Poème de Sceaux

[ Je donne ici le texte du manuscrit de Chantilly. J'en respecte l'orthographe et la ponctuation, mais, pour la commodité du lecteur, j'ai mis 'J' et 'V' selon l'usage moderne, au lieu de 'I' et 'U'. J'ai également remplacé '&' par 'et' et '~' par 'n'.

Les notes à la tête de chaque chant et à la fin du poème se trouvent dans les notes de cette page, à la fin de la colonne de droite. ]      

***


SEAUX

POEME

CHANT PREMIER


J’estois dans les Jardins de l’aimable Demeure,

            Ou le Mecene des François

       Vient voir l’esclat des fleurs, et l’ombrage des bois,

       Quand ses soins redoublez ont mênagé quelque heure

  5   Sur le temps de ses grands Emplois.

            Ce jour mesme, il devoit s’y rendre

       Et je me promenois en resvant pour l’attendre.

            Je me fis un amusement

            D’observer le grand Bastiment

 10  Qui s’eleve au milieu de ce sejour champestre ;

       J’admiray mille fois ce Chefdœuvre des Arts

       Dont la beauté sans pompe enchante les regards,

       Et semble, en se montrant craindre de trop paraistre,

       Comme si la Maison vouloit de toutes parts

 15       Faire également reconnaistre

       La sage modestie, et la grandeur du Maistre.


            J’allois essayer, par mes vers,

            De tracer les charmes divers

            D’une Architecture si belle ;

 20       J’avois le crayon a la main.

            Lors qu’une aventure nouvelle

            Me fit prendre un nouveau dessein.


       Je me vis aborder par une Nymphe aimable :

       Mes yeux furent surpris de l’esclat admirable

 25   Dont elle fit briller tous les lieux d’alentour :

            Mille fleurs ornoient son passage,

            Et mille oiseaux par leur ramage

            A l’envy luy faisoient la cour.


            Quitte, dit-elle, une entreprise

 30        Que tu ne dois point achever ;

       Le choix d’une Déesse à qui je suis soumise

       Pour un autre dessein t’a voulu reserver.

       Cent merveilles icy se trouvent reunies ;

       Il faut plus d’une main, il faut divers genies

 35  Pour en bien exprimer les charmes differents :

       Je doy te faire voir ce que tu dois descrire ;

            Avec tes efforts les plus grands

            A peine y pourras tu suffire.


       Ces beaux lieux sont cheris de la Divinité

 40       Qui s’éveillant, quand tout sommeille,

            Escarte, d’une main vermeille,

            La plus espaisse obscurité :

       Et pour le bien du monde, active et diligente,

            Avec une douce clarté,

 45   Rallume du Soleil la lumiere esclatante.


        Sa faveur me prefere aux Nymphes de sa Cour ;

            Et dans ce tranquile sejour

       Je me fais de luy plaire une soigneuse estude ;

       Lors qu’elle a satisfait aux ordres du Destin

 50  Elle vient sans esclat, dans cette Solitude,

       Se delasser le soir des travaux du matin.


            Elle regarde avec estime

       Le Mecene nouveau de l’Empire François ;

       Elle admire l’ardeur qui sans cesse l’anime

 55        Pour le plus auguste des Rois.

            Elle n’a jamais veu de zele

            Ny plus actif, ny plus fidelle ;

       Elle a beau devancer le Soleil dans les Cieux,

       Et voler pour se rendre ou son devoir l’appelle ;

 60  Dés qu’elle ouvre la porte a la clarté nouvelle

       Le vigilant COLBERT se présente à ses yeux ;

       Elle le voit tousjours exact, laborieux,

            Tousjours esveillé devant elle.


       La Deesse en secret, d’une pressante voix,

65    Luy conseilla d’aller loin du bruit quelque fois

       Chercher un doux relasche à ses travaux penibles,

            Et de ces Retraites paisibles

            Luy fît resoudre l’heureux choix.


       C’est pour luy faire aimer la Demeure qu’elle aime

 70        Qu’elle a rendu ces Lieux si beaux ;

       Elle y joint chaque jour mille agrements nouveaux ;

       Elle en a fait cesser la secheresse extréme,

       Et l’on y voit par tout briller de claires eaux

            Qu’elle puise au Ciel elle mesme.


 75        Regarde avec estonnement

       L’amas prodigieux des ondes escoulées.

            Le Dieu du liquide Element

       Semble avoir fait passer ses flots dans ces Vallées.

       Deux Fleuves couronnez de Joncs et de Roseaux,

 80       Ont soin d’attendre les Ruisseaux

            Qui sortent de ce vert Boccage,

            Et sont assis sur leur passage.

       Avec un doux plaisir, ces venerables Dieux

            Reçoivent les eaux qui descendent,

 85        Pour grossir le tribut qu’ils rendent

       A la nouvelle Mer qui se forme en ces lieux.


