Butler

Philip Butler (1913-1997)

Dans son Classicisme et baroque dans l’œuvre de Racine (Paris, Nizet, 1959), Butler insiste sur l’importance, pour une bonne compréhension de son théâtre, des tragédies, tragi-comédies et tragédies en musique de Quinault. Ses idées, assez controversées il y a un demi-siècle, rejoignent souvent celles de plusieurs ouvrages récents sur l'esthétique galante et l'opéra. Voici quelques extraits de son livre :

C’est donc au théâtre que le jeune Racine a appris son métier, aux représentations des deux Corneille et de Quinault surtout […]. (p. 112)

Bien qu’on en soit réduit aux hypothèses sur les premiers essais dramatiques de Racine, on peut affirmer que c’est de la tragi-comédie de Quinault qu’il s’est d’abord inspiré. [il s’agit du projet d’Amasie, qui remonte à 1660] […] A cette date, l’idée que l’on peut se faire du jeune Racine est celle d’un Quinault plus délicat et plus sensible aux choses du cœur, mais certainement moins habile, moins heureux, moins précoce, puisqu’il n’a pas encore réussi à se faire jouer, et que Quinault avait, à dix-huit ans, conquis Paris. (p. 113-114)

[l’intrigue d’Andromaque] est à la vérité au bord du comique et il suffirait d’un rien pour l’y faire choir ; il suffirait par exemple d’ajouter un couple d’amants malheureux, que la pièce entière tourne à la fantaisie. Je sais bien qu’Andromaque s’achève dans le sang et la folie, et le pièce de Quinault par un triple mariage. Mais les spectateurs ne sont pas censés le savoir, et leurs réactions sont celles du public qui vient d’applaudir Astrate et Alexandre, et Agésilas, et l’Antiochus de Thomas Corneille. (p. 134)

« Quelle apparence que j’eusse souillé la scène par le meurtre horrible d’une personne aussi vertueuse et aussi aimable », écrit Racine dans la Préface d’Iphigénie. « Et il ne faut que l’avoir vu représenter pour comprendre quel plaisir j’ai fait au spectateur, … en sauvant à la fin une princesse vertueuse pour qui il s’est si fort intéressé dans le cours de la tragédie. » Quinault ne parlerait pas autrement ; nous voici ramenés à l’esprit de la tragi-comédie noble et du drame triomphal […]. (p. 247-248)

[après avoir cité le passage dans l’acte V, scène 4 d’Iphigénie, où Clytemnestre invite la mer a ouvrir « des abîmes nouveaux » pour noyer les Grecs] Retour aux thèmes chevaleresques de l’art baroque, épurés, affinés approfondis, au providentialisme et même au moralisme, lyrisme à résonnances cosmiques et religieuses, drame triomphal à dénouement heureux, où le merveilleux tient dans l’économie de la pièce une place non négligeable, tous ces éléments suffisent à marquer dans l’art de Racine un tournant brusque. Et ce changement n’est pas sans rapport avec une nouvelle évolution du goût, qui se manifeste en particulier dans le succès de l’opéra. Après 1670, l’opéra devient le genre le plus en faveur ; il éclipse aussi bien Molière que Racine, Quinault devient le poète préféré de Louis XIV. La supériorité de ses moyens techniques, la splendeur du spectacle, l’intensification de l’émotion par la musique, tout concourt à créer une impression de qualité inférieure peut-être, quand il s’agit des opéras de Quinault et de Lulli, mais d’une puissance d’illusion supérieure, bien plus capable d’enlever le spectateur à lui-même et de l’empoter dans un monde de fantaisie. Car l’opéra s’efforce d’insuffler la vie aux fantômes exsangues de la mytholigie baroque et de redorer ses prestiges surannés. Le succès de cet art d’évasion facile, qui flatte toutes les veuleries du spectateur, représente un échec très net pour les tendances qui avaient dominé la littéature durant les dix années précédentes, et qui constituent, selon une formule heureuse, le moment classique. Mais il ne serait pas exact de n’en chercher des exemples que chez Quinault. Racinien tardif détaché à regret du grand drame baroque à la manière de Corneille, Boileau lui-même ne semble voir dans la tragédie nouvelle que la perfection formelle et la noblesse extérieure ; il est significatif qu’il conseille à Racine de prendre pour modèle de ses héros Louis XIV, et c’est la pompe et la magnificence du Roi-Soleil qu’il a dans l’esprit sans doute, non l’amant de La Vallière et de Montespan. Si riche et si profonde que soit la pièce de Racine en comparaison de la banalité mythologique de l’opéra, elle lui ressemble bien davantage que les tragédies qui précèdent, et l’on ne saurait oublier que c’est le plus grand succès de Racine. N’est-ce pas en partie grâce à cette ressemblance ou plutôt grâce à sa conformité avec le goût nouveau qu’elle touche et réussit ? (p. 250-251)

