Esquisse biographique

[J'ai publié une esquisse biographique plus détaillée, en anglais, dans le vol. 268 du Dictionary of Literary Biography (éd. Françoise Jaouën, Detroit, MI, Gale, 2003), p. 299-305.]

Philippe Quinault fut baptisé le 4 juin 1635. Son père, Thomas, était maître boulanger, mais certains de ses proches, comme ses parrains, occupaient des charges importantes dans l’administration. Il a souvent été dit que Quinault était entré dès 1643, au service du poète Tristan l’Hermite. Toutefois, un document récemment découvert, atteste que Thomas Quinault, en 1646, confia l’éducation de son fils à Philippe Mareschal, maître écrivain à Paris : « pendant cinq ans ou environ [...] pendant lequel temps il lui aurait enseigné les principes de la langue latine et l’aurait rendu capable d’entrer comme il fit lors en quatrième au Collège du Cardinal Lemoine ». Même si ce témoignage fut rapporté tardivement – il date de 1671 – à la demande même de Quinault, la présence du poète au baptême du fils de son ancien précepteur, Christian, en 1656, permet de croire à une relation de longue date. Cela n’exclut pas que Quinault put être page de Tristan l’Hermite de 1643 à 1646 et qu’il put rester en contact avec le poète alors même qu’il recevait une éducation plus formelle auprès de P. Mareschal. Les deux étaient protégés par le duc de Guise, et il est possible que Quinault, comme Tristan, s'installât dans l'hôtel de Guise après le retour de celui-ci à Paris en 1652 ; il y demeurait en 1656.

Sa carrière d’auteur dramatique débuta en 1653, soit en même temps que celle de juriste. Cette année-là, Quinault remporta ses premiers succès avec Les Rivales, une comédie écrite avec l’aide de Tristan. D’après une anecdote rapportée par les frères Parfaict dans leur Histoire du théâtre français, cette pièce fut la première pour laquelle l’auteur ne fut pas rémunéré au moyen d’honoraires fixes mais sur la base des recettes générées par les représentations. Rapidement, le jeune auteur acquit une certaine réputation dans les milieux précieux, où l’élégance de ses manières était autant appréciée que celle de ses pièces. On louait dans ses ouvrages la peinture des sentiments et l’expression de la tendresse qui était devenue la marque de l’auteur.

Au total, Quinault écrivit seize pièces pour le théâtre parlé – la dernière étant Bellérophon (sur un thème similaire à celui de Phèdre de Racine) en 1671 – parmi lesquelles on compte huit tragi-comédies, quatre tragédies, trois comédies, et La Comédie sans comédie, dont chaque acte est construit sur un genre différent. Ayant rapidement gagné les faveurs du public et de nombreux critiques, Quinault fut élu à l’Académie française en 1670 et quatre ans plus tard, compta parmi les premiers membres de l’Académie royale des Inscriptions et Médailles, dite aussi la « Petite Académie ».

Le 29 avril 1660, l’union de Quinault avec une riche veuve du nom de Louise Goujon, lui permit d’asseoir un peu plus son statut social. Sur son contrat de mariage, il est désigné comme « avocat en la cour de Parlement » alors qu’à l’occasion du baptême de sa première fille (le 23 mars 1661), il est déclaré « escuyer, valet de chambre du roi ». L’acquisition de cette charge à la Cour coïncide avec ses premiers ouvrages réalisés « pour les divertissements du roi », comme il l’écrira à Louis XIV en 1684. Citons notamment Lysis & Hespérie, pastorale allégorique destinée à célébrer la paix des Pyrénées et le mariage du roi avec l’infante Marie-Thérèse à la fin de 1660. S’il continua à écrire pour le théâtre déclamé– sa tragédie Astrate (1665) fut l’un des plus gros succès du siècle et sa comédie La Mère coquette (1665) fut jouée jusqu’au XIXe siècle –, c’est vers le ballet et les spectacles associant la poésie, la musique et la danse, si prisés à la Cour du jeune Louis XIV, que Quinault semble avoir davantage porté son intérêt. Il écrivit ainsi plus de soixante airs publiés dans diverses collections entre 1660 et 1674, et collabora à la réalisation de plusieurs ballets de cour, dont notamment Le Ballet des Muses en 1666-1667. Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que Molière et Lully aient fait appel à lui en 1671, pour écrire les vers destinés aux passages chantés de Psyché – les sections parlées ayant échu à Molière et Pierre Corneille – et que l’année suivante, Lully l’ait associé à la création de son Académie royale de Musique, pour le livret des Fêtes de l’Amour & de Bacchus.

 L’office d’auditeur de la Chambre des Comptes, qu’il obtint le 18 septembre 1671, offrit à Quinault une position éminente à la Cour, qui ne manqua pas d’attiser les jalousies. Plusieurs membres de cette juridiction s’élevèrent en effet contre l’idée même qu’un dramaturge sans condition puisse entrer dans leur vénérable compagnie. Mais ce n’est pas cette carrière dans l’administration qui servit le plus la renommée de Quinault : elle se construisit principalement sur livrets qu’il offrit régulièrement à Lully jusqu’à sa retraite en 1686 – les seuls opéras pour lesquels le compositeur a choisi un autre librettiste sont Psyché et Bellérophon, respectivement en 1678 et 1679. Son état de santé et sa dévotion lui firent renoncer au théâtre peu de temps avant sa mort qui le frappa, alors qu’il était célèbre et relativement fortuné, le 26 novembre 1688. Il fut enterré en l'église Saint-Louis-en-L'Île, à Paris.