, dont il sentait tout le mérite, et qu’on n’appela jamais monsieur de Quinault. Il donna dans son jeu de paume de Bélair, en 1672, les Fêtes de l’Amour et de Bacchus, composées par ce poète aimable ; mais ni les vers ni la musique ne furent dignes de la réputation qu’ils acquirent depuis ; les connaisseurs seulement estimèrent beaucoup une traduction de l’ode charmante d’Horace (liv. III, od. ix) :

Donec gratus eram tibi,

Nec quisquam potior brachia candidæ

Cervici juvenis dabat,

Persarum vigui rege beatior.

 [Ce passage des Fêtes de l'Amour et de Bacchus est emprunté aux Amants mangifiques de Molière, intermède III, sc. 5.]

Cette ode en effet est très-gracieusement rendue en français ; mais la musique en est un peu languissante.

   Il y eut des bouffonneries dans cet opéra, ainsi que dans Cadmus et dans Alceste. Ce mauvais goût régnait alors à la cour dans les ballets, et les opéras italiens étaient remplis d’arlequinades. Quinault ne dédaigna pas de s’abaisser jusqu’à ces platitudes :

Tu fais la grimace en pleurant,

Je ne puis m’empêcher de rire.

[…]

Ah ! vraiment, je vous trouve bonne,

Est-ce à vous, petite mignonne,

De reprendre ce que je dis ?

 […]

Mes pauvres compagnons, hélas !

Le dragon n’en a fait qu’un fort léger repas.

[…]

Le dragon étendu ! ne fait-il point le mort ? [Cadmus, II, 1 & 3 ; III, 3 & 4]

   Mais dans ces deux opéras d’Alceste et de Cadmus, Quinault sut insérer des morceaux admirables de poésie. Lulli sut un peu les rendre en accommodant son génie à celui de la langue française ; et comme il était d’ailleurs très-plaisant, très-débauché, adroit, intéressé, bon courtisan, et par conséquent aimé des grands, et que Quinault n’était que doux et modeste, il tira toute la gloire à lui. Il fit accroire que Quinault était son garçon poëte, qu’il dirigeait, et qui sans lui ne serait connu que par les Satires de Boileau. Quinault, avec tout son mérite, resta donc en proie aux injures de Boileau, et à la protection de Lulli.

Cependant rien n’est plus beau, ni même plus sublime, que ce chœur des suivants de Pluton dans Alceste (acte IV, scène iii) :

Tout mortel doit ici paraître.

On ne peut naître

Que pour mourir.

De cent maux le trépas délivre :

Qui cherche à vivre.

Cherche à souffrir....

[…]

Est-on sage

De fuir ce passage ?

C’est un orage

Qui mène au port....

Plaintes, cris, larmes,

Tout est sans armes

Contre la mort.

   Le discours que tient Hercule à Pluton paraît digne de la grandeur du sujet (acte IV, scène v) :

Si c’est te faire outrage

D’entrer par force dans ta cour,

Pardonne à mon courage,

Et fais grâce à l’amour.

   La charmante tragédie d’Atys, les beautés, ou nobles, ou délicates, ou naïves, répandues dans les pièces suivantes, auraient dû mettre le comble à la gloire de Quinault, et ne firent qu’augmenter celle de Lulli, qui fut regardé comme le dieu de la musique. Il avait en effet le rare talent de la déclamation : il sentit de bonne heure que la langue française étant la seule qui eût l’avantage des rimes féminines et masculines, il fallait la déclamer en musique différemment de l’italien. Lulli inventa le seul récitatif qui convînt à la nation, et ce récitatif ne pouvait avoir d’autre mérite que celui de rendre fidèlement les paroles. Il fallait encore des acteurs, il s’en forma ; c’était Quinault qui souvent les exerçait, et leur donnait l’esprit du rôle et l’âme du chant. Boileau (satire x, 141-42) dit que les vers de Quinault étaient des

[…] Lieux communs de morale lubrique,

Que Lulli réchauffa des sons de sa musique.

   C’était au contraire Quinault qui réchauffait Lulli. Le récitatif ne peut être bon qu’autant que les vers le sont : cela est si vrai qu’à peine, depuis le temps de ces deux hommes faits l’un pour l’autre, y eût-il à l’Opéra cinq ou six scènes de récitatif tolérables.

   Les ariettes de Lulli furent très-faibles ; c’étaient des barcarolles de Venise. Il fallait, pour ces petits airs, des chansonnettes d’amour aussi molles que les notes. Lulli composait d’abord les airs de tous ces divertissements ; le poëte y assujettissait les paroles. Lulli forçait Quinault d’être insipide ; mais les morceaux vraiment poétiques de Quinault n’étaient certainement pas des lieux communs de morale lubrique. Y a-t-il beaucoup d’odes de Pindare plus fières et plus harmonieuses que ce couplet de l’opéra de Proserpine ? (Acte I, scène i.)