            Mille fontaines dispersées,

       Apres de longs detours, ensemble ramassées,

            Forment d’un commun mouvement,

 90   Sur ce riche Vallon un spectacle charmant.

            Malgré le penchant qui les presse

            De se precipiter sans cesse

       Vers le lit spacieux qui leur est préparé,

            Elles semblent, comme enchantées,

  95  Ne pouvoir détacher leurs ondes argentées

        Du verdoyant esmail, et du sable doré,

        Dont si pompeusement leur chemin est paré :

            Loin de paraistre impatientes

        D’arriver à la fin de leurs courses errantes,

100       On les voit, par bouillons espais,

       Tascher a remonter dans ces lieux pleins d’attraits

            A cent reprises differentes ;

        Et par cent bonds plaintifs, par cent chutes bruyantes,

        On les entend gemir en tombant pour jamais

105   Dans le vaste sejour d’une profonde paix.


       Au milieu de ces eaux, l’eau du Ciel la plus pure,

       Et de ces beaux Jardins l’ornement le plus grand,

       D’une estroite prison sortant avec murmure,

       S’eslance dans les airs en superbe torrent.


110  Cette onde, en jaillissant d’un mouvement rapide,

            Forme une Colonne liquide

       Qui jusques dans le Ciel s’esleve avec fierté ;

            Contre son poids elle dispute,

       Sans cesse elle remonte et repare sa chute,

115  Et son debris lui sert de nouvelle beauté.


       Marchons, esloignons nous de ce bois frais et sombre,

       Un jour tu reviendras le voir plus a loisir :

            Pour y resver avec plaisir

       On y trouve tousjours du silence et de l’ombre.

120  Les Vents impetueux vont plus loin murmurer ;

            Le seul Zephire a l’avantage

            De s’y faire un secret passage ;

            Le grand jour n’ose y penetrer ;

       L’importune chaleur n’y peut jamais entrer.


125  Traversons ce Parterre, et voy ces fleurs nouvelles

       Se parer à l’envy des couleurs les plus belles.

       D’un seul regard, découvre ici de tous costez,

            Ces charmantes diversitez

            Qui doiuent enchanter ta veüe :

130  Ces fertiles Costeaux et ces sombres Deserts

       Où la tranquilité n’est point interrompuë ;

            Ces Vallons de Saules couverts ;

       Ces Ruisseaux serpentants dans ces Prez tousjours verts ;

            Ces plaines d’immense estendue

135 Que d’un or precieux Ceres prend soin d’orner ;

       Ce Mont, qui de si loin, fait si bien discerner

            L’antique Tour presqu’abbattuë,

       Qui depuis si long temps sert a le couronner,

       Et dont l’orgueilleux reste ose encor s’obstiner

140        A monter jusques dans la Nuë.


            Sur la pointe de ce Costeau,

            Le pouvoir d’un charme nouveau

       Suspend un grand amas d’une onde vive et pure ;

       Ces eaux n’osent descendre, et n’ont jamais tenté

145       Pour se remettre en liberté,

            De rompre la molle ceinture

       Dont l’esmail d’un gazon tient leur cours arresté :

            La fraische et brillante Verdure

       Prend plaisir a se voir si belle en se mirant,

150  Et prend soin de parer d’une riche bordure

       De ce flottant Miroir le cristal transparent ;


       Il faut nous détourner de ce lieu qui t’enchante,

       Suy moi, me dit la Nymphe, et te haste en passant,

            D’admirer de ce bois naissant

155     La jeunesse tendre et charmante.


        Passons dans ces Jardins ou Pomone a l’escart

        Pour travailler en paix fait sa demeure a part.

        Ses travaux sont payez d’une heureuse abondance ;

        La Terre favorable à sa perseverance

160  Luy donne en cent façons des Tresors precieux ;

            Et chaque jour icy l’Aurore

            Se plaist à l’enrichir encore

            Des perles qu’elle espand des Cieux.


       Dans une Solitude et si riche et si belle,

165  Observe un Bastiment tracé sur le modelle,

       D’un Temple au bord de l’Inde autrefois eslevé,

       L’Art n’a rien fait jamais qui fût plus achevé.

       C’est ici que souvent l’Aurore se retire ;

            Avec plaisir elle y soupire ;

170      Elle y vient en secret retracer à son gré,

       Le tendre souvenir de son amour fatale

            Pour l’Ingrat, et charmant Cephale ;

            Son triste Cœur s’est figuré

            Que sur la Rive Orientale

175  Son amoureux chagrin estoit trop esclairé.


       Cephale des Amants le plus rare modelle

       D’une premiere amour fut pour tousjours espris :

            Il aima constamment Procris

            Qui ne luy fut pas si fidelle.


180       L’Aurore entreprit vainement

        La conqueste du cœur de ce parfait amant

            Qu’Amour n’avoit pas fait pour elle ;

            Cette fiere Divinité

        Ne se console point de la douleur cruelle

185  D’avoir veu triompher une Beauté mortelle

            De son immortelle Beauté.


            Un fatal depit la possede,

       Et c’est pour elle un mal sans cesse renaissant ;

       Le Temps qui des ennuis est le puissant remede,

190      Pour les ennuis qu’elle ressent

            Se trouve un remede impuissant.

