Pierre Bayle

Pierre Bayle (1647-1706) est connu surtout pour son Dictionnaire historique et critique, dont la première édition parut en 1697. Il ne contient pas d'article sur Quinault, et Bayle ne mentionne notre poète que dans l'article sur Tristan, où il cite Ménage et Furetière (Factum III).

CORRESPONDANCE DE PIERRE BAYLE ET DE SES FRÈRES

Pour le texte complet de ces lettres, voir le site remarquable Correspondance de Pierre Bayle


I. Lettres de Pierre Bayle à son frère Jacob

Lettre 37 : Pierre Bayle à Jacob Bayle

le 31 juillet 1673

[…] Je croi vous avoir deja parlé dans mes precedentes de la mort du fameux Moliere. Il n’est pas croyable combien de vers se sont faits sur sa mort, car en effet le sujet etoit fort susceptible des pensées poetiques, de voir un fameux comedien qui meurt sur le theatre en representant une piece intitulée Le Malade imaginaire, ou co[mm]e d’autres disent, le mort imaginaire. A peine verra t’on jamais un si grand genie pour le comique. Il avoit donné l’hyver de l’année passé, Les Femmes scavantes piece aussi achevée qu’on en vit jamais, où on croit avec beaucoup d’apparence qu’il a tourné en ridicule l’abbé Cotin, ce qui meme a fait quelq[ue] bruit. On vit aussi ce meme hyver pour le grand balet du Roy, une tragedie balet, intitulée Psyché dont la conduitte et la disposition est toute deue à Molière, quoi que dans la versifica[ti]on il ait eté fort aydé par Mr Corneille le jeune, et par Mr Quinaut. J’ay leu ces 2 pieces avec beaucoup de plaisir, et ne saurois bien dire laquelle m’a pleu davantage. Au reste cette avanture de Psyché qui a servi de sujet à ce magnifique balet du Roy qui en porte le nom, est un episode de l’ Ane d’or d’Apulée. […]


Lettre 101 : Pierre Bayle à Jacob Bayle

Paris, le samedy 29 juin 1675

[…] Mr Perrault de l’Academie francoise a donné un recueil de diverses pieces en vers et en prose, qu’il a composées en divers tems. J’ay eté surpris d’y voir Le Miroir ou la metamorphose d’Orante, que nous avons creu etre de Mr Pelisson. Il y a parmi ces pieces un Dialogue de l’amour et de l’Amitié Le Parnasse poussé à bout, qui est une fiction fort ingenieuse à la louange de la conquete de la Franche Comté. Une autre, intitulée La Critique de l’opera, c’est à dire de l’ Alceste ou du Triomphe d’ Hercule. Mais ce n’est pas tant une critique de cette tragedie, que de celle de meme nom qu’ Euripide a autrefois composée, car on affecte de faire voir combien la moderne l’emporte sur l’ancienne. Mr Racine qui est de l’Academie francoise et tres excellent faiseur de tragedies, n’a peu souffrir qu’on ait fait le proces à Euripide, il a repondu pour luy dans la preface de son Iphigenie qui a eté tant applaudie l’hyver passé à l’Hotel de Bourgogne pendant 40 representations consecutives. Cette preface a des grandes beautés, quoi que courte, et la piece elle meme est des plus achevées. Neantmoins on vient d’en publier une critique sous le titre d’ Entretien sur les tragedies de ce tems [de Pierre de Villiers]. […]


Lettre 107 : Pierre Bayle à Jacob Bayle

Paris, Le samedy 3 aout 1675

[…] J’ai oublié quelque academicien dans le role que je vous ay envoyé de ceux qui ont été receus depuis Mr Pelisson ; car je ne vous ay point parlé du tendre Mr Quinault qui est du nombre. Vous savez que les Satyres de Boileau luy en veulent etrangement mais malgré leur malignité il est academicien, et outre cela, auditeur de Compte[s]. C’est lui qui compose les vers de l’opera. […]


Lettre 126 : Pierre Bayle à Joseph Bayle

Sedan, le 25 aout 1676

[…] Pour ce qui regarde l’opera, j’ay à vous dire que le mot et la chose nous sont venus de delà les monts. Les Italiens qui excellent en musique se sont avisez d’inventer cette maniere de pieces de theatre, et je croy qu’ils luy ont donné ce nom ayant egard au prodigieux appareil de machines, de danses, de decorations etc qui y entrent. A proprement parler il n’y a que quatre ans que l’on donne l’opera en France, car avant le Cadmus et Hermione ce que l’Academie royale de musique avoit representé n’etoit que comme le prelude ou plutot les entr’actes d’une juste piece. Pour les pieces de Moliere, comme elles se recitoient à la maniere des comedies ordinaires, on ne peut pas les nommer des opera, quoi qu’il y eut des entrées de ballet magnifiques, plusieurs chansons, la symphonie des voix et des instrumens en plusieurs endroits, et de tres belles machines, dans la Psyché par exemple, Le Malade imaginaire etc[.] Ainsi l’opera a commencé par le Cadmus et Hermione, et a suivi par Alceste, Medée, et Atys qui est celuy de l’année courante. Cela est fort beau à voir et à ouyr, tous les vers s’y chantent par des musiciens qui sont des eleves du fameux Baptiste Lully Italien de nation, et on voit joüer les machines avec un succez enchantant. Mais hors de là rien de plus plat. Mr Quinault qui est l’[a]utheur des vers, pourroit bien mieux faire, mais il prend un tour qui puisse s’accommoder aux airs. Je conseille fort à votre amy de n’employer pas 2 ecus à l’achat de ces pieces là. Elles coutent à Paris 30 sols piece et celle qu’on a eue pour 10 sols à Thoul[ouse] n’etoit pas sans doutte de la bonne impression. Il est inutile de chercher l’opera avec les nottes de musique, car on n’en vend point ainsi : ceux qui en veulent se les font noter par un maître de musique, et il en coute bon. Mon avis est que vous tachiés d’attraper les beaux endroits, de la bouche de ceux qui les chantent bien, et c’est le parti que prennent ceux qui aiment la musique, et qui ne sont pas à Paris. Autant que je m’en puis souvenir l’opera dont le Merc[ure] galant fait mention, est celuy de Cadmus et Hermione. C’est le plus beau qui se soit fait. Je n’ay veu que 6 tomes de ce Mercure là, et je ne croi pas que l’accueil que l’on a fait à Paris à cet ouvrage, ait fort encouragé l’autheur à co[n]tinu[er]. Neantmoins c’est un ouvrage asses propre pour nous autres provinciaux. Il est vrai qu’on a fait une edition de toutes les pieces de Moliere, en 8 petits tomes, si je ne me trompe. […]


Lettre 128 : Pierre Bayle à Joseph Bayle

le 12 sept[embre] 1676

[…] Je vous ay deja dit que vous devez desabuser votre ami de l’envie qu’il a des tragedies que vous demandez. Il vaut mieux qu’il attende [q]u’on les ait contrefaittes en province, Elles couteroient d’achat et de port beaucoup plus qu’elles ne [v]alent. […]


Lettre 135 : Pierre Bayle à Joseph Bayle

Sedan, le 28 mars 1677

[…] Au reste la demande que vous me faittes de l’opera, fait bien voir qu’on ne vous a pas rendu les lettres que je vous ai ecrittes en dernier lieu, car vous devez savoir qu’outre la reponse que vous avez veüe à votre gros paquet du mois de juillet, je vous en ai fait une autre plus ample, et c’est ce que n[otre] f[rere] vous a marqué avoir trouvé à Mont[auban] [.] Je vous y disois plusieurs choses que je m’etonne qu’on ne vous ait pas communiquées. Quant à l’opera je vous disois positivement qu’il est impossible de l’acheter en musique, et que si on le [v]eut avoir en cet etat, il faut le faire ecrire et noter par un musicien [e]xpres, pour quoi il seroit necessaire d’avoir des habitudes avec les acteurs ou les actrices, afin qu’ils pretassent leur copie et que sur celle là un musicien vous en fit une semblable. Tout cela demande un homme qui sollicite et qui furete par tout. Il ne reste que l’opera imprimé, qui n’est pas difficile à acheter, car on le trouve exposé en vente publiquem[en]t et il ne coute que 30 sols. Mais cet opera est si peu de chose quand il est denué de sa musique et de l’actuelle representation des changemens de theatre et de l’execution des machines, que vous plaindriez toute votre vie les 20 ou 30 sols qu’il vous couteroit de port. Il n’est rien de plus languissant que cette sorte de vers, les evenemens et les intrigues ne sont rien à les voir ainsi decharnez, enfin il n’y a presque personne qui achette ces pieces, sinon ceux qui vont à la representation, afin de suivre de l’œil les paroles qui se chantent sur le theatre. Figurez vous que je vous envoye des vers fort mechans, où on a mis de beaux airs. Si vous ne saviez pas ces airs là n’est il pas vrai que vous ne me sauriez aucu[n] gré d’un tel present ? Ainsi il vaut mieux que vous attendiez d’apprendre les airs de quelqu’un qui les saura chanter. Je suis bien aise de ce que vous savez chanter, c’est un talent qui est d’usage dans les conversations. J’ai veu le nom d’un certain Gillet parmi les acteurs de l’opera, apprenez moi si c’est un musicien de Lezat fils d’un hote, qui etoit de la musique de S[ain]t Etienne à Thoulouze, et qui s’appelloit ainsi. L’opera de cette année s’appelle Io. Il est fait sur les amours de Jupiter et de la fille du fleuve Inachus. On y represente dans une des decorations la fameuse vallée de Tempe dont Mr de Scudery a si bien fait la description dans sa Clelie, et Ælien aussi parmi les Anciens. […]


Lettre 151 : Pierre Bayle à Joseph Bayle

Sedan, le 25 avril 1678

[…] Il n’y a point eu de nouvel opera cette année, le Mercure galant du mois de mars dernier m’apprend q[ue] Baptiste a travaillé sur la Psyché po[ur] la convertir en opera, et la donner en cet etat apres Pâques. […]


Lettre 165 : Pierre Bayle à Jean Bayle

Sedan, le 1er d’avril 1679

[…] J’ay repondu aux questions touchant l’opera, j’ajoute icy que le s[ieu]r Baptiste Lully en doit donner un nouveau q[ui] s’intitule Bellerophon, c’est un grand sujet po[ur] l’execution des machines. Mr Corneille le jeune a fait les vers, Mr de Vigarani les machines, et Lully la musique. […]


II. Lettre de Joseph Bayle

Lettre 253 : Joseph Bayle à Salomon d’Usson

Paris, le 6 mars 1684

[…] Tout ce qu’il dit ; [ sic] à Bonnac, que lors qu’il vous escriroit, il n’oubliast point de vous faire ses complimens et à madame sa mere. Le soir il me fit bailler 5 ecus pour mener ses enfans et ses dames à l’opera d’Amadis. Ce que je fis, et son carrosse nous ramena fort heureusement. […]


III. Lettres adressées à Pierre Bayle

Lettre 298 : François Janiçon à Pierre Bayle

Paris, ce 6e juillet [16]84

[…] Samedy dernier Mr Boisleau Despreaux fut receu dans l’Accademie francoise à la place de feu Mr de Bezons. Il y fit un discours d’environ un petit quart d’heure, qui fut écouté avec beaucoup de plaisir de toute l’assemblée qui estoit fort nombreuse ce jour là. Il commença par la declara[ti]on qu’il fit de l’ etonnement où il se trouvoit de se voir receu dans une compagnie dont l’entrée luy devoit avoir eté fermée par tant de raisons. Vous voyez bien ce qu’il vouloit dire par ces derniers mots, qui pouvoient s’entendre d’une part en un sens de modestie, et de l’autre eu égard à ce qu’il avoit écrit autre fois dans ses Satires contre quelques uns des membres de l’Accademie, comme deffunts Mrs Chapellain, Desmaretz, et Cottin, et contre Mr Quinaut. […]


Lettre 388 : Pierre Rainssant à Pierre Bayle

Versailles, le 20 fevrier 1685

[…] Permettés moi de vous dire qu’on ne vous a pas bien informé de l’estat de notre Academie des inscriptions. Du temps de feu Monsieur Colbert elle estoit composée de Mrs Charpentier[,] et l’abbé Tallement de l’Academie francoise, de M. Quinaut et de M. Felibien. Depuis que Monseigneur de Louvois est surintendant des Bastimens il a adjouté à cette compagnie Monsieur de La Chapelle controlleur des Bastimens et fort entendu dans les medailles. Moy et Messieurs Despreaux et Racine histeriograp[hes] [ sic] de France. Je nomme ici chacun suivant l’ordre de la reception. Nous nous assemblons toutes les semaines au Louvre et dans le mesme endroit où se font les assemblées de l’Academie francoise et nous y travaillons à des desseins de medailles et d’inscriptions pour Sa Majesté. […]


Lettre 299 : Daniel de Larroque à Pierre Bayle

Paris le 6 juillet 1686

[…] [un conseiller de mes amis] Il m’apprit que Mr Boileau avoit esté reçu samedy dernier à l’Academie francoise quoy que Mr de Montausieur et plusieurs autres se fussent fort opposez à son installation. On voulut exiger de luy qu’il iroit voir Mr Quinaud avant d’estre reçû au nombre de ses confrères, mais il le refusa absolument promettant toutefois de le faire après sa reception ce qu’il a exécuté ponctuellem[en]t. Les sentimens sont partagez sur le discours qu’il fit, les uns l’approuvent et le pronent par tout, et les autres n’en parlent que pour dire qu’il estoit médiocre. […]