Les superbes géants, armés contre les dieux,

Ne nous donnent plus d’épouvante ;

Ils sont ensevelis sous la masse pesante

Des monts qu’ils entassaient pour attaquer les cieux.

Nous avons vu tomber leur chef audacieux

Sous une montagne brûlante :

Jupiter l’a contraint de vomir à nos yeux

Les restes enflammés de sa rage mourante,

Jupiter est victorieux,

Et tout cède à l’effort de sa main foudroyante.

Goûtons dans ces aimables lieux

Les douceurs d’une paix charmante.

   L’avocat Brossette a beau dire, l’ode sur la prise de Namur, « avec ses monceaux de piques, de corps morts, de rocs, de briques », est aussi mauvaise que ces vers de Quinault sont bien faits. Le sévère auteur de l’Art poétique, si supérieur dans son seul genre, devait être plus juste envers un homme supérieur aussi dans le sien : homme d’ailleurs aimable dans la société, homme qui n’offensa jamais personne, et qui humilia Boileau en ne lui répondant point.

Enfin le quatrième acte de Roland et toute la tragédie d’Armide furent des chefs-d’œuvre de la part du poète ; et le récitatif du musicien sembla même en approcher. Ce fut pour l’Arioste et pour le Tasse, dont ces deux opéras sont tirés, le plus bel hommage qu’on leur ait jamais rendu.

Ensuite, voici le résumé de la vie de Quinault dans la liste d'écrivains français à la fin du Siècle de Louis XIV :

QUINAULT (Philippe) né à Paris en 1635, auditeur des comptes, célèbre par ses belles poésies lyriques, et par la douceur qu'il opposa aux satires très injustes de Boileau. Quinault était dans son genre très supérieur à Lulli. On le lira toujours; et Lulli, à son récitatif près, ne peut plus être chanté. Cependant on croyait, du temps de Quinault, qu'il devait à Lulli sa réputation. Le temps apprécie tout. Il eut part, comme les autres grands hommes, aux récompenses que donna Louis XIV, mais une part médiocre; les grandes grâces furent pour Lulli: mort en 1688.

    NB. Il est rapporté dans les Anecdotes littéraires que Boileau étant à la salle de l'Opéra de Versailles dit à l'officier qui plaçait, Monsieur, mettez-moi dans un endroit où je n'entende point les paroles. J'estime fort la musique de Lulli, mais je méprise souverainement les vers de Quinault.

    Il n'y a nulle apparence que Boileau ait dit cette grossièreté. S'il s'était borné à dire, mettez-moi dans un endroit où je n'entende que la musique, cela n'eût été que plaisant, mais n'eût pas été moins injuste. On a surpassé prodigieusement Lulli dans tout ce qui n'est pas récitatif; mais personne n'a jamais égalé Quinault.

Dictionnaire philosophique, "De l'opéra"

Et voici celui de la vie de Lully, où il parle presque autant de Quinault :

Jean-Baptiste LULLI, né à Florence en 1633, amené en France à l'âge de quatorze ans, et ne sachant encore que jouer du violon, fut le père de la vraie musique en France. Il sut accommoder son art au génie de la langue ; c'était l'unique moyen de réussir. Il est à remarquer qu'alors la musique italienne ne s'éloignait pas de la gravité et de la noble simplicité que nous admirons encore dans les récitatifs de Lulli.

Rien ne ressemble plus à ces récitatifs que le fameux motet de Luigi chanté en Italie avec tant de succès dans le dix-septième siècle, et qui commence ainsi:

Sunt breves mundi rosae

Sunt fugitivi flores,

Frondes veluti annosae

Sunt labiles honores.

Il faut bien observer que dans cette musique de pure déclamation, qui est la mélopée des anciens, c'est principalement la beauté naturelle des paroles qui produit la beauté du chant ; on ne peut bien déclamer que ce qui mérite de l'être. C'est à quoi on se méprit beaucoup du temps de Quinault et de Lulli. Les poètes étaient jaloux du poète, et ne l'étaient pas du musicien. Boileau reproche à Quinault,

Ces lieux communs de morale lubrique,

Que Lulli réchauffa des sons de sa musique.

Les passions tendres que Quinault exprimait si bien, étaient sous sa plume la peinture vraie du coeur humain, bien plus qu'une morale lubrique. Quinault par sa diction échauffait encore plus la musique, que l'art de Lulli n'échauffait ses paroles. Il fallait ces deux hommes et des acteurs, pour faire de quelques scènes d'Atis, d'Armide, et de Roland un spectacle tel que ni l'antiquité, ni aucun peuple contemporain n'en connut. Les airs détachés, les ariettes ne répondirent pas à la perfection de ces grandes scènes. Ces airs, ces petites chansons, étaient dans le goût de nos noëls ; ils ressemblaient aux barcarolles de Venise; c'était tout ce qu'on voulait alors. Plus cette musique était faible, plus on la retenait aisément. Mais le récitatif est si beau, que Rameau n'a jamais pu l'égaler. Il me faut des chanteurs, disait-il, et à Lulli des acteurs. Rameau a enchanté les oreilles, Lulli enchantait l'âme; c'est un des grands avantages du siècle de Louis XIV, que Lulli ait rencontré un Quinault. [...]