            Un chagrin que rien ne modere

            La suit, et la presse en tous lieux :

            Elle est sans repos dans les Cieux,

195  Elle y va par devoir et n’y demeure guere :

       Elle y rougit tousjours de honte et de colere ;

       Mais quoy que son depit ne puisse estre calmé,

            Tousjours d’un ingrat trop aimé

            La memoire luy sera chere ;

200  Elle luy donne encor des larmes chaque jour ;

        Elle excuse Cephale, et se plaint de l’Amour.


       Elle a fait en ce lieu tracer son avanture ;

            Elle en inspira le dessein ;

            Et de sa clarté la plus pure,

205  Elle mesme, esclaira l’ingenieuse Main

        Qui prit soin d’achever cette vive Peinture.


        Imite, s’il se peut tant de traits excellents.

        De ces Tableaux muets, fay des portraits parlants,

        Et pour peindre l’amour d’une aimable Déesse,

210  Tasche à joindre en tes Vers la force à la tendresse.


            La Nymphe cessa de parler ;

       Je vis son teint paslir, et ses yeux se troubler ;

       Un bruit confus de voix fit son inquietude ;

       Elle entendit marcher à grands pas vers ces lieux

215       Une foule de Curieux :

            Je retourne à ma solitude,

       Me dit-elle, et ce bruit me contraint d’y rentrer,

       Aux profanes regards je ne me puis montrer.

       Je creus la retenir, mais sa robe volante

220  Fut changée, au moment que j’y portay la main,

       En un souffle leger que je suivis en vain ;

       La Nymphe ne laissa qu’une trace brillante

       Qui s’esleva dans lair, et disparut soudain.

FIN DU PREMIER CHANT

 

SEAUX.

POEME.

CHANT SECOND.


         Que jaime a voir icy la Deesse charmante

225  Qui rend à l’Univers la clarté renaissante ;

            Je veux la depeindre, à mon tour,

            Telle que d’une main sçavante,

            Elle est depeinte, impatiente

          De ceder dans les Cieux sa place au Dieu du jour

230   Pour aller en secret où l’appelle l’Amour.


       Vous qui faites l’ardeur dont ma veine s’allume,

            Animez moy d’un feu nouveau ;

       Le Brun s’est surpassé dans un dessein si beau :

            Muses, venez aider ma Plume

235       A suivre son divin Pinceau.


       Du Dieu de la clarté l’aimable Avant-couriere

       De la porte du Jour fait ouvrir la barriere ;

       Et de laffreuse Nuit perçant le voile obscur,

             Avec de longs traits de lumiere

240      Trace sur le celeste azur

       De l’Astre qui la suit la brillante carriere.


       Deux Coursiers bondissants tirent son char pompeux,

       Et d’un souffle enflammé chassent l’air tenebreux

            Qu’ils rencontrent sur leur passage.

245      Un espais et sombre Nuage

            S’ouvre, s’abaisse devant eux,

       Et devient sous leurs pas un chemin lumineux.


       Desja ces deux chevaux, dans leur ardeur bouillante,

       Sentent que le grand jour ne sçauroit plus tarder ;

250  Desja, prés de descendre, ils semblent regarder

       Le détour le moins long, et la moins rude pente.

       Ces deux Amours jaloux qui veulent les guider

       Paroissent resolus a ne se rien ceder ;

            L’un tire, l’autre se mutine,

255     Tous deux font voir mesme fierté ;

       Dans le milieu des airs le char semble arresté

            Par l’effort dont chacun s’obstine

            A l’emporter de son costé.

       Mais quoy que ces Amours soient d’une force égale,

260  Et s’animent tous deux par un égal transport,

       L’Amour qui veut aller du costé de Cephale

       Fait pencher la Déesse, et devient le plus fort.


       Dans l’ardeur d’achever l’entreprise qu’il tente,

            Il a laissé tomber ses traits.

265  Leur chute en divers lieux interrompra la paix

            Des Cœurs qu’un doux sommeil enchante ;

       Et fera ressentir aux malheureux Amants

       Avec le jour nouveau mille nouveaux tourments.

            Cet Amour s’est voulu deffaire

270  Des armes qu’il se plaist à porter d’ordinaire,

            Et qui pouvoient l’embarrasser ;

            Mais a force de s’empresser,

       Ce guide impetueux par un oubly funeste,

            N’a pas le moindre trait de reste

275  Pour le cœur que l’Aurore à dessein de blesser.


       Une Nymphe qui suit le char de la Déesse,

       A l’employ de verser la rosée icy bas ;

       Appliquée à ce soin, elle ne ressent pas

       Qu’une moite vapeur mouille sa blonde tresse.

280      Elle semble se plaire à voir

            Les eaux precieuses et pures

            Qu’elle fait doucement pleuvoir

            Par mille estroites ouvertures

            D’un inespuisable Arrosoir.


285       Près de ce char le Bruit commence

            A voler avec violence,

       Des ailes qu’il desploye il agitte les airs :

            Il vient esveiller l’Univers ;

       Il a déja contraint le timide Silence

290       A fuir dans le fonds des Desers.


            Il tient la Trompette bruyante :

       Il va bien tost sonner le signal du départ,

       Pour presser le Guerrier endormy sous sa Tente

            De se ranger sous l’Estendart.


