Dédicace - Généreuse
La Généreuse ingratitude
Paris, Toussainct Quinet, 1656 et 1657 (même édition avec pages de titre différentes)
Au prince de Conti
Armand de Bourbon, prince de Conti (1629-1666), frère du « Grand Condé » et de la duchesse de Longueville. Après la Fronde, en 1653, il se retire dans son château à Pézenas, où il accueille la troupe de Molière, qui est autorisée à porter son nom jusqu’en 1656, quand le prince se « convertit » et renonce à tous les divertissements. La dédicace de Quinault fut sans doute écrite juste avant que Quinault et son impriment n'apprennent ce revirement ; le privilège est du 3 juin 1656, l’achevé de publier du 15 du même mois.
La dédicace est suivie d'une ode à Conti.
A TRES-HAUT
ET TRES-PUISSANT PRINCE
ARMAND
DE BOVRBON,
PRINCE DE CONTY,
Prince du sang, Pair de France, Grand Maistre de la Maison du Roy, Gouverneur & Lieutenant
General pour sa Majesté en Guyenne, Viceroy, & Capitaine General de ses Armées en Catalogne, Roussillon, &c.
MONSEIGNEUR,
Encore que j’aye assez d’ambition pour oser vous offrir cét ouvrage de Théâtre, je n’ay pas assez de vanité four m’asseurer qu'il soit digne de la protection de VOSTRE ALTESSE, je suis persuadé que vous avez des lumieres si peu communes, que vous y découvrirez des defauts aux endroits mesmes où les plus spirituels ont creu remarquer quelques beautés ; & j’ay bien lieu de craindre que vous ne protegiez à regret ce que vous condamnerez avec iustice. Çette considération toutesfois, n’a pû retenir mon zele. Je me suis flatté de l’espsoir que VOSTRE ALTESSE aura la bonté de recevoir avec indulgence ce que ie luy presente avec un respect très profond, & j’ay creu que si le dessein que j’ay fait de luy consacrer cette Tragi-Comédie, est un dessein téméraire, c’est au moins une de ces belles temeritez dont les plus mauvais succez ne font iamais honteux. Il m'a semblé que je ne pouvois mieux cacher ce que cette Production d’esprit a de defectueux, qu'en luy donnant pour Protecteur un PRINCE de qui les qualitez n’ont rien que d'admirable ;& je me suis imaginé que ie ne luy pouvois adjoûter plus d'éclat, qu'en empruntant celuy de Vostre Nom. Je m’estendroìs icy sur les louanges de VOSTRE ALTESSE, s’il m’étoit posiible de traitter avec un art assez peu commun, une matiere si fort extraordinaire : Quand je pretendrois publier à toute la France les merveilles de vostre Cœur & de vostre Esprit, la Renommée en a desja si bien informé tout le monde, que je ne publierois rien de nouveau. Vous sçavez, MONSEIGNEUR, que nous autres Escrivains nous n’excellons qu'en debitant d'agreables mensonges à qui nous avons donné le nom d’inventions, & quand je voudrois dire que les avantages particuliers de ces Grands Hommes que nous appelIons Demy-dieux, sont tous assemblez en VOSTRE ASLTESSE, je suis assuré que je ne dirois rien que de véritable. Puisque je suis réduit à ne pouvoir dire à vostre gloire que des verjtez, j’oseray vous demander la permisiion d'en publier encore une qui concerne mes interests, Y qui n’est pas moins certaine que les precedentes. C'est que je suis avec une passion tres-respectueuse et très-inviolable.
MONSEIGNEUR
De Vostre Altesse,
Le tres-humble & tres-obéissant serviteur,
QUINAVLT.