Sur les noëls, voir Nicolas Saboly, Recueil des Noëls Provençaux. Lou Reviro-meinage, présentation, traductions, notes par Henri Moucadel, Montfaucon, A l’asard Bautezar !, 2014, Un recueil de Saboly de 1674 contient deux parodies d'airs d'Alceste, créé la même année : "Malgré tant d'orages" et "Jeunes coeurs, laissez-vous prendre" (I, 7),  celui de 1673 un air de Cadmus et Hermione, et celui de 1671 deux airs du prologue de Psyché.

Et quelques citations du Siècle de Louis XIV et d'autres oeuvres de Voltaire ; il parle souvent de Quinault :

Quinault, dans un genre tout nouveau, et d’autant plus difficile qu’il paraît plus aisé, fut digne d’être placé avec tous ces illustres contemporains. On sait avec quelle injustice Boileau voulut le décrier. Il manquait à Boileau d’avoir sacrifié aux grâces: il chercha en vain toute sa vie à humilier un homme qui n’était connu que par elles. Le véritable éloge d’un poète, c’est qu’on retienne ses vers. On sait par coeur des scènes entières de Quinault; c’est un avantage qu’aucun opéra d’Italie ne pourrait obtenir. La musique française est demeurée dans une simplicité qui n’est plus du goût d’aucune nation; mais la simple et belle natiure, qui se montre souvent dans Quinault avec tant de charmes, plaît encore dans toute l’Europe à ceux qui possédent notre langue, et qui ont le goût cultivé. Si l’on trouvait dans l’antiquité un poème comme Armide ou comme Atys, avec quelle idolâtrie il serait reçu! Mais Quinault était moderne.

Le Siècle de Louis XIV, ch. XXXII

La singulière destinée de ce siècle rendit Molière contemporain de Corneille et de Racine. Il n'est pas vrai que Molière, quand il parut, eût trouvé le théâtre absolument dénué de bonnes comédies. Corneille lui-même avait donné le Menteur, pièce de caractère et d'intrigue, prise du théâtre espagnol comme le Cid; et Molière n'avait encore fait paraître que deux de ses chefs-d'oeuvre, lorsque le public avait la Mère coquette de Quinault, pièce à la fois de caractère et d'intrigue, et même modèle d'intrigue. Elle est de 1664; c'est la première comédie, où l'on ait peint ceux que l'on a appelés depuis les marquis. La plupart des grands seigneurs de la cour de Louis XIV voulaient imiter cet air de grandeur, d'éclat et de dignité qu'avait leur maître. Ceux d'un ordre inférieur copiaient la hauteur des premiers; et il y en avait enfin, et même en grand nombre, qui poussaient cet air avantageux, et cette envie dominante de se faire valoir, jusqu'au plus grand ridicule.

Le Siècle de Louis XIV, ch. XXXII

On joua la même année [1665] la comédie de la Mère coquette, du célèbre Quinault ; c’était presque la seule bonne comédie qu’on eût vue en France, hors les pièces de Molière, et elle dut lui donner de l’émulation.

Vie de Molière, 1739, art. La Princesse d’Élide

En vain Boileau, dans ses sévérités,

A de Quinault dénigré les beautés.

L’heureux Quinault, vainqueur de la satire,

Rit de sa haine et marche à ses côtés.

"Épître sur la calomnie", vers 163-166

O dur Boyleau, dont la Muse sévère,

Au doux Quinault envia l'art de plaire,

Qu'arrive-t-il lorsque ses vers charmants,

Par Géliot embellis sur la scene,

De leurs douceurs enivrent tous nos sens ?

Chacun maudit ta satire inhumaine.

N'entends-tu pas par nos applaudissements,

Venger Quinault quatre fois par semaine ?

"Épître sur la calomnie", éd. 1742, à la place des vers 139-178

Ainsi les charmants opéras de Quinault feront toujours les délices de quiconque est sensible à la douce harmonie de la poésie, au naturel et à la vérité de l’expression, aux grâces faciles du style, quoique ces mêmes opéras aient toujours été en butte aux satires de Boileau son ennemi personnel, et quoiqu’on les représente moins souvent qu’autrefois.

Commentaires sur Corneille :  Remarques sur Sertorius

* * * 

   Un amateur des lettres lisait un jour le Tasse avec moi ; il tomba sur cette stance :

Chiama gli abitator dell’ ombre eterne

Il rauco suon della tartarea tromba.

Treman le spaziose atre caverne ;

E l’aer cieco a quel rumor rimbomba :

Nè sì stridendo mai dalle superne

Regioni del cielo il folgor piomba ;

Ne sì scossa giammai trema la terra

Quando i vapori in sen gravida serra.

(Jérusalem délivrée, chant IV, st. 3.)