295  Il n’a pas oublié la Cloche estourdissante ;

       Il porte le Marteau qui doit dans les Citez,

            Par mille coups precipitez

            Sur l’Enclume retentissante,

       Resveiller en sursaut les molles Voluptez.


300  Avec le Bruit, les Vents s’eslevent,

       Ils s’échappent du sein des Nuages qu’ils crevent,

       Leur soufle impetueux va soulever les flots.

            Le Cocq dresse sa rouge creste ;

            Son esclatante voix s’appreste

305  A faire retentir les plus lointains Echos :

            Déja plein d’ardeur il s’avance

            Pour aller avec diligence

       Du champestre Labeur terminer le repos.


       La Nature s’esveille ; elle est à demi-nue :

310  Cent diverses couleurs qui surprennent la Veuë,

            Brillent sur son leger Manteau ;

            Son teint ne fut jamais si beau :

       Cette Divinité favorable et feconde

       Offre son riche sein pour nourrir tout le Monde ;

315  Elle montre les fruits dont ses soins bienfaisants

            Ont causé l’heureuse abondance

            Elle n’en veut pour recompense

       Que l’unique plaisir d’en faire des presents.


       Les plus fiers Animaux soûmis a sa puissance,

320 Paraissent attentifs a la secrete voix

       Dont elle leur prescrit d’inviolables loix ;

       Et pour chanter sa gloire et sa magnificence,

       Mille Oiseaux differents s’attroupent dans les Airs,

       Et vont recommencer leurs plus charmants concerts.


325       L’esclat d’une splendeur divine

       Penetre un grand Palais, le dore, et l’illumine,

       Et les premiers rayons commencent d’avertir

            Que le Soleil en va sortir.

       Des Heures de sa suite une troupe choisie

330  Court preparer son Char, et porter l’Ambroisie,

       Que ses Coursiers fougueux attendent pour partir.


            L’Aurore avec impatience

            Detourne un inquiet regard,

            Pour solliciter le depart

335      Du Dieu du jour qu’elle devance.

            De jeunes Amours empressez,

       Pour servir la Déesse à la haste avancez,

            Lui donnent les Roses nouvelles

       Dont la pourpre luy sert d’ornement au matin ;

340       Elle en reserve les plus belles,

       Et le reste en tombant va parer son chemin.


       Chaque Saison placée au rang qu’elle doit prendre,

       Pour regner à son tour, est contrainte d’attendre

            Que l’Aurore ait de son costé

345      Conduit le Dieu de la Clarté.


            Près de la delicate Flore,

            Vole un agreable Zephir

       Qui pour la soulager se charge avec plaisir

       D’un riche amas de fleurs qui ne font que d’esclore,

350      C’est pour les offrir à l’Aurore

            Qu’elle a pris soin de les choisir.


       Le celeste Belier, dont les chants du Parnasse

       Ont celebré si haut l’admirable Toison,

            Du costé de Flore se place ;

355  C’est luy qui doit guider la nouvelle Saison,

        Et garder du soleil la premiere Maison.

       Il poursuit les frimas, les escarte, les chasse,

            Et rompt enfin l’espaisse glace


360  Le fier Taureau paré de fleurs et de verdure

       Est tel qu’il paroissoit, lorsque de sa figure

       Jupiter amoureux voulut se revestir,

       Pour enlever Europe au Rivage de Tyr.


       Celui des Deux Gemeaux qui fit part à son Frere

365      De son droit d’immortalité,

       Descend avec la Nuit dans un sombre Hemisphere,

            Tandis que de l’autre costé,

            D’une course prompte et legere,

       Son Frere dans les cieux monte avec la clarté.

370  Les favorables feux qui brillent sur leurs testes

            Presagent un heureux repos,

            Et dans les affreuses tempestes

       Dissipent la terreur des pâles Matelots,

            Et calment les vents et les flots.


375  L’Escrevisse qui trace a la saison ardente

            Un chemin aride et brulant,

            Sent déja la clarté naissante,

            Et pour la saluer s’avance en reculant.


       Le Superbe Lion est enflammé de rage,

380       On voit ses yeux estinceler :

       Tout l’esclat dont au ciel Junon l’a fait briller

            Luy paroist un foible avantage ;

            Rien ne le sçauroit consoler

       De s’estre vu ravir, malgré son fier courage,

385  L’invulnerable peau qu’il avoit en partage,

       Et dont la main d’Alcide osa le despouiller.


            Avec soin, la jeune Erigone

       A choisi des Epics nouvellement dorez,

       Et d’une main adroite en a fait la couronne

390       Dont ses blonds cheveux sont parez.

       Elle paroist atteinte encor de la tristesse

            Qui par un exces de tendresse

       De son Pere meurtry luy fit suivre les pas,

            Au dela mesme du trépas.

395      Sa chienne, d’une ardeur fidelle,

       Jusques dans les horreurs de la Nuit eternelle,

       Luy tient soigneusement compagnie en tous lieux ;

       Et d’un soin empressé court encor devant elle

            Dans les vastes plaines des Cieux.


