Dédicace - Astrate
Astrate, Guillaume de Luyne, 1665
À la Reine
Marie-Thérèse était très malade à la fin de sa grossesse. Elle mit au monde une fille le 16 novembre 1664 et elle reçut l’extrême onction deux jours plus tard. La fin de sa maladie fut officiellement annoncée le 27 décembre, le lendemain du décès de sa fille. La pièce de Quinault « s'est bien gardé de paroistre au jour » avant cette date.
Astrate fut joué devant la famille royale, a l'Hôtel de Bourgogne, le 6 janvier 1665.
A
LA REINE
MADAME,
Astrate ne s'est pu résoudre à se consacrer qu'à VOSTRE MAJESTÉ ; & l'avantage qu'il a eu de ne Luy pas deplaire, luy a trop élevé le coeur pour chercher une moindre Protection que Celle de la plus Illustre de toutes les Reynes. Le Choix le plus glorieux qu'il pouvait faire, a d’abord esté Celuy où il s'est osé déterminer. Et en effet, MADAME, si l'on regarde VOSTRE MAJESTÉ du costé de sa Naissance, où peut-on découvrir plus de grandeur ? Si l’on la considère par le Sacré Noeud qui l'unit au Monarque le plus renommé qui fut jamais, où peut-on voir plus de gloire ? Et si l'on l'observe jusques dans sa Vivante Image, c'est à dire dans le Prince admirable qu'elle nous a donné, où peut-on remarquer plus de Charmes & plus de Merveilles ? Mais, MADAME, pour savoir qu'il n'y a rien dans la Nature de plus accomply, ni de plus éclatant que VOSTRE MAJESTÉ, il n'est besoin que de tourner les yeux sur elle-mesme, & que d'envisager son propre Merite. C'est un Bien & un Ornement tout ensemble pour ce Royaume, dont il vient de témoigner assez que le prix ne luy est pas inconnu : tant de larmes répanduës, tant de cris redoublez ; enfin, MADAME, cette desolation publique, & ces frayeurs universelles qui n'ont fini n'ont fini qu'avec le peril dont Votre Majesté’ n'a que trop été menacée, Luy doivent estre d’asseurez témoignages que toute la France La reconnoist pour Une des principales Sources de sa Félicité. Astrate n'a pas manqué de faire aussi son devoir dans une consternation si generale ; & quelque impatience qu'il eust de sortir des tenebres où il étoit demeuré depuis plusieurs Siecles, il s'est bien gardé de paroistre au jour, tandis qu'il y avait lieu de craindre pour la plus belle Vie du Monde. Il est vrai, MADAME, qu'il en a esté avantageusement rècompensè par l'honneur qu'il a receu d'entrer dans les premiers divertissements qu'il a plu à Votre Majesté’ de choisir apres son heureuse Convalescence ; & si elle a encore la bonté d'agrèer l'hommage particulier qu'il ose ici Luy rendre, il n'y aura plus rien qui manque à l'accomplissement de son bonheur. Si toutefois il luy peut rester quelque chose à souhaitter, ce sera seulement que Celuy qui a pris soin de le faire revivre avec tant de succez, puisse prendre quelque part à sa bonne fortune, & qu'il luy soit permis d'oser publier qu'il est, avec un zele tres-ardent, & des respects tres-profonds,
MADAME,
de VOSTRE MAJESTÉ,
Le très-humble, très-
obeïssant, & très fidelle
Serviteur & Sujet.
QUINAULT.