   Il lut ensuite au hasard plusieurs stances de cette force et de cette harmonie. « Ah ! c’est donc là, s’écria-t-il, ce que votre Boileau appelle du clinquant ? c’est donc ainsi qu’il veut rabaisser un grand homme qui vivait cent ans avant lui, pour mieux élever un autre grand homme qui vivait seize cents ans auparavant, et qui eût lui-même rendu justice au Tasse ? — Consolez-vous, lui dis-je, prenons les opéras de Quinault. »

   Nous trouvâmes à l’ouverture du livre de quoi nous mettre en colère contre la critique ; l’admirable poëme d’Armide se présenta, nous trouvâmes ces mots :

Sidonie.

La haine est affreuse et barbare,

L’amour contraint les cœurs dont il s’empare

À souffrir des maux rigoureux.

Si votre sort est en votre puissance,

Faites choix de l’indiférence ;

Elle assure un repos heureux.

Armide.

Non, non, il ne m’est pas possible

De passer de mon trouble en un état paisible ;

Mon cœur ne se peut plus calmer ;

Renaud m’offense trop, il n’est que trop aimable,

C’est pour moi désormais un choix indispensable

De le haïr ou de l’aimer.

(Armide, acte III, scène ii.)


   Nous lûmes toute la pièce d’Armide, dans laquelle le génie du Tasse reçoit encore de nouveaux charmes par les mains de Quinault. « Eh bien ! dis-je à mon ami, c’est pourtant ce Quinault que Boileau s’efforça toujours de faire regarder comme l’écrivain le plus méprisable ; il persuada même à Louis XIV que cet écrivain gracieux, touchant, pathétique, élégant, n’avait d’autre mérite que celui qu’il empruntait du musicien Lulli. — Je conçois cela très-aisément, me répondit mon ami ; Boileau n’était pas jaloux du musicien, il l’était du poëte. — Quel fond devons-nous faire sur le jugement d’un homme qui, pour rimer à un vers qui finissait en aut, dénigrait tantôt Boursault, tantôt Hénault, tantôt Quinault, selon qu’il était bien ou mal avec ces messieurs-là ?

 Dictionnaire philosophique, Paris, Garnier, 1878, t. XVIII, p. 283-284

* * * 


Ce n'est point Racine que Corneille désigne ici. Ce grand homme, qui n'a jamais efféminé ses héros, qui n'a traité l'amour que comme une passion dangereuse, et non comme une galanterie froide, pour remplir un acte ou deux d'une intrigue languissante ; Racine, dis-je, n'avait encore publié aucune pièce de théâtre : c'est de Quinault dont il est ici question. Le jeune Quinault venait de donner successivement Stratonice, Amalasonte, le Faux Tiberinus, Astrate. Cet Astrate surtout, joué dans le même temps que Sophonisbe, avait attiré tout Paris, tandis que Sophonisbe était négligée. Il y a de très-belles scènes dans Astrate ; il y règne surtout de l'intérêt : c'est ce qui fit son grand succès. Le public était las de pièces qui roulaient sur une politique froide, mêlée de raisonnements sur l'amour et de compliments amoureux, sans aucune passion véritable. On commençait aussi à s'apercevoir qu'il fallait un autre style que celui dont les dernières pièces de Corneille sont écrites. Celui de Quinault était plus naturel et moins obscur. Enfin ses pièces eurent un prodigieux succès, jusqu'à ce que l’Andromaque de Racine les éclipsât toutes. Boileau commença à rendre l’Astrate ridicule en se moquant de l'anneau royal, qui, en effet, est une invention puérile ; mais il faut convenir qu'il y a de très-belles scènes entre Sichée et Astrate.

Commentaires sur Corneille :  Remarques sur Sophonisbe

Voltaire fait cette remarque à propos d’une phrase dans le « Au Lecteur » du Sophonisbe de Corneille (1663) : « J'aime mieux qu'on me reproche d'avoir fait mes femmes trop héroïnes... que de m'entendre louer d'avoir efféminé mes héros par une docte et sublime complaisance au goût de nos délicats, qui veulent de l'amour partout ».

On joua, la même année, l'Astrate de Quinault, célèbre par le ridicule que Despréaux lui a donné, mais plus célèbre alors par le prodigieux succès qu'elle eut. Ce qui fit ce succès, ce fut l'intérêt qui parut régner dans la pièce. Le public était las de tragédies en raisonnements, et de héros dissertateurs. Les cœurs se laissèrent toucher par l'Astrate, sans examiner si la pièce était vraisemblable, bien conduite, bien écrite. Les passions y parlaient, et c'en fut assez. Les acteurs s'animèrent; ils portèrent dans l'ame du spectateur un attendrissement auquel il n'était point accoutumé. Les excellents ouvrages de l'inimitable Racine n'avaient point encore paru; les véritables routes du cœur étaient ignorées; celles que présentait l'Astrate furent suivies avec transport. Rien ne prouve mieux qu'il faut intéresser, puisque l'intérêt le plus mal amené échauffa tout le public, que des intrigues froides de politique glaçaient depuis plusieurs années.

