Viala
Alain Viala, La France galante, Paris, PUF, 2008
Ce livre est absolument essentiel pour une bonne compréhension de l’œuvre de Quinault. Il y a plusieurs passages intéressants sur le théâtre parlé de Quinault, et même sur les recueils poétiques (p. 235-236), mais surtout le chapitre 10, "Scènes de gloire", p. 298-322. Les pages 300-308 sont consacrées aux "Espaces de théâtre lyrique orné", les pages 308-316 à "L’Opéra galant. Lully, et Quinault encore".
Astrate […] a bien contribué à la renommée de Quinault, qui était grande, qui balançait celle de Corneille et bien sûr supplantait celle de Racine, alors débutant. (p. 77)
Du coup, par un paradoxe intéressant, peu de pièces [il s’agit toujours d’Astrate] offrent à l’époque autant de complexité possible dans l’affrontement pour le pouvoir et un tel personnage féminin à la fois si machiavélique – elle berne son principal allié – et si sentimental. Quinault manie sans peine l’intrigue des complots mais préfère mettre en avant les discours galants, l’art du langage des facettes de l’amour, pour en exhiber les plus généreuses. Mais il n’y a pas chez lui ce subtil travail que réalise Racine, il n’en pervertit pas le sens, il l’emploie comme un discours où la générosité est portée à son apogée. (p. 79)
La tragédie [Iphigénie de Racine] est ambiguë, comme il se doit pour une bonne tragédie. Tandis que dans Alceste le couple est uni, tous les bons sont unis, et nulle ambiguïté. Bref, Racine compose une pièce qui exalte le roi mais qui l’invite aussi à méditer sur les risques inhérents à sa charge, Quinault et Lully donne un éloge sans réserve. Or, comme l’opéra avait tout pour plaire aux mondains de la Cour, sa vogue nouvelle écrasait les genres concurrents ; même si Iphigénie avait fait de belles audiences, la balance n’était pas égale. Dans les luttes qui traversent le champe littéraire, ces rivalités-là pèsent lourd. (p. 242-243)
[Je me permets d'ajouter que dans les 5 actes, l'éloge du roi n'est pas vraiment sans réserve. Admète a besoin d’un héros (Alcide) pour faire ce qu’il ne peut pas faire lui-même.]
L’équation de Pellisson selon laquelle la galanterie égale la joie jointe à la paix est plus que jamais érigée en message privilégié du régime. »
[...]
Trop souvent les spécialistes de littérature négligent les textes destinés à la musique, et les musicologues font de même. Du coup, se dessine à la frontière de leurs disciplines une sorte de no man’s land où restent en déshérence les chansons et livrets d’opéra, et avec eux une part des significations des airs. C’est dommage, et pour l’époque dont nous parlons, ce bornage a notamment empêché de bien voir comment le théâtre lyrique fut en ce temps remarqué, apprécié, célébré, triomphant, et galant, un véritable triomphe de l’esthétique galante. (p. 299)
Mais à partir des années 1670 [...], l’opéra constitue le grand genre théâtral triomphant.
[...]
« Lully et Quinault déclarent qu’ils prennent le relais [de Molière], que c’est désormais dans leur théâtre et leurs œuvres que les muses descendent sur scène, que ce sont eux qui remplissent dorénavant la mission de répondre aux inspirations que le roi donne, et eux qui réalisent l’union des arts. Et il la place sous l’égide de la galanterie. (p. 308)
Ce que nous appelons opéra s’appelait couramment « tragédie en musique », et si l’on veut examiner ce que fut la vraie tragédie galante en tenant compte des usages du temps, c’est ce corpus qu’il faut observer.
[...]
L’écrivain Quinault triomphe donc à l’opéra avec des tragédies. Le style enjoué cède une part de son terrain à un registre plus grave et surtout plus héroïque. (p. 311)
Avec les tragédies opératiques de Quinault, l’esthétique galante s’élevait vers un sublime qui transportât les spectateurs jusqu’à une joie finale. (p. 313)
En un mot, le texte se plie, non pas tant, ou pas seulement en tout cas, à la musique comme on le dit souvent, mais à l’effet visé via celle-ci. (p. 314)
[…] l’opéra connut à Paris des affluences qui égalaient ou dépassaient les audiences du théâtre parlé. (p. 316)
[La galanterie] s’éloigne de la tragédie opératique à la manière de Quinault et Lully pour davantage, soit d’opéras-ballets, soit d’opéras-comiques. (p. 406)