Mme Bordier

     Marc Soriano (Les Contes de Perrault, p. 257, n. 1) suggère que la "Mme Bordier" mentionnée par Conrart en tête du "Portrait d'Iris"pourrait être Catherine Lybault, l'épouse du financier Jacques Bordier (1585-1660), seigneur de Bondy et de Raincy, Intendant des finances d'Anne d'Autriche et Conseiller d'État. Cependant, comme il l'épousa en 1614, elle aurait eu environ 60 ans au moment de "l'emprunt" de Quinault à Perrault, et il est peu probable qu'elle ait inspiré ces vers.

     Je trouve plus probable qu'il s'agisse de Denise de Heere, née vers 1620, qui épousa en 1645 Hilaire Bordier, fils aîné de Jacques Bordier. Selon http://bondy-histoire.chez-alice.fr/Abondy/bordier.html, "L’écrivain  Gédéon Tallemant des Réaux  nous précise d’ailleurs qu'elle devint rapidement l'arbitre des différends familiaux par sa gentillesse et  diplomatie. C'est-elle d'ailleurs qui deviendra dame de Bondy après le décès de son beau-père, en association avec son beau-frère Jacques Bordier. Son mari Hilaire Bordier  s’était tenu à l'écart des activités financières de son père pour se consacrer à une carrière juridique et fut Président de la Cour des Aides à partir de 1672".

     Voici ce que dit Tallemant : "Elle a de l'esprit, de la vertu, du cœur; c'est une personne fort raisonnable. Elle a du bonheur, car elle vit doucement avec son mary qui l'estime fort, et elle est estimée de toute la famille à tel poinct, qu'elle y est comme l'arbitre de tous leurs differens" (Historiettes, éd. Monmerqué, 1840, t. V, p. 80).

     Son beau-frère, Jacques Bordier fils, avait la réputation d'un fou et avait defrayé la chronique parisienne, mais c'était un intellectuel assez brillant. Il fréquentait plusieurs salons, comme celui de Françoise d'Aubigné, future Mme de Maintenon. Il était en relations avec Mlle de Scudéry, avec le maréchal d'Albret, et avec Bussy Rabutin.

     Si en effet Denise de Heere, qui avait "de la vertu", qui était "une personne fort raisonnable" et qui "vit doucement avec son mari", était "cette belle inhumaine",

Et dont le seul defaut est d’estre un peu trop fiere,

Et de ne sçavoir pas aimer,

Quinault aurait pu la rencontrer grâce à son beau-frère, qui fréquentait les mêmes salons. Il est possible aussi que les Bordier connaissaient Jacques Bouvet, homme d'affaires et premier mari de Louise Goujon, l'épouse de notre poète. Quoi qu'il en soit, cette indication de Conrart nous permet d'élargir un peu notre idée des relations de Quinault.

     Sur Jacques Bordier collectionneur, voir le site La Tribune de l'Art.