Dédicace - Cambise
Le Mariage de Cambise
Paris, Guillaume de Luyne, 1659
Au duc d’Anjou
Philippe d’Orléans (1640-1701), duc d’Anjou, deviendra duc d’Orléans en 1661. C’est le frère cadet de Louis XIV et le père du duc d’Orléans, régent pendant la minorité de Louis XV. Il protège la troupe de Molière de 1658 à 1665 et sera plus tard spectateur fréquent à l’Académie Royale de Musique, qui occupe, après la mort de Molière, la salle du Palais-Royal.
A
SON ALTESSE ROYALE,
MONSEIGNEUR
LE
DUC D’ANJOU,
FRERE UNIQUE
DU ROY
MONSEIGNEUR,
C’est asseurement profaner un Nom aussi glorieux que le vostre, que de le faire descendre sur un Ouvrage aussi mediocre que celuy que j'ose presenter à VOSTRE ALTESSE ROYALE. Mais, MONSEIGNEUR, je vous proteste qu'il ne m'a pas esté possible d'empescher plus long-temps mon zele de paroistre, & que j’aurois attendu que j’eusse esté capable de produire quelque chose de moins imparfait pour vous le presenter, si l'impatience que j’ay euë d'obtenir la protection de VOSTRE ALTESSE ROYALE, me l'avoit pû permettre. Je ne me repens pas toutesfois de n'avoir pas meslé dans cette Piece de Theatre quelques-unes de ces actions éclatantes qui semblent devoir estre inseparablement attachées aux avantures des Héros ; il auroit esté difficile, MONSEIGNEUR, de vous y faire voir les moindres effets de Valeur, sans réveiller en vous la grandeur d'un Courage dont on a tant de peine à retenir toute l'impetuosité, & dont on peut dire à vostre gloire,
Vostre Cœur est si grand & si connu de tous,
Que le Monde a peu de Monarques
Qui n'en puissent estre jaloux,
Et si vous n'en donnez des marques,
Au moins il ne tient pas à vous.
L'Amour qui compose les intrigues de cette Tragi-Comedie est un sujet sur qui j’ay cru avoir plus de liberté de m'estendre, mais bien que le succez ne m'en ait pas esté desavantageux, je suis trop persuadé, MONSEIGNEUR, de la delicatesse de l'esprit de VOSTRE ALTESSE ROYALE, pour croire que je l'aye pû satisfaire sur une matiere où elle est plus habile que ceux qui pensent s'y connoistre le mieux. La belle Galanterie semble estre née avec vous, & toute vostre Personne paroist faite expres pour la mettre en usage. La Nature vous a donné tant d'avantages, que l'on peut asseurer que vous avez déja de si grandes intelligences avec la plus belle moitié du Monde, que vous donnerez beaucoup de peine à l'autre quand il vous plaira. Il n'y a pas mesme d'aparence que vous puissiez faire aucune entreprise où vous trouviez de grands obstacles, & vous estes sans doute bien en danger avec toutes vos qualitez charmantes, de n'avoir jamais le plaisir qui vient de la difficulté,
Si pour chercher la Gloire on vous permet un iour
De quitter les douceurs que l'on trouve à la Cour ;
Et si, comme on le croit, vous estes à la Guerre
Autant à craindre qu'en Amour,
Vous ferez aisement trembler toute la Terre,
Et l'on n'aura jamais parlé dessous, les Cieux,
D'un Conquerant plus glorieux.
Tout le monde s'attend bien MONSEIGNEUR, que VOSTRE ALTESSE ROYALE fera des choses admirables aussi-tost qu'elle aura les armes à la main : personne ne doute que vos premiers Exploits ne soient dignes de l'Auguste Sang qui vous anime ; & j’ay encore si peu vescu, que je puis esperer vraysemblablement d'avoir le plaisir de les admirer, & la gloire de les écrire, si vous avez alors la bonté de souffrir que je prenne cette occasion pour témoigner que je veux estre toute ma vie,
MONSEIGNEVR,
De VOSTRE ALTESSE
ROYALE
Le tres-humble, & tres-
obeyssant serviteur,
QUINAULT.