Schelte (1697)

Voir la Bibliographie pour quelques informations sur cette édition.


LE THEATRE DE Mr. QUINAULT.

Nouvelle édition augmentée, & enrichie de figures en taille-douce.

TOME PREMIER

[Quaerendo]

A AMSTERDAM,

Chez ANTOINE SCHELTE,

M. DC. XCVII.

 

/F. 3r/ PRÉFACE

     Il n'est pas nécessaire de parler au long des Pieces de Théatre de Mr. Quinault, dont on donne présentement une nouvelle Edition. Tout le monde les connoit déjà, & ce n'est que pour avoir le plaisir de les relire, qu'on les redemande de toutes parts. /f. 3v/ Tout ce que j'ai à dire, regarde cette Edition, dont je puis assurer avec verité qu'elle a été faite avec plus d'exactitude que les précedentes. On y a corrigé bien des fautes qui gâtoient entierement le sens, & souvent la rime, ce qu'on a fait en consultant avec soin les Piéces de Mr. Quinault de l'impression de Paris, lesquelles, sans être exemptes de fautes, ont servi à corriger bien des endroits qu'on ne pouvoit entendre dans l'Edition de Hollande.

     /4r/ On a d'ailleurs enrichi cette Edition d'une Tragedie intitulée Pausanias, qui meritoit bien d'avoir place dans ce Recueuil. Le sujet en est beau, & il a été manié fort heureusement. La tendresse, la dissimulation, & les rafinemens de politique y paroissent avec leurs veritables couleurs ; & si la Catastrophe de cette Piéce a quelque chose de terrible, il est aisé de voir qu'on ne pouvoit attendre autre chose d'une Princesse dissimulée au dernier point, qui ayant ai /f. 4v/ mé tendrement, & ayant eu tout sujet de se croire aimée, se vit enfin reduite à ceder son Amant à son Esclave. J'entrerois avec plaisir dans un examen particulier de toutes les Piéces de Mr. Quinault ; mais ce seroit peine perduë , parce que ces Piéces sont connuës de tout le monde, comme je viens de le remarquer. Il y a quelques particularitez de la vie de Mr. Quinault qu'il sera peut-être plus à propos de rapporter ici. Outre qu'elles seront sans doute nouvelles à bien des /f. 5r/ gens ; elles peuvent servir à faire connaître le caractère de cet Auteur, & l'estime qu'on a fait de ses Poësies Dramatiques.

     Mr. Quinault naquit à Paris. Il a été Auditeur des Comptes & Membre de l'Academie Françoise. Lors qu’il fit ses premieres Pieces, elles étoient le goûtées & si fort applaudies qu’on entendoit les brouhaha à deux ruës de l'Hôtel de Bourgogne. C'est de Mr. Menage, Auteur contemporain, qu’on tient cette particularité. A quoy /f. 5v/ il ajoûte qu’un Marchand qui aimoit la Comedie, conçut tant d'estime pour luy, qu'il l'obligea de prendre un appartement chez luy. Ce Marchand étant mort quelque temps après, Mr. Quinault fit les affaires de la famille, & épousa ensuite la Veuve de son ami, de laquelle il eut plus de quarante mille écus de bien. Voilà des preuves bien parlantes de son merite.

     Que si l'on trouve présentement que ses Comedies ne soient pas assez morales, ce /f. [6r]/ n'est n'est pas à luy qu'il faut s'en prendre ; mais à son siecle. On ne cherchoit alors dans une Comedie qu’une Intrigue amoureuse qui pût fournir naturellement de la matiere à cing Actes complets. L'amour y jouoit toûjours le grand rolle, et on ne s’attendoit pas à autre chose. Tel etoit alors le goût du Public, comme on peut le voir par les Comedies du grand Corneille, qui pour la plupart ne contiennent que des avantures amoureuses, amenées à certain but par des chemins /f. [6v]/ differens. Si l'on juge des Pieces de Mr. Quinault sur ce pié-là, on verra qu'il a fort bien fait ce qu'il vouloit faire, & que ses Comedies sont dignes de toute l'approbation qu'elles remporterent, dès qu'elles furent exposées sur le Théâtre.

     Au reste, on a enrichi cette nouvelle Edition de plusieurs tailles-douces, qu'on a mises au devant de chaque Piéce, pour en représenter le sujet.