[dans Athalie] C’est l’exemple de la Grèce que Racine invoque pour ses chœurs, d’ailleurs. En fait, c’est surtout celui de la « tragédie lyrique » de Quinault qui l’a inspiré ; revenant à la scène à son corps défendant et non sans anxiété, Racine se met au goût du jour. (p. 272)

Et de même que Quinault, si baroque par tant d’aspects de son théâtre, tient pourtant au classicisme par sa préciosité, et j’entends par là non le romanesque et les « mourants », mais une certaine indifférence affichée pour certains dogmes du baroque, celui du sang et de la mésalliance, par exemple :

Les inégalités ne font rien quand on aime ;

En quelques rangs divers où deux cœurs sont placés,

Quand l’amour les unit, il les égale assez. (Astrate, II, 4)

et une affirmation déjà romantique des droits suprêmes de la passion, où il faut voir surtout le signe de l’affaiblissement de l’idéal baroque. Agénor, par amour, abuse sans scrupules de la confiance de la reine et n’en témoigne aucune contrition :

L’Amour a beau promettre, il sait peu se trahir

A céder son bonheur quand il en peut jouir. (Astrate, III, 3)

C’est la substance, sinon le ton du discours de Pyrrhus à Hermione. Astrate se refuse au devoir de vengeance que lui propose Sichée, et brave en lui l’autorité paternelle :

Seigneur, contre l’amour ne vous fiez à rien,

Que tout vous soit suspect, le sang, la vertu même ;

Craignez tout d’un amant qui craint pour ce qu’il aime. (III, 5)

Il est vrai que Sichée n’est pas vraiment le père d’Astrate, qu’Astrate n’est pas vraiment le sujet d’Elise… Adroit, trop adroit Quinault ! Ses velléités d’indépendance se laissent trop aisément ramener à la norme baroque. Mais Quiault n’eût pas remporté tant de succès, s’il n’avait été maître dans l’art de ces manipulations. (p. 302-303)

* * *

Butler est aussi l’auteur d’un article intéressant sur Quinault dans l’Enciclopedia dello spettacolo, t. 8, col. 632-636 (Rome, Le Maschere, 1961). Il situe bien l’œuvre de Quinault dans son contexte esthétique, même s’il trouve ses tragédies « médiocres » et ses livrets pleins de faiblesses.

[…] La tragedie di tipo romanzesco quale fu praticata da Q. riflette prima di tutto une particolare concezione dell’amore. L’amore è il valore supremo della vita ; il dovere, l’interesse, la ragion de Stato, il rango sociale non contano, non esistono che per essergli sacrificati. L’amore è une forza fatale, uno slancio irriflesso al quale l’eroe tragico si abbandona con una sorta de voluttà. Non che l’amore ignori la morale ; è anzi il solo valore morale, è buono e legittimo in sé, porta in sé la propria giustificazione. Inteso in questi termini, esso non può essere considerato, comme in Corneille, un impulso all’azione, all’eroismo. È adorazione passiva ; e giustifica qualsiasi abdicazione, dimostra la sua potenze proprio attraverso le diminuzioni e le rinunce cui induce le sue vittime. Per questo gli eroi de Q. non oppongono alcuna resistenza alla passione ; ben diversi anche dalla Phèdre raciniana, divorata dalle vergogna del suo crimine, dilaniata a un tempo dalla passione et dagli appelli della coscienze, gli eroi di Q. si abbandonano all’amore con la gioia del mistico che si annienta nel divino.

