Mazouer
Charles Mazouer. Le Théâtre français de l'âge classique
Paris, Champion, coll. "Dictionnaires et références"
II. L'Apogée du classicisme, 2010
III. L'Arrière-saison, 2014
Le tome II consacre un chapitre de 8 pages à Quinault et deux autres à sa carrière. Dans celles-ci, Mazouer dit du Quinault des années 1650-1660 :
« Auteur à la mode, il s’est imposé partout : chez les grands, dans les ruelles précieuses, à la cour » (p. 125)
et
« On ne pouvait imaginer plus brillante trajectoire que celle de Quinault, parti de rien » (p. 125).
Néanmoins, à la fin du chapitre sur Quinault (p. 350), il conclut :
Quinault « ne mérite pas d’être réhabilité. Son élégance et son habileté ne dissimulent pas la pauvreté de personnages sans relief, sans complexité et sans grande profondeur ; cet amour envahissant, qui énerve toute énergie chez les galants, au risque de la fadeur, fait regretter l’absence de passions fortes qui exaltent le personnage comme chez Pierre Corneille, ou le mène à sa perte, comme chez Racine.
Relisons encore une fois Andromaque et, oubliant les Quinault et les Thomas Corneille, nous accéderons à la véritable beauté tragique. »
Il n'est pas question d'opéra dans le tome III, mais Mazouer – après avoir consacré plusieurs pages du tome II à la naissance de l’opéra français, son esthétique et la résistance qu’il rencontra – présente brièvement plusieurs oeuvres qui contiennent des références aux livrets de Quinault ou qui en sont des parodies (Boursault, Dancourt, Regnard, Dufresny et al.). Dans le chapitre sur théâtre et musique, il reconnaît l'importance de la tragédie en musique et passe en revue les ouvrages principaux sur le livret.
On trouve donc un bel exemple de plusieurs tendances critiques relatives à Quinault : auteur de livrets admirés et imités, auteur dramatique qui « s'est imposé partout », qui a fait une « brillante trajectoire », mais qui « ne mérite pas d’être réhabilité ». C'est en partie parce que Quinault a eu deux carrières distinctes : souvent joué mais éclipsé par Racine dans la première, même plus souvent joué et sans rival dans la seconde. On peut être d'accord que « la véritable beauté tragique » se trouve chez Racine, mais sans oublier que notre définition de cette véritable beauté tragique est tirée des pièces de ce même Racine et que, du point de vue de l'histoire littéraire, la carrière et l'oeuvre de Quinault ne sont pas moins importantes que celles de Racine. Et pourquoi pas réhabiliter quelques tragédies de Quinault, sourtout pour un public contemporain qui semble préférer une intrigue bien construite et pleine de rebondissements à la beauté poétique ?
N.B. Il a été question ci-dessus de la tragédie. Mazouer consacre des pages plus positives à La Mère coquette.