400       La juste Balance d’Astrée

       Va servir au Soleil pour ajuster son cours :

       Et placée au milieu de la Voute azurée,

       Pour rendre aux Nuits le temps qu’ont usurpé les Jours,

            Pese exactement leur durée.


405       Le Dieu tousjours jeune et charmant,

       Qui prit soin de planter le tortueux Serment,

            Et d’en tirer un doux breuvage,

       A l’approche du jour doucement se degage

            D’un profond assoupissement.

410  Il oppose sa main à la vive lumiere

       Qui vient fraper ses yeux d’un esclat trop brillant

       Et laissant a loisir dessiller sa paupiere,

       Se dispose a la joye, et rit en s’esveillant.


       Le verdoyant Lierre, et la pourpre nouvelle

415      Des Pampres cueillis fraischement

            Sont la parure naturelle

       Qui du lit de Bacchus fait le riche ornement.

            Son vieux Nourrissier a fait gloire

       De passer sans repos toute la nuit a boire ;

420       Plus remply qu’assouvi de vin

       Il se laisse assoupir par le frais du matin.

       Il s’appuye en dormant sur la Beste pesante

            Qui d’une allure douce et lente,

       Le porte chaque jour sans se lasser jamais ;

425 Sa main soustient encor la precieuse charge

            D’une Cruche profonde et large,

       Sans quoy le bon vieillard ne peut dormir en paix.


       Un Tigre plein de vin tout estendu sommeille ;

       Un autre dont les sens de rage sont saisis,

430  En mordant les Raisins que Bacchus a choisis

       Mesle une blanche escume à leur liqueur vermeille ;

       Tous deux n’esprouvent pas une yvresse pareille,

       Et les mesmes vapeurs d’un jus délicieux

       Rendent l’un immobile, et l’autre furieux.


435       Un jeune et folastre Satyre,

            A des jeux badins apliqué,

       Lorsque près de Bacchus il ne songe qu’a rire

            Se sent mortellement piqué.

            L’affreux Scorpion qui le blesse

440      D’une queue aiguë et traitresse,

            Fut en naissant victorieux

            De l’enorme Orion jadis l’effroy du Monde,

       Qui marchoit fierement d’un pas prodigieux,

            Dans les creux abismes de l’onde,

445  Et portoit quelquefois son front audacieux

       Au-dessus de la nue, et jusques dans les Cieux.


       Le Centaure qu’Achille eut autrefois pour Maistre,

       Et dont le choix des Dieux fit le celeste Archer,

            Tient l’arc qui le fait reconnaistre ;

450  Et d’un regard chagrin semble deja chercher

            Les fléches qu’il doit decocher

       Contre les pâles fleurs que l’Automne a fait naistre.


            Loin du grand jour, l’Amour discret

       Tient un doit sur sa bouche, et, soigneux de se taire,

455       Montre qu’un amoureux mistere

       Doit estre sous le Seau d’un eternel secret.


       L’Astre du point du jour volant devant l’Aurore

       L’esclaire par honneur plutost que par besoin,

       Et vers le vieux Thiton la conduit avec soin ;

460      Si l’Aurore le suit encore,

            Elle ne le suit que de loin.

       Un Amour vigilant qui tousjours plein d’adresse

            Pour les tendres cœurs s’interesse,

            Et fait son employ le plus doux

465      D’endormir les facheux jaloux,

       Va pour favoriser l’amoureuse Déesse,

       D’assoupissants pavotz couvrir son vieil Espoux.


       Thiton fuyant le jour dans une espaisse Nuë,

       Tient un bras decharné souz sa teste chenuë ;

470  Et, lassé de trop vivre, et de toujours vieillir,

       Dans un sommeil profond cherche à s’ensevelir.


       Plus loin, le morne Hyver, qu’un brouillart environne,

       Coeffé de longs frimats, s’assoupit, et frissonne ;

       Son manteau paroist blanc sous la neige qui fond ;

475  Plus il s’en enveloppe, et plus il se morfond ;


       Le frileux Capricorne en tremblottant s’avance ;

       Pan, caché sous sa peau, s’y tint en assurance,

       Lorsque les fiers Geants unis et revoltez

       Firent prendre la fuite aux Dieux espouvantés.


480  L’aimable Enfant qu’un Aigle enleva de la Terre

       Pour servir d’Eschanson au Maistre du Tonnerre,

       Respand les froides eaux dont il a dans les Cieux

       Rafraischy le Nectar de la table des Dieux.


       Dans le vague des airs que ce deluge noye

485  Les celestes Poissons s’eslancent avec joye,

       Et tous deux à l’envy disputent en nageant

       A qui fait mieux briller ses escailles d’argent.


       Le Dieu qui du sommeil eust l’Empire en partage,

       Pres des bruyantes eaux, souz un sombre nuage,

490  Mollement étendu sur un lit de pavotz,

       Se livre avec plaisir aux charmes du repos ;

       Et goute le premier la paix douce et profonde,

       Qui coule de son sein dans tous les cœurs du Monde.


