Stendhal

Quelques extraits du journal du jeune Henri Beyle

5 Thermidor (24 juillet) 1804, fin de l’entrée :

   Je puis donc faire un ouvrage [un opéra] charmant intitulé Don Carlos, en trois actes. Acteurs : Philippe II, D. Carlos, Isabelle. Cela ne nuirait point à la tragédie que j’en puis faire un jour pour pendant à Marcus Junius Brutus. 

   Lire pour poétique quelques opéras modernes et ceux de Quinault.

Journal, éd. Henri Martineau, Paris, Le Divan, 1937, t. I, p. 178 

4 Brumaire (26 octobre) 1804 :

    La Mère coquette, de Quinault, jolie pièce ; jusqu'au troisième acte, je me disais : Voilà qui vaut mieux que toutes les comédies de Collin, c'est une délicatesse charmante bien supérieure à la niaiserie de notre contemporain ; mais Quinault a manqué la scène du raccommodement entre ses deux amants, qu'il avait eu l'art de faire vivement désirer, et a eu la maladresse de ne pas mettre en action un dénouement qui eût été comique.

    En général, plus de délicatesse que de verve comique, et (en supposant qu'on joue la pièce telle que Quinault l'imprima) on ne s'aperçoit pas le moins du monde de ses cent cinquante ou cent quatre-vingts ans.

    En dernière analyse, c'est une charmante comédie, elle serait très bonne si la mère jalouse agissait davantage.

   Les vers m'en ont paru très bons ; il n'y a pas de scènes oiseuses, mais les trois premiers actes finissent par : « Entrons, je vous dirai tout cela ; » des détails libres ; au milieu du plus libre, une toux très comique ; les paroles du vieillard de soixante ans n'auraient pas, je crois, été souffertes dans la bouche d'un jeune homme. Tant il est vrai qu'au théâtre, où tout est rapide, la plus forte impression ne donne pas le temps de songer aux autres, et qu'ainsi on peut tout faire passer.

Journal, éd. Henri Martineau, Paris, Le Divan, 1937, t. I, p. 224-225 

9 Florial (29 avril) 1805 :

Stendhal commence son entrée par une citation d'Atys (I, 6, avec "toi" au lieu de "vous"),

"Sangaride, ce jour est un grand jour pour toi",

sans, malheureusement, mentionner Quinault.

Journal, éd. Henri Martineau, Paris, Le Divan, 1937, t. II, p. 230 

11 janvier 1812 :

Nos littérateurs de journaux, qui sont les meilleurs de France, vantaient l’autre jour l’éloquence des passions, que Quinault et Racine seuls ont possédée. Ils en citaient pour exemple ces vers si doux de Quinault :

            Inachus dans son cours, etc. 

Journal, éd. Henry Debraye et Louis Royer, Paris, Champion, 1934, t. IV (1811-1812), p. 193-194. 

Stendhal pense sans doute à "Inachus prend plaisir à prolonger son cours [...]" dans Isis, I, 2.