Commentaires sur Corneille :  Remarques sur Othon


[Voltaire parle du vers "Je suis aimé d'Eudoxe autant comme je l'aime".]

   On ne s'arrêtera point à la faute grammaticale, aimé autant comme je l'aime, ni à ces beaux nœuds, ni à cet amour parfait, ni à ces chaînes si belles, à ces captivités éternelles. Quinault a passé pour avoir le premier employé ces expressions, dont Corneille s'était servi avant lui dans presque toutes ses pièces. Il paraît étrange que le public se soit trompé à ce point; mais c'est que ces expressions tirent une grande impression dans Quinault, qui ne parle jamais que d'amour, et qui en parle avec élégance ; elles en firent très-peu dans les ouvrages de Corneille, dont les beautés mâles couvrent toutes ces petitesses trop fréquentes. Tous ces vers, d'ailleurs, sont du style de la comédie, et d'un style dur, rampant, incorrect.

Commentaires sur Corneille :  Remarques sur Héraclius


     Il est vrai que quand on a lu l’Andromède de Quinault, on ne peut plus lire celle de Corneille, de même que les comédies de Molière firent oublier pour jamais Mélite et la Galerie du Palais.

[...]

     Andromède était un si beau sujet d’opéra, que, trente-deux ans après Corneille, Quinault le traita sous le titre de Persée. Ce drame lyrique de Quinault, fut, comme tout ce qui sortait alors de sa plume, tendre, ingénieux, facile. On retenait par coeur presque tous les couplets, on les citait, on les chantait, on en faisait mille applications. Ils soutenaient la musique de Lulli, qui n’était qu’une déclamation notée, appropriée avec une extrême intelligence au caractère de la langue: ce récitatif est si beau, qu’en paraissant la chose du monde la plus aisée, il n’a pu être imité par personne. Il fallait les vers de Quinault pour faire valoir le récitatif de Lulli, qui demandait des acteurs plutôt que des chanteurs. Enfin Quinault fut sans contredit, malgré ses ennemis et malgré Boileau, au nombre des grands hommes qui illustrèrent le siècle éternellement mémorable de Louis XIV.

[...]

Ce genre ne fut perfectionné par Quinault que plus de trente ans après. [Voltaire compare la premère scène d'Andromède à celle de Persée.] [...] comme il n'y a rien de trop dans son récit, comme il e fait point le poète mal à propos, tout est concis, vif, touchant, naturel, harmonieux. [Il cite les vers 14-25, 37-42.

   Les étrangers ne connaisse pas assez Quinault; c'est un des beaux génoies qui aient fait honneur au siècle de Louis XIV. Boileau, qui en parle avec tant de mépris, était incapable de faire ce que Quinault a fait ; personne n'écreira mieux en ce genre ; c'est beaucouip que Corneille ait préparé de loin ces beaux spectacles.

   Une remarque importante à faire, c'est qu'il n'y a pas une seule faute contre la langue dans les opéras de Quinault, à commencer depuis Alceste. Aucun auteur n'a plus de précision que lui, et jamais cette précision ne diminue le sentiment ; il écrit aussi correctement que Boileau ; et on ne peut mieux le venger des critiques passionnées de cet homme, d'ailleurs judieieux, qu'en le mettant à côté de lui.

[...]

Quinault intéresse, quoiqu'il soit presque permis de négliger cet avantage dans l'opéra.


Commentaires sur Corneille. Remarques sur Andromède


   Non-seulement Racine a presque toujours traité l'amour comme une passion funeste et tragique, dont ceux qui en sont atteints rougissent ; mais Quinault même sentit dans ses opéras que c'est ainsi qu'il faut représenter l'amour.

   Armide commence par vouloir perdre Renaud, l'ennemi de sa secte :

Le vainqueur de Renaud, si quelqu'un le peut être,

Sera digne de moi.

Elle ne l'aime pas malgré elle; sa fierté en gémit ; elle veut cacher sa faiblesse à toute la terre ; elle appelle la Haine à son secours :

Venez, Haine implacable !

Sortez du gouffre épouvantable

Où vous faites régner une éternelle horreur.

Sauvez-moi de l'amour, rien n'est si redoutable ;

Rendez-moi mon courroux, rendez-moi ma fureur,

Contre un ennemi trop aimable.

Il y a même de la morale dans cet opéra. La Haine, qu'Armide a invoquée, lui dit :

Je ne puis te punir d'une plus rude peine,

Que de t'abandonner pour jamais à l'amour.

Sitôt que Renaud s'est regardé dans le miroir symbolique qu'on lui présente, il a honte de lui-même ; il s'écrie :

Ciel! quelle honte de paroitre

Dans l'indigne état où je suis !

