Desfontaines

Pierre-François Guyot DESFONTAINES, avec l’aide de plusieurs associés, publia les Observations sur les écrits modernes de 1735 à 1743. Il donne son avis sur de nombreuses publications, d’un point de vue moral et esthétique plutôt qu’historique. Il est connu pour son antipathie envers Voltaire et le « goût moderne », ainsi que pour « son attachement aux règles de la tragédie et de la comédie classiques » (Sgard, Dictionnaire des journaux) . Il ne s’intéresse à Quinault qu’en passant – BoilBoileau eau qui critique Le Tasse et Quinault, les paroles de Dardanus. Il est cité par les auteurs des Grands hommes vengés.

M. Despreaux, dit-on, n'étoit pas un Critique sur ; il n'y a cependant aucune de ses Décisions, que tout homme de bon goût ne soit interessé à défendre ; fut-ce même le jugement qu'il a porté solemnellement sur les Opera de Quinaut ausquels il n'accorda jamais son estime, non plus que Racine & la Fontaine parce qu'il n'y a pas peut-être 500 beaux vers dans tous ses Opera ; encore est-ce toujours la même chose* retournée en cent façons ; sans parler de tout ce qu'il y a de monstrueux ou de ridicule dans la plupart. Si c'est la faute du genre, c'est ce qu'il ne s'agit pas de discuter ici. Revenons à M. Despreaux.

     * Le Dictionnaire des Poëtes d’Opera, n’est composé que d’environ cent mots.

Observations sur les écrits modernes, Tome Troisième (Paris, Chaubert, 1735)

 Lettre XLI (17 décembre 1735), p. 241-264,

p. 249, sur la traduction de la Jérusalem délivrée de Mirabaud (Jacques Barois fils, 1733).

Plusieurs personnes s'imaginent que Dardanus ce n'est point à l'Opéra qu'il faut chercher l'esprit : qu'avec deux cens mots combinés, que ce genre admet, il n'est pas possible de penser & d'écrire comme il faut : qu'enfin le succès d'un Opéra ne dépend aucunement des paroles. Aussi M. Despréaux se mocque-t'il d'un homme,

Qui va voir l'Opéra seulement pour les Vers.

M. de Voltaire ne pense pas ainsi, lors qu'il dit dans une de ses Piéces fugitives :

Il faut se rendre à ce Palais magique

Où les beaux Vers, la danse, la musique,

L'art plus heureux de séduire les cœurs,

De cent plaisirs font un plaisir unique.

Sans vouloir ici examiner l'espéce de mérite que peuvent avoir des paroles d'Opéra, il est certain que les beaux Vers, qui charment le plus à la déclamation, ne pourroient être soufferts sur le Théatre Lyrique ; & que cependant il admet de beaux Vers d'une certaine espéce, dont il y a grand nombre dans les Œuvres de Quinault. Il est certain aussi, que ces sortes de Vers contribuent beaucoup au succès d'une Tragédie en Musique, si d'ailleurs elle est un peu raisonnée; si les divertissemens n'y sont point postiches; (comme il arrive le plus souvent) s'il y a plusieurs scenes touchantes, avec quelques situations; & en général, si la froideur ne regne ni dans le fond du sujet, ni dans la maniere dont il est traité & conduit. Ce qu'il y a de facheux, est qu'un Opéra bien écrit, & doüé de toutes les qualités que je viens de dire, ne laisse pas quelquefois que d'échouer. Dans ce triste cas, il n'en faut pas chercher d'autre cause, que la foiblesse ou la négligence du Musicien. Les paroles les mieux travaillées sont aux sons, dont la musique les revêt & les anime, ce que les qualités du corps sont à celles de l'esprit. Comme on voit des personnes laides & malfaites, mais vives & spirituelles, ne laisser pas de plaire, & d'exciter même des passions, nous voyons aussi des Poëmes mal construits & difformes, être redevables d'un grand succès à une brillante musique, qui fait disparoître tous leurs défauts. Et par la même raison, il y a de fort beaux Poëmes lyriques, que la mauvaise musique rend tout a fait insipides & ennuyeux. C'est une belle taille, un beau teint, de beaux yeux, sans ame, sans feu, sans agrément.

Observations sur les écrits modernes, Tome Vingtième (Paris, Chaubert, 1739)

 Lettre CCLXXXIX (19 décembre 1739 ), p. 73-94 , p. 241-264,

p. 87-88, sur Dardanus de Rameau