       Desja la Nuit s’envole, et cede au jour naissant ;

495  Au bas de l’Horison en haste elle descend :

       L’air que d’une aile espaisse elle frape autour d’elle,

       S’espaissit, et resiste à la clarté nouvelle.

       Les Oiseaux tenebreux a sa suite attachez

       Avec elle, fuyant, volent effarouchez :

500  Les fantomes affreux vont sur sa route sombre,

       Et sous son noir manteau, chercher un reste d’ombre.

       Et par l’esclat du jour poursuivis et blessez

       Tombent en se cachant, pesle mesle entassez.


       Des Heures de la Nuit la troupe fugitive

505  Ne peut plus supporter la lumiere trop vive ;

       Et toutes en leur rang courent se retirer

       Aux lieux que le Soleil à cessé d’éclairer.


            Au bout de la celeste plaine,

            Diane sur son char d’ébene,

510      Fuit avec un soin diligent ;

            L’êclat de la clarté naissante

            Detruit la splendeur palissante

            De son diademe d’argent.


            Elle s’empresse en apparence

515       De ceder à l’Astre du jour,

            Mais sa secrette impatience

            N’est que de ceder à l’Amour.


       C’est vers ce Cabinet que Diane s’avance,

            Elle y va trouver son Amant ;

520  L’Amour mystérieux, et le sage Silence,

            Veillent tous deux d’intelligence

            Autour d’Endimion dormant.


       Dans un profond sommeil la Déesse le plonge ;

       Sa fierté trouble encor les plus doux de ses vœux :

525 Si son amour veut rendre Endimion heureux,

       Sa pudeur veut au moins qu’il ne le soit qu’en songe.


       Dans l’autre Cabinet sont les paisibles lieux

       Et le champestre Lit où repose Cephale :

       Ce jeune Espoux fidelle à l’amour conjugale,

530      Semble craindre d’ouvrir les yeux

            Aux beautez qu’avec pompe estale

            La Divinité matinale

            Qui conduit le jour dans les Cieux.


       Cephale en reposant n’a rien qui l’embarrasse ;

535  Un rameau pres de lui porte avec son Carquois

       Le resonnant Airain qui lui sert à la chasse,

            Et dont le bruit a tant de fois

            Fait trembler les hostes des bois.


            L’Aurore de Cephale absente,

540  A choisi pour le suivre une Nymphe volante,

       Qui l’observe en ces lieux sous un feuillage espais ;

       La Nymphe a son repos joint des douceurs nouvelles,

            Et prend soin en battant des ailes

            Qu’il respire un air pur et frais.


545  De cent petits Amours la troupe dispersée

            Autour de ce Salon charmant,

            Avec une ardeur empressée,

       A cent divers travaux s’aplique incessamment.


       L’un verse sur des fleurs une eau rafraichissante

550      Qui leur donne un nouvel esclat ;

       L’autre, pour enfoncer une besche pesante,

            La presse d’un pied delicat.

            L’un, flatté d’une douce attente,

            Souz une Maison transparente,

555      Enferme un fruit delicieux ;

            L’autre, d’un soin industrieux,

       Fait d’un arbre qu’il greffe une agreable estude ;

            Le travail mesme le plus rude

       Se change en doux plaisir dans ces aimables lieux

560       Pour ces Amours laborieux.


            La Divinité vigilante

            Qui sert de guide à la clarté,

            De cette Demeure charmante

            Bannit la molle Oisiveté.


565      Il faut que chacun y mesnage

            Les doux moments des plus beaux jours,

            Tout y devient soigneux et sage

            Jusques aux plus tendres Amours.


        Le Maistre de ces lieux veut que le Loisir mesme

570  S’occupe icy tousjours de quelque soin pressant.

            Tout ce qu’on y voit se ressent

            De son exactitude extréme,

            Et de son genie agissant.

FIN DU SECOND CHANT.

SOURCES

A. Seaux, Poème par Philippe Quinault, Chantilly, Musée Condé, manuscrit  546

B. Philippe Quinault, Œuvres choisies de Quinault, Paris, Didot, 1811-1817, t. 2, p. 263-286

C. Philippe Quinault, Œuvres choisies de Quinault, Paris, Crapelet, 1824, t. 2, p. 433-458

D. Sceaux, poème par Philippe Quinault, Paris, 1813, in-8, 31 p.

E. Sceaux. Poème en deux chants, par Philippe Quinault, s.l.n.d., in-12, 31 p. [F-Pn/ 8-Z LE SENNE-12159]

F. Sceaux. Poème par Philippe Quinault, imprimé pour la seconde fois sur le manuscrit original qui se trouve dans le cabinet de Mme de Bure, Paris, [Crapelet], 1824, in-8, 32 pages

G. Poëtes français, ou Collection des poëtes du premier ordre et des meilleurs ouvrages en vers du second ordre. Poésies du second ordre, tome 40, Paris, Veuve Dabo, 1822, p. 3-22 [identique à Recueil de poësies de Quinault, Boursault, Pelisson [...], Paris, Veuve Dabo, 1823, p. 3-22]

On peut dire que le poème fut publié pour la première fois en 1817 (l'édition de 1813, Source D, ne fut tiré qu'à 4 exemplaires), dans le tome II de l’édition chez Didot des Œuvres choisies de Quinault (Source B).