Tale concezione si afferma nel teatro de Q. attraverso una serie di ingredienti mutuati alla tradizione romanzesca (travestimenti de vario genere, straordinarie concidenze, documenti smarriti et ritrovati al momento opportuno, colpi de scena ecc.), come si vede specialmente nella Mort de Cyrus, in Agrippa, nell’ultimo atto di Pausanias. Le tradedie di Q. sono testi mediocri. Il lettore di oggi non può fare a meno de riconoscerne la monotonia negli effetti dramm., la povertà di ispirazione, la fiacchezza e imprecisione della lingua : difetti che non sfuggirono a molti contemporanei (Boileau non fu il solo a ridere del tenero Q. ; dal Grand dictionnaire des précieuses di B. de Somaize risulta che fin dal 1659 i circoli letterari parigini erano divisi nel giudizio da dare sul suo conto, e che molti erano i suoi detrattori). Ma la tragedia romanzesca rispondeva al gusto generale del tempo. A teatro non si andava più per assistere a nobili conflitti tra il sentimento e il dovere, o la ragion de Stato ; al poste dell’eroismo corneliano, si recercavano le tenere emozioni, le scene commoventi, qualcosa che desse motivo di piangere ; e Q. veniva incontra sensa dubbio a queste esigenze. Se si tien conto della evoluzione del gusto nel periodo 1660-1670 si comprende meglio come la trag. abbia finito per cedere il posto all’opéra. Et è naturale que Q. abbia cominciato, nel 1672, a collaborare con Lulli ; Les Fêtes de l’Amour et de Bacchus inaugurano questa nuova fase della sua attività.

[…]

[après un résumé de l’intrigue d’Alceste] È ovvio quanto sia lontana dalla fonte greca l’opera francese : Admeto e Alcide sposano la tenerezza di Q. alla generosità corneliana. Ma è pure ovvio quante nuove possibilità liriche e spettacolari offra il libretto di Q.

[…]

Sino alla fine del Settecento i libr. de Q. furono letti, giudicati, apprezzati quali prod. letterarie a sé. Per molte che siano le deficienze di concezione o di stile de Q., quanti altri libretti sopporterebbero una tale prova ?

[…]

Considerata nello sviluppo della letteratura francese del Seicento, l’opera di Q. rappresenta, sotto certi punti di vista, un passo indietro, e ben si capisce l’ostilità aperta di Boileau e quella, più discreta, di Racine (cfr. la pref. dell’Iphigénie). La concezione dell’amore che di solito illustra l’opera di Q. è quella cavalleresca della I metà del secolo : barocchi queqli eroi antichi travestiti da paladini, Cadmo amorose ed Ercole galante ; barocca la concezione superficiale e decorativa della mitologia classica, inspirata da Ovidio, ma estranea allo spirito di Omero o di Sofocle, e le sue divinità di comodo che castigano il vizio e fanno trionfare la virtù. Coi suoi eroi alati e i suoi carri volanti, l’opera di Q. sembra la messa in azione delle grandi composizioni decorative che ornano i soffitti delle chiese italiene o des palazzi francesi. Del barocco, però, Q. non ha né i defitti né le virtù ; gli mancano l’abbondanze, la forza, l’originalità, ma anche l’enfasi, la violenze forzata, il gusto del bizzarro o del macabro. La sua costante preoccupazione di sobrietà et di correttezze è l’opposto dell’esuberanze barocca e suggerisce caso mai la timidezze del neo-classicismo settecentesco.

Q. però, superò a volte le sue stesse limitazioni ; a poco a poco fece posto nella sua opera a une concezione dell’amore meno convenzionale, a una morale più severa, a una visione del mondo più grave. Il succeso di Q., inoltre, influenzò certamente Racine nella scelta dei sogg. mitologici di Iphigénie e di Phèdre come nelle tragedie Esther e Athalie. C’era nel carattere di Q. una gentilezza sommessa, un’assenza totale di rancore e di agressività che lo trattenne sempre dal prender parte alle disupte acrimoniose dei poeti contemporanei o anche di respondere ai sarcasmi e alle canzonature di Boileau. Ma questa stessa sua placida dolcezza gl’impedì anche le audicie di un Racine e tutto quel que avrebbe sconcertato il suo raffinatissimo pubblico o urtato la sensabilità delle signore. Quei temi barocchi espressi in uno stile classico o neo-classico soddisfacevano alla perfezione un certo gusto, elegante e ristretto, che scomparve con l’Ancien Régime.