Il abandonne sa maîtresse pour son devoir sans balancer. Ces lieux communs de morale lubrique, que Boileau reproche à Quinault, ne sont que dans la bouche des génies séducteurs qui ont contribué à faire tomber Renaud dans le piége.

   Si on examine les admirables opéras de Quinault, Armide, Roland, Atys, Thésée, Amadis, l’amour y est tragique et funeste. C’est une vérité que peu de critiques ont reconnue, parce que rien n’est si rare que d’examiner. Y a-t-il rien, par exemple, de plus noble et de plus beau que ces vers d’Amadis?

J’ai choisi la Gloire pour guide,

J’ai prétendu marcher sur les traces d’Alcide;

Heureux si j’avais évité

Le charme trop fatal dont il fut enchanté !

Son coeur n’eut que trop de tendresse,

Je suis tombé dans son malheur ;

J’ai mal imité sa valeur,

J’imite trop bien sa faiblesse. [I, i, v. 22-29]

Enfin, Médée elle-même ne rend-elle pas hommage aux moeurs, qu’elle brave dans ces vers, si connus?

Le destin de Médée est d’être criminelle,

Mais son coeur étoit né pour aimer la vertu.

Commentaires sur Corneille. Remarques sur Pulchérie


   C'est ici qu'il ne sera pas inutile d'observer encore que ces lieux communs de morale lubrique, que Despréaux a tant reprochés à Quinault, se trouvent dans des ariettes détachées où elles sont bien placées, et que jamais le personnage de la scène ne prononce une maxime qu'à propos, tantôt pour faire pressentir sa passion, tantôt pour la déguiser. Ces maximes sont toujours courtes, naturelles, bien exprimées, convenables au personnage et à sa situation ; mais quand une fois la passion domine, alors plus de ces sentences amoureuses. Arcabone dit à son frère :

Vous m'avez enseigné la science terrible

Des noirs enchantements qui font pâlir le jour ;

Enseignez-moi, s'il est possible,

Le secret d'éviter les charmes de l'amour.

Elle ne cherche point à discuter la difficulté de vaincre cette passion, à prouver que l'amour triomphe des cœurs les plus durs.

   Armide ne s'amuse point à dire en vers faibles :

Non, ce n'est point par choix, ni par raison d'aimer,

Qu'en voyant ce qui plaît on se laisse enflammer.

Elle dit en voyant Renaud :

Achevons – je frémis – vengeons-nous – je soupire.

L'amour parle en elle, et elle n'est point parleuse d'amour.

Commentaires sur Corneille: Remarques sur Ariane de Th. Corneille

[Les 2 «  vers faibles »  sont d’Ariane, I, 1]



C’est à l’Opéra, c’est à ce spectacle consacré aux: fables, que ces enchantements conviennent, et c’est là qu’ils ont été le mieux traités. Voyez dans Quinault, supérieur en ce genre :

Esprits malheureux et jaloux,

Qui ne pouvez souffrir la vertu qu’avec peine,

Vous, dont la fureur inhumaine

Dans les maux qu’elle fait trouve un plaisir si doux,

Démons, préparez-vous

A seconder ma haine ;

Démons, préparez-vous

A servir mon courroux. [Amadis, II, 3]

Voyez en un autre endroit ce morceau encore plus fort que chante Médée[3]:

Sortez, ombres, sortez de la nuit éternelle ;

Voyez le jour pour le troubler :

Hâtez-vous d’obéir quand ma voix vous appelle.

Que l’affreux désespoir, que la rage cruelle,

Prennent soin de vous rassembler :

Sortez, ombres, sortez de la nuit éternelle...

Venez, peuple infernal, venez;

Avancez, malheureux coupables,

Soyez aujourd’hui déchaînés;

Goûtez l’unique bien des cœurs infortunés.

Ne soyez pas seuls misérables.....

Ma rivale m’expose à des maux effroyables :

Qu’elle ait part aux tourments qui vous sont destinés.

Tous les enfers impitoyables

Auront peine à former des horreurs comparables

Aux troubles qu’elle m’a donnés.

Goûtons l’unique bien des cœurs infortunés,

Ne soyons pas seuls misérables. [Thésée, III, 7]

Ce seul couplet vaut mieux, peut-être, que toute la Médée de Sénèque, de Corneille, et de Longepierre, parce qu’il est fort et naturel, harmonieux et sublime. Observons que c’est là ce Quinault que Boileau affectait de mépriser, et apprenons à être justes.

Commentaires sur Corneille. Remarques sur Médée


Le prologue d'Amadis est un modèle en ce genre ; ce sont les personnages mêmes de la pièce qui paraissent dans ce prologue, et qui se réveillent à la lueur des éclairs et au bruit du tonnerre ; et dans tous les prologues de Quinault, les couplets sont courts et harmonieux.

Commentaires sur Corneille. Remarques sur La Toison d'or


Le prologue d'Amadis fut regardé comme un chef-d'oeuvre. On admira l'art avec lequel Quinault sut joindre l'éloge de Louis XIV avec le sujet de la pièce, la beauté des vers et celles de la musique. 