ATTRIBUTION

Le poème est attribué à Quinault dans toutes ces sources et dans le manuscrit qu'elles suivent.


VARIANTES

   Il y a au moins deux états différents de l'édition de 1813 (Chantilly, IV-F-074) et Paris, BnF, VELINS-2275)   

   Les premières éditions présentent quelques variantes avec le manuscrit (en dehors de l'orthographe et de la ponctuation):

CHANT I

v.  37 : source B, D "les efforts"

v.  69 : source C "il aime"

v. 141 : source B, D, "Sur la pente"

v. 184 : source B, "Ne se consola"

v. 203 : sources B, C, F, "le dessin"

CHANT II

v. 233 : sources B, C, F, "un dessin"

v. 279 : source B, "Qu'une humide"

v. 291 : source D, ex. de Chantilly, "sa trompette"

    Dans la note en tête du second chant, la source B donne "couleur" au lieu de "couleuvre". La source C ne donne pas cette note.

    On publia un petit nombre d'exemplaires du poème (sources D, E, F), extrait des sources B et C.

   

NOTES

    Quinault lut ce poème en septembre 1677, pendant une fête donnée à Sceaux en l’honneur de l’Académie française. Selon le Mercure galant d’octobre 1677, p. 129 et 139, « Au sortir de table, toute la Compagnie fut dans une autre Salle, où il se fit une agreable Conversation. Mr Quinault y lût un fort beau sonnet qu’il avoit fait en venant à Sceaux […]. Après la lecture de ces Vers [de Quinault et de Furetière] l’on passa de la salle où l’on estoit dans un lieu appelé le Cabinet de l’Aurore. Ce fut là que Mr Quinault récita cinq ou six cens Vers sur les Peintures de cette charmante Maison ». Quinault relut le poème à la réception de La Fontaine à l’Académie, le 2 mai 1684 : "Mr. Quinault fit [la lecture] de deux Chants de sa Description de Sceaux, qui furent tres-applaudis" (Mercure galant, mai 1684, p. 64).

    Sur le Pavillon de l'Aurore, on peut lire Le Pavillon de l’Aurore, Paris, Somogy, 2000. Ce beau livre contient le texte de l'édition de 1813 du poème de Quinault, p. 132-139, aussi bien qu'une présentation soignée du domaine de Sceaux et de la coupole peinte par Le Brun. On peut consulter aussi domaine-de-sceaux.fr.


    Le très beau manuscrit de Chantilly est celui de Madame de Bure mentionné dans l'avertissement de l'édition de 1817 (source B) et dans le titre de l'édition de 1824 (source F). Son histoire est détaillée dans l’avertissement et cette édition et dans la note qui termine le manuscrit :

AVERTISSEMENT de l'édition de 1817 (source B), p. 265

Depuis long-temps M. Fayolle [auteur de la notice] cherchoit le manuscrit de Quinault sur la maison de Sceaux de M. Colbert, poëme dont Titon du Tillet et Charles Perrault parlent avec éloge, le premier dans son Parnasse François, et l'autre dans ses Hommes Illustres. Il eut l'heureuse idée de s'adresser sur ce point à M. Van-Praët, conservateur de la bibliothèque impériale, homme aussi savant qu'aimable, qui se chargea de lui faire connoître le propriétaire du manuscrit de Quinault. C'est par lui que M. Fayolle apprit que ce manuscrit étoit entre les mains de madame de Bure, épouse du libraire de la bibliothèque impériale, et qu'elle consentoit à en laisser prendre copie, pour l'insérer dans l'édition stéréotype des oeuvres choisies de Quinault. (Voyez la note à la suite du poëme.)


NOTE QUI TERMINE LE MANUSCRIT, f. [18r] - [19v]

    Perrault s’explique ainsi à la page 82 de ses Hommes Illustres, à l’article de Quinault

    « Il a fait encore d’autres poësies d’un autre genre, qui ont été fort estimées, et qui marquent l’abondance et la délicatesse de son esprit. De ce nombre est la description de la Maison de Seaux de M. Colbert, petit Poëme des plus ingénieux et des plus agréables qui se soient faits de ce temps-ci. »

    Il y a lieu de croire qu’il n’a pas encore reçu les honneurs de la presse, surtout si on s’en rapporte à l’Auteur de sa vie qui est a la tête de ses œuvres imprimées en 1739. On y lit à la page 69 ce qui suit :

    « Philippe Quinault a laissé cinq filles, dont trois ont pris le parti du Couvent. Des deux autres, l’une a été mariée à M. Le Brun, auditeur des Comptes, neveu du fameux Le Brun peintre du roi, et l’autre à M. Gaillard conseiller de la cour des Aides. Ce dernier a entre ses mains tous les Manuscrits de son Beaupere. Mais, il ne peut les donner au Public, parcequ’il est très expressement ordonné par le Testament du deffunt, que tous les ouvrages qu’il laisseroit après sa mort, ne seroient pas mis au jour. La description de la Maison de Seaux Poëme des plus ingénieux et des plus agreables, fait partie de ces manuscrits. »

    C’est par les soins de M. Helle qu’il a passé dans le Cabinet de M. Brochant, apres la mort du quel, il a été acheté à la Vente faite au mois de mars 1774. Il est ainsi designé sous le N° 338, dans le Catalogue composé par J. B. Glomy.

