Dédicace - Comédie

Paris, Guillaume de Luyne, 1657

Au Marquis de Mailleraye


   Armand-Charles de La Porte (1632-1713), mieux connu sous le titre du duc de Mazarin (après son mariage avec Hortense Mancini). Son père, "fameux par tant de Batailles gagnées, par tant de Sieges heureusement achevés", était Charles II de La Porte (1602-1664), maréchal de La Meilleraye, cousin-germain de Richelieu.

 Il avait évidemment la faveur de Mazarin, qui est loué dans la dernière scène du premier acte – « les soins laborieux … d’un Ministre animé d’une âme peu commune ».

   Quinault souligne l’originalité de cette comédie, « toute differente des autres », dès la première phrase.

A MONSEIGNEUR

MONSEIGNEUR

LE MARQUIS DE LA

MAILLERAYE,

GRAND-MAISTRE DE L'ARTILLERIE

DE FRANCE.

MONSEIGNEUR,

   Le Sujet de cette Comedie est si peu ordinaire, qu'il a sans doute besoin pour estre souffert, d'une protection qui ne soit pas commune : nous vivons dans un Royaume où presque naturellement tout ce qui est nouveau paroist tousjours agréables ; mais vous sçavez qu'ordinairement une estime de cette nature finit avec autant de promptitude qu'elle commence, & que l'on n'est pas long-temps à trouver des deffauts dans les choses les mieux receuës, quand on n'y rencontre plus la grace de la nouveauté. C'est ce qui me fait craindre que cette Piece de Theatre, toute differente des autres, ne conserve pas dans son impression le bruit favorable que ses representations luy ont acquis, & qu'apres avoir paru heureusement, & avec éclat sur la Scene, elle n'aye pas la mesme bonne fortune, alors qu'elle n'aura plus le mesme ornement. Ce mauvais succez seroit inevitable si je n'avois trouvé le secret de rendre cet Ouvrage plus glorieux qu'il ne fut jamais, en le consacrant à la Personne du monde la plus illustre. Je m'asseure, MONSEIGNEUR, qu'il seroit inutile de rien dire de plus pour faire cognoistre que c'est de vous de qui le veux parler : l'éclat de la Naissance, & la grandeur de Courage qui rendent aujourd'huy les Hommes si considerez, ne sont pas les seules sources dont vous pouvez tirer toute vostre gloire ; Le bonheur d'estre Fils d'un Pere fameux par tant de Batailles gagnées, par tant de Sieges heureusement achevez, n'est pas un avantage que vous comptiez entre ceux qui vous sont propres ; Ce n'est pas aussi parce que vous estes brave au dernier point que vous estes extremement loüable puis qu'estant sorty du plus vaillant de nos Heros, la plus haute Valeur ne peut estre en vous qu'un bien héréditaire : C'est par l'éclat de vostre Esprit & par la grandeur de vostre Ame que vous elles principalement digne de l'admiration de tous ceux qui cognoissent le veritable Merite. Bien qu'il semble qu'une Fortune aussi grande que la vostre, ne puisse estre conservée que par des soins sans relasche & par des complaisances sans reserve, toute la France est justement persuadée qu'il n'y a point de belle Cognoissance que vous n'ayez acquise, ny d'éclattante Vertu que vous n'ayez pratiquée. La foiblesse de mes expressions ne pourroit m'empescher de dire un nombre presque infiny de choses brillantes sur une si riche matiere, si je ne craignois que mon zele ne devinst indiscret, & qu'en découvrant vostre gloire, il n'offençast vostre modestie: je dois me souvenir que vous fuyez les louanges avec la mesme ardeur que vous cherchez à les meriter, & que la Verité cesse mesme de vous plaire, alors qu'elle commence d'estre à vostre avantage. J'ose esperer toutesfois que vous aurez la bonté de souffrir avec indulgence ce qui me reste encore necessairement à vous dire, puisque vous n'y trouverez rien de glorieux que pour moy, ce ne sera qu'une protestation tres-respectueuse d’estre toute ma

Vie.

MONSEIGNEUR

Vostre tres-humble &

tres-obeïssant serviteur,

QUINAULT.