Commentaires sur Corneille. Remarques sur les Trois discours


Despréaux, par un ordre exprès du dieu du Goût, se réconciliait avec Quinault, qui est le poète des grâces, comme Despréaux est le poète de la raison.

Mais le sévère satirique

Embrassait encore en grondant

Cet aimable et tendre lyrique

Qui lui pardonnait en riant.

« Je ne me réconcilie point avec vous, disait Despréaux, que vous ne conveniez qu’il y a bien des fadeurs dans ces opéras si agréables. » — « Cela peut bien être, dit Quinault : mais avouez aussi que vous n’eussiez jamais fait Atys ni Armide. »

Dans vos scrupuleuses beautés,

Soyez vrai, précis, raisonnable;

Que vos écrits soient respectés;

Mais permettez-moi d’être aimable.

Le Temple du Goût, éd. Moland, t. VIII, p. 579

Je ferai tenir, par la première occasion, l'opéra de Samson; je viens de le lire avec madame du Châtelet, et nous sommes convenus l'un et l'autre que l'amour, dans les deux premiers actes, ferait l'effet d'une flûte au milieu des tambours et des trompettes. Il sera beau que deux actes se soutiennent sans jargon d'amourette dans le temple de Quinault. Je maintiens que c'est traiter l'amour avec le respect qu'il mérite que de ne le pas prodiguer et ne le faire paraître que comme un maître absolu. Rien n'est si froid quand il n'est pas nécessaire.

Correspondance, à Thiriot, 6 février 1736

Avant d'entrer avec vous dans des détails sur votre nouvelle édition, je dois vous dire que j'ai été frappé de la circonspection avec laquelle vous parlez du célèbre, j'ose presque dire de l'inimitable Quinault, le plus concis peut-être de nos poètes dans les belles scènes de ses opéras, et l'un de ceux qui s'exprimèrent avec le plus de pureté comme avec le plus de grâce. Vous n'assurez point, comme tant d'autres, que Quinault ne savait que sa langue. Nous avons souvent entendu dire, madame Denis et moi, à M. de Beaufrant son neveu, que Quinault savait assez de latin pour ne lire jamais Ovide que dans l'original, et qu'il possédait encore mieux l'italien. Ce fut un Ovide à la main qu'il composa ces vers harmonieux et sublimes de la première scène de Proserpine:

Les superbes géans, armés contre les dieux,

Ne nous causent plus d'épouvante ;

Ils sont ensevelis sous la masse pesante

Des monts qu'ils entassaient pour attaquer les cieux.

Nous avons vu tomber leur chef audacieux

Sous une montagne brûlante.

Jupiter l'a contraint de vomir a nos yeux

Les restes enflammés de sa rage mourante.

Jupiter est victorieux,

Et tout cède à l'effort de sa main foudroyante.

    S'il n'avait pas été rempli de la lecture du Tasse, il n'aurait pas fait son admirable opéra d'Armide. Une mauvaise traduction ne l'aurait pas inspiré.

Tout ce qui n'est pas dans cette pièce air détaché, composé sur les canevas du musicien, doit être regardé comme une tragédie excellente. Ce ne sont pas là de

Ces lieux communs de morale lubrique,

Que Lulli réchauffa des sons de sa musique.

    On commence à savoir que Quinault valait mieux que Lulli. Un jeune homme d'un rare mérite, déjà célèbre par le prix qu'il a remporté à notre académie [La Harpe], et par une tragédie qui a mérité son grand succès, a osé s'exprimer ainsi en parlant de Quinault et de Lulli: Aux dépens du poëte on n'entend plus vanter

De ces airs languissans la triste psalmodie,

Que réchauffa Quinault du feu de son génie .

Je ne suis pas entièrement de son avis. Le récitatif de Lulli me paraît très-bon, mais les scènes de Quinault encore meilleures.

[...]

J’ai dit, il est vrai, dans le Siècle de Louis XIV, à l’article des musiciens, que nos rimes féminines, terminées toutes par un e muet, font un effet très-désagréable dans la musique, lorsqu’elles finissent un couplet. Le chanteur est absolument obligé de prononcer :

Si vous aviez la rigueur

De m’ôter votre cœur,

Vous m’ôteriez la vi-eu.

Arcabonne est forcée de dire :

Tout me parle de ce que j’aim-eu.

Médor est obligé de s’écrier :

… Ah ! quel tourment

D’aimer sans eupêrance-eu !

La gloire et la victoire, à la fin d’une tirade, font presque toujours la gloire-eu, la victoire-eu. Notre modulation exige trop souvent ces tristes désinences. Voilà pourquoi Quinault a grand soin de finir, autant qu’il le peut, ses couplets par des rimes masculines : et c’est ce que recommandait le grand musicien Rameau à tous les poëtes qui composaient pour lui.

