Dédicace - Coups
Les Coups de l’Amour et de la Fortune
Paris, Guillaume de Luyne, 1655 (achevé du 31 octobre 1655)
Au duc de Guise
Henri II de Lorraine-Guise (1614-1664), protégeait Tristan l’Hermite, qui initia Quinault à la poésie et au théâtre. Tristan logeait chez son protecteur en 1646 (rue du Chaume, actuelle 58 rue des Archives), et il s’y réinstalla, probablement accompagné de Quinault, au retour du duc de Guise d’Espagne en octobre 1652. Le duc y avait été détenu de 1648 à 1652, après quelques mois à la tête de la « République Royale de Naples », et il retourna à Naples en 1654, mais fut contraint de rentrer bientôt en France; c’est sans doute le « dernier péril » dont parle Quinault.
Tristan mourut le 7 septembre 1655, moins de deux mois avant l’achevé d’imprimer des Coups. Le duc de Guise prit en effet « quelque soin de la fortune » de Quinault, puisque celui-ci signe, au baptême du fils de Philippe Mareschal le 9 avril 1656, « gentilhomme de M. de Guise », demeurant à l’Hôtel de Guise.
C'est une des deux éditions d'une pièce de Quinault où on lit sur la page de titre le nom du dédicataire : "Dédiée à son altesse de Guise" ; l'autre est celle d'Agrippa en 1663, dédié à Louis XIV.
Dans l'édition de 1655, une ode "À son altesse de Guise" suit la dédicace. Elle est absente de la seconde édition, chez Luyne en 1660.
A
TRES-HAUT
ET
TRES-PUISSANT PRINCE
HENRY DE LORRAINE
DUC DE GUISE, PRINCE DE JOINVILLE,
Comte d'Eu, Senechal hereditaire de Champagne, Pair & grand Chambellan de France, &c.
MONSEIGNEUR,
C'est avec une juste confusion, que j'ose vous choisir pour le glorieux Protecteur d'une Piece de Theatre, qui ne doit estre considerable que pour avoir eu la gloire de paroistre devant VOSTRE ALTESSE, & de n'avoir pas eu le mal-heur de lui deplaire. Je ne celeray point que c'est le dernier ordre que j'ay receu de feu l'Illustre Monsieur Tristan, qui s'est occupé toute sa vie à vous honorer dans ses Ouvrages, & qui jusqu'à la mort a receu des marques de votre estime, & de votre liberalité. Il me souviendra toûjours de la tendresse avec laquelle cét homme admirable à qui je doy tout ce que j'ai de connoissances dans les belles Lettres, m'assura que vous auriez la bonté de ne me refuser pas vostre protection ; & sans doute il ne s'est point trompé, puisque vous m'avez déja fait l'honneur de me dire d'une maniere toute charmante, que vous prendrez quelque soin de ma fortune. Je ne me serviray pas icy de la methode ordinaire des Escrivains les plus estimez, qui ne manquent jamais de comparer les Personnes qu'ils honorent, aux Grands Hommes qu'ils introduisent dans leurs Ecrits ; je vous abaisserois sans doute, au lieu de vous élever, si je pretendois chercher quelque rapport entre VOSTRE ALTESSE & le heros de cette Tragi-Comedie. L'imagination la plus vive & la plus heureuse ne peut rien inventer qui soit du prix de vostre Merite. Et j'oseray seulement vous dire en vous offrant les COUPS DE L'AMOUR ET DE LA FORTUNE, que vous estes le Prince du Monde le plus accomply, & pour qui l'Amour & la Fortune doivent faire les plus grands coups. Vous sortez d'une Maison si fameuse, que l'on ne sçaurait parcourir l'Histoire d'aucune Monarchie, sans y rencontrer celle de quelques-uns de vos illustres Ancestres. Mais l'éclat de votre Naissance doit encore ceder aux brillans de votre Personne. La Nature liberale a pris autant de soin pour favoriser VOSTRE ALTESSE, que pour former le Grand Alexandre. Ce Conquerant celebre, n'a jamais esté ny plus brave ny plus charmant que vous, & vous ne serez pas un jour moins renommé, si vous n'estes pas moins eureux que lui. Il est à croire que le dernier peril que vous avez bravé, sera le dernier de vos mal-heurs. La Fortune n'est pas moins inconstante dans ses rigueurs, qu'elle est inégale dans ses caresses ; & l'on doit s'assurer qu'elle vous sera bien-tost autant favorable qu'elle fut autres-fois contraire. J'ose esperer qu'alors vous aurez la bonté de souffrir que j'ajoute quelque éclat au bruit que fera la Renommée en faveur de vos grandes actions, & que je laisse à la Posterité des marques immortelles du Voeu que j'ay fait d'estre toute ma vie avec un zele peu commun, & des respects très-profonds,
MONSEIGNEUR,
DE VOTRE ALTESSE,
Le tres humble, & tres-
obeissant Serviteur,
QUINAULT.