Rochers vous êtes sourds

Rochers, vous estes sourds, vous n’avez rien de tendre,

Et sans vous ébranler vous m'écoutez icy :

L'ingrat dont je me plais est un rocher aussi:

Mais, hélas ! il s'enfuit pour ne me pas entendre.


Ces vœux que tu faisois, & dont j’étois charmée

Que sont-ils devenus lasche et perfide amant ?

Hélas ! t'avoir aymé toûjours si tendrement,

Étoit-ce une raison pour n'estre point aymée ?


Je sçay qu’il est bien doux d’estre dans vostre estime,

Mais ce n’est pas assez pour répondre à mes vœux,

Iris, vostre amitié ne peut me rendre heureux,

Helas ! un peu d’amour seroit-ce un si grand crime ?


Laissez petits ruisseaux pour soulager ma peine,

En faveur de l’Amour, laissez-moy doux zephirs,

Meslez aveque vous, mes pleurs & mes soûpirs :

Mais helas ! gardez-vous d’en parler à Climene.


Rochers vous estes sourds, mais bien moins que Climene,

Quand je vous conte ici tous les maux que je sens,

Souvent vous répondez à mes tristes accens,

Mais helas tous les jours elle rid de ma peine.

SOURCES LITTÉRAIRES

A. Recueil des plus beaux vers mis en chant. 3me partie, […], Paris, Robert Ballard et l’éditeur, [ca. 1667], p. 250-251 [RVC-10/ 210, exemplaire F-Pn/ Rés Vm Coirault 165]

ATTRIBUTION

A. Pour la troisième strophe : "M. Quinault."

SOURCES MUSICALES [LWV 27/32] (strophes 1-2 seulement)

B. Livre d’airs de différents auteurs, IX, Paris, Robert Ballard, 1666, f. 1v-2r [LADDA 1666-01]

C. Ballet Royal de la Naissance de Vénus dansé par sa Majesté au palais Royal en 1665 le 26 janvier, Recueilli en 1689 par Philidor laisné, F-Pn/ Rés. F. 513

- Pour d'autres sources, surtout manuscrites, voir le catalogue de H. Schneider de l'oeuvre de Lully.

ATTRIBUTION

   La source A donne comme titre "Récit de Mr  Baptiste, Du Ballet de la Naissance de Venus" (Jean-Baptiste Lully).

   Dans plusieurs recueils d'airs manuscrits, cet air est attribué à Lambert ; selon A.-M. Goulet (Paroles de musique, p. 428), cette attribution à Lambert est probable.

NOTE

    On comprend mal comment la strophe de Quinault pourrait s'intégrer dans les plaintes d'Ariane, chantées par Mlle Hilaire dans la troisième entrée de la deuxième partie du ballet. Il est vrai qu'il s'agit d'une plainte contre une ingrate, mais c'est un homme qui parle, et Iris ne figure pas dans le ballet.

    Les deux premières strophes font partie du Ballet Royal de la Naissance de Vénus (LWV 27 ; Robert Ballard, 1665 ; musique de Lully), p. 50. Elles sont reprises dans le Livre d’airs de différents auteurs, IX, Paris, Robert Ballard, 1666, f. 1v-2 [LADDA 1666-01] ; les paroles sont anonymes dans ces deux oeuvres.

   On les trouve aussi dans les Œuvres de Benserade (Charles de Sercy, 1697), p. 305, et dans le Nouveau recueil des plus beaux airs de cour […] Seconde partie (Paris, Estienne Loyson, 1666), p. 493 [RVC-06/ 166], attribuées à Benserade.  Voir A.-M. Goulet (Paroles de musique, p. 428-431, pour de plus amples informations sur ces attributions.

    Les deux dernières strophes sont attribuées à "M. de La Tuilliere".

    Les strophes 1-2 et 4-5 figurent dans les recueils RVC-06 et RVC-11, sans la strophe attribuée à Quinault.

   Il y a d’autres exemplaires de RVC-10, que je n’ai pas encore vus, qui pourraient présenter des variantes. L'exemplaire F-Pn/ 8-RA-11364(5) ne contient pas la strophe attribuée à Quinault.