Dédicace - Amant
L’Amant indiscret, Paris, Toussainct Quinet, 1656
Dédicace au duc de Candale
Louis-Charles-Gaston de Nogaret, duc de la Valette et de Candale, protégea plusieurs écrivains, dont Saint-Évremond ("Conversation de M. de Saint-Évremond avec le duc de Candale"). Dans Cyrano de Bergerac de Rostand, quand le héros se moque du comédien Montfleury, un fâcheux dit « Le comédien Montfleury ! Quel scandale ! Mais il est protégé par le duc de Candale ».
Son père, le duc d'Épernon, gouverneur de Guyenne, protégea la troupe de Molière de 1645 à 1653.
Jeune homme à la mode, il dansa dans plusieurs ballets de cour, comme le Ballet de Cassandre et le Ballet des Fêtes de Bacchus (1651). Il mourra en 1658, âgé de 30 ans.
A MONSEIGNEUR
MONSEIGNEUR LE DUC
DE CANDALE ET DE LA VALETTE,
PAIR ET COLONEL
General de France, Gouverneur et Lieutenant General pour le Roy en ses pays de
Bourgogne, Bresse, haute et basse Auvergne, et General des armées de sa Maiesté en
Catalogne. Roussillon et Cerdagne, etc.
MONSEIGNEUR
La personne du Monde qui merite le moins vostre estime, oze icy vous demander l'honneur de vostre protection. C'est un INDISCRET qui devient ambitieux & qui malgré ses foiblesses s'asseure de se pouvoir rendre illustre en se consacrant à vous. Encore qu'il n'a guere fait paroistre de jugement depuis que je l'ay fait cognoistre en ce Royaume, il n'a pas laissé de remarquer que toute la France est fortement persuadée de la justesse du discernement que vous faites de toutes choses, & il n'a point est assez estourdv, pour ne se pas apercevoir qu'il doit tout le bruit qu'il s'est acquis sur nostre Theatre, a l'indulgence que vous avez euë pour ce qu'il a de defectueux ; II a bien reconu que toute la Cour n'a trouvé son caractere plaisant que parce que vous avez tesmoigné que vous ne le trouviez pas desagreable : Et bien qu'il fasse toute sa gloire d'un deffaut qui le rend indigne de toute sorte de bonnes fortunes, il s'est imaginé qu'il n'a qu'à se parer de I'esclat de vostre Nom, pour se mettre dans une haute estime & passer mesme pour un AMANT à la mode. Pour moy, MONSEIGNEUR, Je vous advoüerav que d'abord son dessein m'a semblé temeraire ; mais en suitte il m'a paru si fort advantageux qu'il ne m'a pas esté possible de le desaprouver. Ce n'est pas que je veuille prendre icy l'occasion de publier a vostre gloire tout ce que l'on peut dire de merveilleux sur un sujet si brillant & si peu commun ; je pourrois dire avec verité, que vous descendez d'un nombre infiny de Heros, dont les belles actions sont les plus riches ornements de l'Histoire ; mais que les superbes avantages que vous pouvez tirer de cette glorieuse naissance, ne sont pas vos qualitez les plus illustres & que vostre propre valeur vous peut donner assez de gloire pour n'avoir pas besoin de celle de vos Ancestres, j'adjousterois encor sans vous flatter que la Fortune, quand elle vous seroit extremernent favorable, ne pourra jamais égaler en vous par ses faveurs, celles que le Ciel & la Nature vous ont faites, & que malgré toutes ses richesses elle sera tousiours insolvable pour payer ce qu'elle doit a vostre Merite. Enfin MONSiEGNEUR je pourrois m'estendre avec éclat sur les charmes de vostre Personne, sur les lumieres de vostre Esprit, & sur la grandeur de vostre Coeur si je n'estois asseuré que ce sont des merveilles au dessus des louanges les plus ingenieuses. Je n'ay garde de vouloir renfermer dans une simple lettre une matiere dont un juste volume ne pourroist contenir que la moindre partie, & je ne doute pas que je ne pourrois entreprendre de faire icy vostre Eloge, sans devenir autant Indiscret que celuy que j’ose vous offrir. C'est ce qui m'oblige à vous dire que je borne tous mes desseins à prendre icy l'occasion de vous protester que je suis avec une passion tres-ardente & des respects tres-profonds,
MONSEIGNEUR,
Votre tres-humble &
tres-Obeïssant serviteur.
QUINAULT