Correspondance, à d’Olivet, 5 jan 1767

Tout ce que je sais, c'est que le récitatif de Lully est un chef d'oeuvre de déclamation, comme les opéras de Quinault sont des chefs d'oeuvre de poésie naturelle, de passion, de galanterie, d'esprit et de grâces. Nous sommes aujourd'hui dans la boue, et les doubles croches ne nous en tireront pas.

Correspondance, à Étienne Noël Damilaville, 4 décembre 1767

Tous les philosophes du monde, fondus ensemble, n'auraient pu parvenir à donner l'Armide de Quinault, ni les Animaux malades de la peste que fit La Fontaine, sans même savoir ce qu'il faisait.

 Correspondance, à Diderot, 20 avril 1773


A l'égard des chansons pindariques, j'ai vu avec plaisir, dans un essai de supplément à l'entreprise immortelle de l'Encyclopédie, qu'on y cite des morceaux sublimes de Quinault, qui ont toute la force de Pindare, en conservant toujours cet heureux naturel qui caractérise le phénix de la poésie chantante, comme l'appelle La Bruyère.

Chantons dans ces aimables lieux

Les douceurs d'une paix charmante;

Les superbes géans, armés contre les dieux,

Ne nous donnent plus d'épouvantes

Ils sont ensevelis sous la masse pesante

Des monts qu'ils entassaient pour attaquer les cieux.

Nous avons vu tomber leur chef audacieux

Sous une montagne brûlante;

Jupiter l'a contraint de vomir à nos yeux

Les restes enflammés de sa rage expirante;

Jupiter est victorieux,

Et tout cède à l'effort de sa main foudroyante.

Chantons dans ces aimables lieux

Les douceurs d'une paix charmante.

[Proserpine, début ; Quinault écrit "Goûtons" au lieu de "Chantons".]

Le beau chant de la déclamation qu'on appelle récitatif donnait un nouveau prix à ces vers héroïques pleins d'images et d'harmonie. Je ne sais s'il est possible de pousser plus loin cet art de la déclamation que dans la dernière scène d'Armide; et je pense qu'on ne trouvera dans aucun poëte grec rien d'aussi attachant, d'aussi pittoresque, que ce dernier morceau d'Armide, et que le quatrième acte de Roland.

Non-seulement la lecture d'une ode me paraît un peu insipide à côté de ces chefs-d'œuvre qui parlent à tous les sens; mais je donnerais pour ce quatrième acte de Quinault toutes les satires de Boileau, injuste ennemi de cet homme unique en son genre, qui contribua, comme Boileau, à la gloire du grand siècle, et qui savait apprécier les sombres beautés de son ennemi, tandis que Boileau ne savait pas rendre justice aux siennes.

         Correspondance, à La Harpe, 19 avril 1772, 


Puisque vous dites, Madame, à Monsieur d’Argental,

Atis comblé d’honneur n’aime plus Sangaride, [Atys, IV, 1]

je vous dirai,

Aeglé ne m’aime plus, et n’a rien à me dire. [Thésée, IV, 5]

Car j’aime autant Quinault que vous. Je ne suis pas de ces pédants qui le trouvent fade, et qui le condamnent pour avoir parlé d’amour lorsqu’il il en devait parler. Je le regarde comme le second de nos poëtes pour l’élégance, pour la naïveté, la vérité et la précision.

 Correspondance, à Mme du Deffand, 26 nov 1775

Il faut donc que je vous dise, mon cher ange, que si Mme du Deffant se plaint de moi par un vers de Quinault, je me suis plaint d’elle par un vers de Quinault aussi. Je crois qu’actuellement nous sommes les seuls en France qui citions aujourd’hui ce Quinault qui était autrefois dans la bouche de tout le monde.

Correspondance, à M. D’Argental, 26 nov 1675

Boileau, correct auteur de quelques bons écrits,

Zoïle de Quinault, et flatteur de Louis,

Mais oracle du goût dans cet art difficile

Où s'égayait Horace, où travaillait Virgile

[...]

Épître à Boileau, ou mon Testament [1769]

[...] les ouvrages de la Calprenède, ainsi que les autres grands romans, sont tombés. Ce qui a contribué à leur chute, c'est la perfection du théâtre. On a vu dans les bonnes tragédies, et dans les opéras, beaucoup plus de sentiments qu'on n'en trouve dans ces énormes volumes : ces sentiments y sont bien mieux exprimés, et la connaissance du coeur humain beaucoup plus approfondie. Ainsi Racine et Quinault qui ont un peu imité le style de ces romans, les ont fait oublier en parlant au coeur un langage plus vrai, plus tendre et plus harmonieux [...].

Résumé de la vie de La Calprenède, dans la liste des écrivains français à la fin du Siècle de Louis XIV

« J’ose croire que l’Astrate de Quinault, le Scévole de Durier, l’amour tyrannique de Scudéry, bien rétablis au Théâtre, pourroient faire de prodigieux effets.

Sophonisbe, Tragédie de Masiret, réparée à neuf, Paris, Veuve Duchesne, 1770, préface p. x-xi