Pierre Béhar

Pierre Béhar, L’Opéra du roi. La glorification de Louis XIV sur la scène théâtrale

Hildesheim, Olms, 2014. 828 pages 

Les quelques lignes qui suivent donneront une petite idée de la richese de ce livre, qui a comme point de départ la nécessité, pour une lecture des livrets d’opéra, d’une analyse littéraire mais aussi extra-littéraire, et surtout d’une lecture politique.

 

Après cinq chapitres consacrés aux débuts de l’opéra en France (le ballet de cour, l’opéra italien, la tragédie à machines, la comédie-ballet, la création de l’Académie Royale de Musique, etc.), il y a au moins un chapitre consacré à chacun des onze opéras de Quinault et Lully.

 

Dans le chapitre VI, sur le prologue de Cadmus et Hermione, la lutte entre Apollon et l’Envie est centrale. « Malgré sa nouveauté; le genre de la tragédie en musique vient s’inscrire dans une tradition de pièces de théâtre en l'honneur du roi ; il en constitue l'achèvement » (p. 134).

 

Dans le chapitre suivant, sur les cinq actes de Cadmus, Béhar situe cet opéra dans la lignée de l’Andromède de Pierre Corneille, tout en insistant qu’il s’agit d’un sujet jamais traité, jamais repris. Des sections sont consacrées à la théomancie, aux apparitions divines finales, aux mythes fondateurs, et à une lecture néo-platonique.

 

Le premier chapitre sur Alceste examine la cabale contre cette œuvre et la Querelle d’Alceste, lancée par la Critique d’Alceste de Ch. Perrault. Le second, « Alceste ou l'art nouveau », décrit la création d’un « art dramatique de fête radicalement neuf », mais avec des liens au théâtre préclassique et à la tragi-comédie. Béhar utilise les Principes fondamentaux de l'histoire de l'art de Wölfflin pour étudier l’harmonisation de parties indépendantes et le symbolique d'Hercule, figure du Christ.

 

Le chapitre XI présente Atys comme une comme une réplique à la Daphné de La Fontaine (l’objet de l’amour d’une divinité métamorphosé en arbre) et au Bajazet de Racine. « L'ouvrage accomplissait la parfaite union de la tragédie classique et de la tragédie en musique » ; il ne magnifie pas un haut fait guerrier du roi, mais sa nature sacrée.

 

Comme dans le cas des deux chapitres sur Alceste, le premier sur Isis met l’accent sur la réaction des spectateurs/lecteurs – la scandale des mœurs royales, la cabale, l’éloignement – mais pas disgrâce – de Quinault de sa position de librettiste de Lully. Selon Béhar, Louis XIV avait une dilection pour le mythe d'Io.

 

L’autre chapitre sur Isis tourne autour de Racine et de son renoncement au théâtre en 1677 : son art "ne servait pas sa [Louis XIV] propagande". La tragédie Pausanias de Quinault (conçue pour profiter du succès d’Andromaque) est présentée comme une source de l'hostilité de Racine envers notre librettiste, et la Phèdre de Racine comme étant aux antipodes d'Isis.

 

Il est regrettable que dans un livre si long, si riche, il n’y ait ni index ni bibliographie.