Chefs-d'oeuvres de Quinault

Chefs-d’œuvres de Quinault

Paris, Au Bureau de la Petite Bibliothèque des Théâtres, 1783

 

VIE

DE QUINAULT [p. 1-26]

 

PHILIPPE QUINAULT, né en 1635, à Felletin dans la Marche, eut pour pere un particulier peu favorisé de la fortune, et qui, ne pouvant lui donner l’éducation que ses inclinations naissantes paroissoient demander, l’envoya à Paris, dès l’âge de huit ans[1]. Il l’adressa et le recommanda à Tristan, surnommé l’Hermite, qui étoit de la même Province, et avec lequel il avoit quelque liaison. Tristan accueillit le jeune QUINAULT, lui accorda son amitié, et se chargea de l’instruire lui-même. Encouragé par ses progrès, il lui enseigna l’art des vers, et vit bientôt que l’éleve surpasseroit son modele. Mais loin d’en ressentir de l’envie, Tristan n’en considéra que plus QUINAULT : il le vanta et le produisit par-tout, comme un sujet de grande espérance. Celui-ci ne le démentit point, et montra de bonne-heure son talent pour la Poésie dramatique. Avant l’âge de vingt ans, il s’étoit déja fait connoître par plusieurs Pieces qui obtinrent des succès, capables d’exciter son émulation ; et à trente ans, il en avoit donné seize, tant Tragédies que Comédies, toutes en cinq actes et en vers.

  Celles de ses Pieces qui ont resté le plus longtems au Théatre, sont, Agrippa, ou le faux Tibérinus, Tragi-Comédie; Astrate, Roi de Tyr, Tragédie; la Mere Coquette, ou les Amans brouillés, Comédie, & l’Amant indiscret, ou le Maître étourdi, Comédie.

  De toutes ces Pieces, on ne joue plus que la Mere Coquette, qui a été retouchée par M. Collé le plus fécond et le plus gai de nos Chansonniers, & l’Auteur de plusieurs charmantes Comédies ; telles que Dupuis et Desronais, la Partie de Chasse de Henri IV, &c.

  Mais c’est, sur-tout, dans le genre lyrique que QUINAULT a montré un vrai talent, puisqu’il n’a pu avoir de rivaux dans son tems ; c’est-à-dire dans le siecle le plus fertile en grands génies et en grands talens et que, jusqu’à nos jours, il n’a point encore eu d’imitateurs.

  Dans la composition des seize Opéra qu’il a donnés, on ne peut se lasser d’admirer l’extrême facilité avec laquelle il travailloit, le plus souvent d’après les ordres & les sujets que lui prescrivoit Louis XIV, et son excessive docilité à se plier aux idées de Lully, et à refaire, d’après elles, sans que cela parût lui rien coûter. Toutes ces gênes, si capables d’éteindre le génie et de rétrécir le talent, ne laissent appercevoir dans QUINAULT aucune atteinte à la richesse de Poésie, ni à l’harmonieuse molesse de style qui le caractérisent et le feront toujours distinguer parmi les meilleurs et les plus purs Écrivains des deux plus beaux siecles de notre poésie.

  QUINAULT fut reçu à l’Académie Françoise en 1670 ; et chargé, par cette Compagnie, de haranguer le Roi, en 1675 & 1677, au retour de ses campagnes, il fit voir qu’il n’étoit pas moins bon Orateur que bon Poëte. Au moment où il alloit parler au Roi, il apprit la mort de M. de Turenne; et, sans autre préparation, il sut faire entrer, dans son Discours, une digression aussi ingénieuse que touchante sur la perte de ce Héros, et qui excita l’étonnement et l’admiration de toute la Cour.

  A la sollicitation de Tristan, qui connoissoit trop les désagrémens attachés à la carriere de la Poésie, pour souffrir que son éleve s’y dévouât entiérement, QUINAULT avoit mêlé, dans sa jeunesse, l’étude du Droit à celle des Lettres. Tristan l’avoit placé chez un de ses amis, Avocat au Conseil, où, en moins de deux ou trois ans, il s’étoit rendu capable d’en exercer la charge. C’est ce qu’il se trouva à portée de prouver à un Négociant, qui, grand amateur de Comédie, se l’étoit attaché, et lui avoit donné un logement dans sa maison. Vivement inquiété par ses associés, ce Négociant se vit au moment de perdre sa réputation et son état. QUINAULT lui rendit essentiellement service: il régla ses comptes, et sut mettre sa fortune et son crédit hors de toute atteinte. Mais ce Marchand ne survécut pas long-tems au chagrin que lui avoit causé cette affaire: il laissa bientôt une riche veuve qui, par reconnoissance pour QUINAULT, l’épousa et lui apporta plus de 100,000 livres en mariage[2] ; ce qui donna à notre Poëte le desir et les moyens de se pourvoir d’une Charge d’Auditeur en la Chambre des Comptes.

  Sur ce que cette Compagnie faisoit quelques difficultés de l’admettre au nombre de ses Membres, parce qu’il avoit travaillé pour le Théatre, un plaisant du tems fit ces vers :

QUINAULT, le plus grand des Auteurs.

Dans votre Corps, Messieurs, a dessein de paroître :

Puisqu’il a tant fait d’Auditeurs,

Pourquoi l’empêchez-vous de l’être ?

Mais l’opposition ne dura pas, et QUINAULT fut admis ; ce qui fit faire au même anonyme les vers suivans :

Parmi les Présidens et Maîtres de la Chambre,

QUINAULT, Poëte et grand Auteur,

De cet illustre Corps ne fait qu’un petit Membre,

Comme Conseiller Auditeur ;

Mais, par un beau retour, quand on le voit paroître,

Au milieu de ses Spectateurs,

Il n’est point, aujourd’hui, de Président ni Maître

Qui ne deviennent Auditeurs.