    « Le Poëme de Seaux Manuscrit sur Velin, tres bien écrit, avec un frontispice, et deux Vignettes dessinées avec le plus grand soin par Sebastien Le Clerc. Le frontispice est composé par M. Le Brun. Ce petit Poëme qui est de Quinault avoit été fait pour M. Colbert, dont on voit les armes et les chiffres sur la couverture de Maroquin rouge. »

    C’est encore par M. Glomy que l’on sait que la Vignette du second chant n’est pas de Le Clerc quoique M. Helle l’ait écrit au bas ; mais qu’elle est certainement de Bailly peintre en miniature, dont il a vû plusieurs ouvrages, entre autres des devises faites pour les Tapisseries du roy, des Elements et des saisons, qui ont été gravées par Le Clerc, et dont les dessins sont absolument dans le même gout que la Vignette en question. [N.B. Le catalogue Glomy attribue les deux vignettes à Le Clerc.]

    On trouve dans le volume des Delices de Versailles, que Seaux a été commencé en 1673. Or, Quinault étant mort le 26. Novembre 1688, ce ne peut être que dans cet intervalle que ce Poëme a été composé. ce qui ajoute au merite de cet ouvrage, dans lequel on reconnoit la touche suave et brillante du Prince de nos Poëtes Lyriques, c’est la réunion de quatre Noms aussi recommandables, chacun dans leur genre, que ceux de Colbert, de Quinault, de Le Brun, et de Le Clerc.


Une notice introduit chacun des deux chants du poème.

[2 pages non numérotées, précédant le frontispice]

    Ce poëme a été composé pour M. Colbert, par le celebre Quinault. Deux des plus fameux artistes du siecle de Louis XIV, ont concouru à l’embellissement de ce joli morceau. Le frontispice est de la composition de Charles Le Brun, premier peintre du Roy. il a été executé, ainsi que la vignette du premier chant, par Sebastien Le Clerc, excellent dessinateur et Graveur.

     Le frontispice represente La Nymphe de Seaux, couronnée de fleurs, portée sur un Nuage, et qui s’offre aux regards de Quinault. Elle lui enjoint de faire l’histoire des beautés de ce séjour ; et surtout celle de l’Aurore peinte dans le Pavillon, qu’elle lui indique de la main. Ensuite elle se dérobe à sa vüe, malgré l’empressement qu’il lui marque pour la retenir.

     La Vignette de ce premier chant, represente encore la Nymphe occupée à détailler a Quinault, tous les charmes de ce Lieu de Delices. Il tient un Livre ouvert, dans lequel il se propose de les decrire. La scene se passe au lever de l’Aurore, annoncé par les premiers rayons du Soleil, qui commencent a paroitre, et par le concours des Oyseaux qui voltigent, et se promenent autour du Chateau. Cet instant, qui, (ainsi que l’indique le Poëme) est celui auquel on attend M. Colbert, est, en même tems l’Emblême de la vigilance de ce grand Ministre.

     Cette Vignette fait d’ailleurs, suffisamment connoitre le Sujet de ce chant.

[p. 7v]

   La vignette de ce second chant offre les Armes de Colbert, peintes avec ses Emaux, qui sont d’Or, à la couleuvre d’Azur, tortillée en Pal. Elles ont pour support un Chien et une Licorne ; et sont environnées des Attributs de l’Abondance et des Beaux-arts.

    Ce chant est consacré à l'histoire de l’Aurore, peinte par Le Brun dans le Pavillon de Seaux, celle de ses Amours avec Tithon, et surtout avec Cephale, y tiennent un rang distingué. Celles de Diane et D’Endymion, la description de la Nuit et des douze Signes du Zodiaque, sont autant d’Episodes plus ingénieux les uns que les autres.

Il existe un tableau peint en 1735 par Jacques Laumosnier d'après le frontispice de Le Brun.


   Selon le Bulletin du bouquiniste, tome XXVIII, Paris, Aubry, 1870, p. 391 "Ce manuscrit, relié en maroquin rouge, était celui de Colbert, pour qui l'auteur l'a composé". Il était donc déjà relié, quand les De Bure en firent l'acquisition en 1774. Il ne contenait évidemment pas la note qui termine le manuscrit, qui parle de cette vente. Il est probable qu'il ne contenait non plus, les notes en tête de chaque chant, qui me semblent écrites de la même main que la note qui termine le manuscrit ; qui plus est, la première note parle du poète et des artistes comme des personnes du passé.

   On peut penser que les notes, qui figurent dans les éditions de 1813 à 1824, ont été ajoutées au manuscrit relié après la publication de ces éditions. On lit sur la deuxième de couverture du manuscrit, "Collationné. Complet. le 22 juillet 1825. / J.J. de Bure l'aîné.". On y lit aussi "présenté à J.B. Colbert".