Chansonnier Maurepas

Recueil de Chansons, Vaudevilles, Sonnets, Epigrammes, Epitaphes Et autres vers Satiriques &  historiques, Avec des remarques curieuses, Depuis 1686 jusqu’en 1690

Vol. VI

Bibliothèque nationale de France. Département des manuscrits. Français 12621 

Transcription moderne, Early Modern Parisian Soundscapes 

Ces vers sont extraits d'une parodie de l’acte II, scène VI d'Achille et Polixène, tragédie en musique de 1687 sur un livret de Campistron, musique de Lully terminée par Colasse. Quinault avait pris sa retraite l'année précédente, "sous prétexte de dévotion" (voir les pages Chronologie et Sources pour avril 1686). La scène commence "Restes infortunés du plus beau sang du monde", ce qui devient "Rebuts infortunés du goût du plus beau monde". Les vers parodiés ici (p. 180-181) sont :

PRIAM.

Vous voyez, guerrier indomptable

Un roi qui fut longtemps le plus puissant des rois ;

C'est ce même Priam, qui tenait sous ses lois

Des Troyens renommés, l'empire redoutable;

C'est lui, que le dernier de vos fameux exploits

Vient de rendre plus misérable,

Qui ne fut heureux autrefois.

ACHILLE.

Le sort ne peut changer l'auguste caractère,

Dont les Dieux vous ont revêtu.

Je le respecte en vous, je plains votre vertu,

Je sens expirer ma colère,

Je cesse de haïr mes plus grands ennemis,

Sitôt que je les vois, ou vaincus ou soumis


Lully

Vous voyez public equitable,

Lully ce fier tyran du Theatre François,

C’est ce même Lully qui tenoit sous ses loix,

Des fantasques auteurs l’Empire peu traitable

C’est lui qui du tombeau (3) pousse une triste voix

Pour vous rendre aussi favorable,

A ses Opera (4), qu’autrefois.

Le Public

La mort n’efface point le divin caractere

Dont ton sçavoir fut revestu (5)

L’on te regrette fort; mais Colasse abattu (6)

Ne peut esperer de me plaire,

Si Corneille (7) a ses vers ne donne l’agréement

Que Quinaut scrupuleux (8) me refuse a present.

 

Notes du manuscrit :

   (3)  Jean Baptiste Lully, Conseiller Secretaire du Roy, Maison et Couronne de France et de ses Finances, Surintendant de la Musique du Roy Louis 14 fut le plus grand Musicien de son siecle. Il etoit natif de Florence, le Roy entr’autres graces qu’il lui fit, lui donna le privilege de faire seul des Opera dans le Royaume, et de faire chanter de grands concerts sur les Theatres. C’est pour cela que l’auteur l’apelle tiran du Theatre Francois.

   (4)  Le public adoroit pour ainsi dire, les opera de Lully.

   (5)  C’etoit un homme presque Divin dans ses chants.

   (6)  Colasse acheva l’Opera d’Achille dont Lully avant sa mort avoit fait le 1er Acte, et la moitié du 2d et ce 1er coup d’Essai fit voir son peu de genie pour de pareils ouvrages.

   (7)  Thomas de Corneille de l’Academie Françoise, il avoit autrefois fait les vers de l’Opera de Bellerephon, et quoique cet ouvrage fut fort froid, le public croyoit alors qu’il etoit le plus capable de faire des opera.

   (8)  Quinault abandonna les Opera sous pretexte de devotion. Il avoit toujours eté Poëte dés le temps qu’il fut l’un des valets de Chambre du Roy Louis XIV. Il avoit fait plusieurs ouvrages de Theatre ; mais si mauvais qu’il fut regardé comme un auteur detestable jusqu’a ce qu’il eut fait des Opera : a la verité il excella dans ce genre et fit ceux de Cadmus, Alceste, Thesée, Athis, Isis, Proserpine, Amadis, Roland et Armide.