  Pour ajouter à la gloire et à la fortune de QUINAULT, le Roi lui accorda le cordon de l’Ordre de Saint-Michel, et une pension de 2000 livres et Lully s’engagea à lui payer quatre mille francs chacun des Opéra qu’il lui donneroit à mettre en musique.

Malgré cette fortune, considérable pour le tems et pour celui qui la possédoit, QUINAULT se voyant cinq filles à marier, se plaignit de la nécessité et de l’embarras de les doter. Ses plaintes, que l’on a regardées, sans doute avec raison comme des plaisanteries, sont consignées dans une jolie petite Piece de vers, qui a pour titre, l’Opéra difficile ; mais ces vers comme ceux que nous venons de rapporter plus haut, prouvent que les pointes et les jeux de mots si communs aujourd’hui, sous le nom de calembourgs, n’étoient guere moins à la mode du tems de QUINAULT, puisque son mérite réel et le bon goût qu’il a montré, dans presque tous ses Ouvrages, ne purent le garantir entiérement de la contagion. Voici ces vers :

Ce n’est pas l’Opéra que je fais pour le Roi

Qui m’empêche d’être tranquile :

Tout ce qu’on fait pour lui paroît toujours facile.

La grande peine où je me voi,

C’est d’avoir cinq filles chez moi,

Dont la moins âgée est nubile.

Je dois les établir, et voudrois le pouvoir :

Mais à suivre Apollon, on ne s’enrichit guere :

C’est, avec peu de bien, un terrible devoir

De se sentir pressé d’être cinq fois beau-pere.

Quoi ! cinq actes devant Notaire,

Pour cinq filles qu’il faut pourvoir!

O Ciel! peut-on jamais avoir

Opéra plus fâcheux à faire ?

Mais il en fut quitte, à-peu-près, pour ces vers, et pour sa prétendue peur ; car, de ses cinq filles, trois se firent Religieuses, et deux, seulement, se marierent.

  QUINAULT étoit un homme aimable, d’une société douce, d’une conversation agréable, d’une politesse attentive et prévenante. Il sut plaire aux Grands, à ses égaux et à ses inférieurs ; également éloigné des défauts qui choquent à la Cour, et de ceux qui déplaisent dans le monde. Quiconque ne le connoîtroit que par ce qu’en ont dit Boileau, Baillet et Furetiere, en porteroit, assurément, un jugement bien faux et bien peu équitable.

  On a prétendu qu’il étoit fort ignorant ; et, pour appuyer cette opinion, on rapporte qu’un jour que l’on venoit de jouer une de ses Pieces, qui n’avoit pas réussi, il vouloit en expliquer le sujet à un homme de la Cour, et lui disoit, que la scene étant en Capadoce, il falloit se transporter dans ce pays-là, et entrer dans le génie de la Nation, pour bien juger sa Piece; que le Courtisan lui répondit : « Vous avez raison, et je crois qu’elle seroit bonne à jouer sur les lieux ». Qu’un autre jour, qu’on lui demandoit s’il avoit lu Natalis Comès, sur la Mythologie ? Il répondit que non ; mais qu’il avoit lu Noël le Comte.

  Ces deux traits ressemblent trop à deux plaisanteries fabriquées à loisir, pour que l’on puisse raisonnablement ajouter foi.

  QUINAULT, sur la fin de sa vie, regretta d’avoir donné son tems à faire des Opéra, et résolut de ne plus travailler que pour la gloire de Dieu et celle du Roi. Il entreprit un Poëme sur l’extinction de la Religion prétendue réformée, en France, et dont voici les premiers vers :

Je n’ai que trop chanté les jeux et les amours;

Sur un ton plus sublime, il me faut faire entendre :

Je vous dis adieu, Muse tendre,

Et vous dis adieu pour toujours, &c.

Il ordonna, par son testament, qu’après sa mort on ne publiât point ses manuscrits, et il composa, pour lui-même, cette Épitaphe, si simple et si peu fastueuse, qu’elle seule pourroit suffire à le caractériser.

Passant ! arrête, ici, pour prier un moment ;

C’est ce que des vivans les morts peuvent attendre :

Quand tu feras au monument

On aura soin de te le rendre.

  QUINAULT jouit, quelque tems, de l’aisance et de la réputation qu’il méritoit et qu’il avoit obtenues; et il mourut dans de grands sentimens de Religion, le 29 Novembre 1688, âgé de cinquante-trois ans. Il fut enterré à Saint-Louis, sa Paroisse, et unanimement regretté de tous ceux qui le connoissoient.

NOTES

[1] C’est, sans doute, ce très-jeune âge où Quinault vint à Paris, qui a fait croire à plusieurs des Auteurs qui ont parlé de lui, qu’il étoit né dans cette Capitale ; mais nous croyons devoir nous en rapporter, sur le lieu de sa naissance, à une seconde vie de lui, par Boscheron*, et qui se trouve, manuscrite, dans la Bibliotheque de feu M. le Duc de la Valliere. Voyez premiere partie, tome troisieme, du Catalogue des Livres rares et des manuscrits de cette Bibliotheque.

   * Boscheron est l’Auteur de la premiere Vie de Quinault, imprimée à la tête des Œuvres de ce Poëte.


     [2] La seconde Vie de Quinault, par Boscheron, manuscrite, citée plus haut, nous donne le nom de cette femme. Il l’appelle Marie-Magdelaine-Genevieve Riviere, fille d’un Contrôleur des rentes de l’Hôtel-de-Ville, et veuve de M. