Petite Académie

La Petite Académie, qui devint l’Académie Royale des Inscriptions en 1691 et l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres en 1716, fut créée par Colbert en 1663. Ce ministre, qui était aussi le Surintendant des Bâtiments avec le soin des arts et des lettres, ressentait le besoin de savants pour l’assister dans plusieurs projets pour la glorification du roi. Plus particulièrement, selon l’Histoire de l’Académie des Inscriptions au début de ses registres (1694), il cherchait des personnes « qui fussent instruits de toutes les magnificences de la Grece et de Rome, Et qui meslant le goust et le genie avec l’Estude, fussent capables de donner des lumieres pour la perfection de tous les arts ».

Les premiers membres étaient Chapelain, Bourzeys, Charpentier et Cassagnes, avec Charles Perrault comme intermédiaire entre l’Académie et Colbert. Bourzeys mourut en 1673 et Chapelain en 1674 et furent remplacés par Tallemant et Quinault. Voilà donc le poète, l’auteur dramatique et le librettiste parmi les savants, quatre ans après avoir intégré l’Académie Française. Louvois, qui ne supportait pas Perrault, le remplaça par Félibien peu de temps après la mort de Colbert et 1683, et ajouta bientôt Racine et Boileau, puis Rainssant, directeur du Cabinet des Médailles. La Chapelle remplit les fonctions occupées auparavant par Perrault.

Comme le dit G. Forestier, l'arrivée de Racine et de Boileau « ne dut guerre être agréable [...] à Quinault. [...] Depuis la "querelle de l'opéra" en 1674 il régnait entre les uns et les autres une paix armée, et les difficilies conditions de l'élection de Boileau à l'Académie française en 1683-1684 n'avaient en rien arrangé les choses » (Jean Racine, p. 661).

La Petite Académie ne commença à tenir des registres qu’en 1694, mais l’Histoire mise en tête de ces registres, avec l’Histoire de l’Académie des inscriptions et Belles-Lettres de Gros de Boze (3 vol., 1740), nous permet d’avoir une idée des activités de Quinault. L’Histoire de 1674, avant de mentionner les deux nouveaux membres de 1673-1674, décrit plusieurs activités des académiciens : la décoration des bâtiments, les desseins de tapisseries, les jetons, les médailles, et les peintures et statues du château de Versailles. On ajoutait à ces activités, probablement en 1674, l’examen des tragédies en musique, puis les inscriptions pour la galerie des glaces à Versailles.

Quinault participa sans doute à la plupart de ces activités, et certainement à l’élaboration des descriptions de médailles et de jetons et des livrets. L’Histoire dans les registres précise que « On avoit fait graver [des médailles pour] la pluspart des villes Conquises par le Roy, Monsieur Colbert en donnâ la Description à faire à Mons.r Quinault ». Comme ce paragraphe précède celui consacré à l’examen de Thésée en 1674-1675, on peut conclure que c’était un des premiers travaux de Quinault pour la Petite Académie. Cette Histoire ajoute que « Ce Dessein n’a pas eu de suite », mais nous verrons plus loin que Quinault reprit ce travail sur les médailles après la mort de Colbert en 1683. Pour plus de détails sur ces médailles, voir la page « Médailles et jetons ».

Le Mercure galant nous décrit l’invention par Quinault des devises de six jetons, de 1680 à 1683. Ces jetons furent choisis par les ministres au début de chaque année et distribués au moment des étrennes. Du vivant de Quinault, et jusqu’en 1694, des personnes étrangères à l’Académie pouvaient en proposer.

Avant de regarder les activités de l’Académie après la mort de Colbert, revenons aux premières années de Quinault au sein de cette institution. Louis XIV avait reconnu, dès les premières collaborations de Quinault et Lully, l’importance de la nouvelle tragédie en musique pour le rayonnement de la France aussi bien que pour sa gloire personnelle. Les sources contemporaines diffèrent quant aux efforts de plusieurs écrivains pour supplanter Quinault comme librettiste, comme à l’élaboration et la révision des livrets, mais les versions dans les Histoires des registres et de Gros de Boze sont plausibles. Voici celle des registres :

« Ce fut environ en l’année 1676 que Le Roy commençâ d’aimer les Tragedies en musique, ou Monsr Quinault qui avoit un talent particulier pour le Lyrique, et qui avoit desja composé Cadmus et Alceste, fut choisy par sa Majesté pour travailler à ces sortes d’ouvrages, mais à condition de les consulter dans la Petite Academie. Il commençâ par Thesée ; on examinoit d’abord le sujet, on en regloit les Actes, les Scenes, les Divertissemens, et Monsr QUINAULT à mesure que la Piece avançoit, monstroit tout au Roy qui luy demandoit toujours si cela avoit esté veu à la Petite Academie. »

Il faudrait dater cet épisode plutôt de 1674, car Thésée eut ses premières représentations en janvier 1675. Alceste, l’opéra de 1674, avait suscité une vive querelle, et on peut situer en cette année les efforts de Guichard, de La Fontaine, et de Racine et Boileau pour fournir un livret à Lully. (Gros de Boze ne donne pas de date, mais il cite Alceste comme un des livrets qui ont été « le fruit de cette attention » ; il me semble plus probable que cette « attention » ait commencé après la Querelle d’Alceste.) Il serait donc normal que Louis XIV prenne une décision et qu’il nomme un librettiste officiel – les registres disent choisir, Gros de Boze charger. Il serait normal aussi que le roi exerce un certain contrôle – pour ne pas dire censure – sur les textes chantés plusieurs fois par semaine et lus dans toute l’Europe.

Si en effet c’était en 1674, cette décision pourrait ne pas être étrangère au choix de Quinault comme nouveau membre de l’Académie – si le roi voulait que Quinault travaille en consultation avec d’autres lettrés, ce serait logique de le faire dans le cadre d’une institution chargée d’assurer que tous les projets soient « Corrects, convenables, mesme pensés avec ordre » (Histoire dans les Registres). Notre librettiste devient donc le premier poète à intégrer l’Académie, apprécié pour sa plume autant que pour son érudition.

Voilà donc Quinault bien occupé pendant sa première décennie dans la Petite Académie, et il faut ajouter ces activités à celles d’un père de cinq filles, membre assidu de l’Académie Française, Auditeur dans la Chambre des Comptes et auteur d’un livret par an. Quand Louvois remplaça Colbert en 1683, les membres de l’Académie étaient incertains quant à leur avenir. Tallemant rencontra Louvois à Fontainebleau en septembre pour parler des inscriptions pour la Galerie des Glaces, et le lendemain Quinault et Charpentier ont informé le nouveau ministre de l’état de la Petite Académie. Félibien fut choisi pour remplacer Perrault, et Louvois dit aux quatre membres de continuer leur travail.

Nous ne connaissons pas toutes leurs activités, mais nous savons que Quinault fit les descriptions de plusieurs médailles entre 1685 et sa mort en 1688, que ces descriptions seraient examinées par l’Académie entre 1694 et 1698 et qu’elles parurent – dans certains cas avec des modifications importantes – dans les deux recueils de Médailles sur les principaux événements du règne de Louis le Grand, avec des explications historiques de 1702 et 1723. Pour plus de détails sur ces médailles, voir la page « Médailles et jetons ».

On aimerait savoir exactement quel rôle joua Quinault dans l’élaboration des descriptions des peintures dans la Galerie des Glaces. Tallemant en avait déjà fait en latin et puis Charpentier en français, et Racine, Boileau et Rainssant les revirent plus tard. Deux sources d’avril 1686 disent que Quinault allait travailler à ces inscriptions, mais aucune trace de ses travaux ne nous est parvenue. Il est possible qu’il était trop malade.

Il semble que Quinault continua à exercer ces fonctions d’auditeur jusqu’au moment de sa mort en novembre 1688. Il est décrit comme Auditeur dans un document de mai 1688, aussi bien que dans les registres de sa paroisse de Saint-Louis-en-l’Île au moment de son enterrement le 28 novembre. Selon son biographe Boscheron, « Il continua jusqu’à sa mort de faire les fonctions de cette Charge [Auditeur des Comptes] avec autant d’exactitude que les plus laborieux de ses Confreres, qui n’avoient point d’autre occupation (Vie imprimée, p. 20). »

Sur la Petite Académie, voir, dans la Bibliographie, les histoires par De Boze et par Fabre, et les Mémoires de Perrault.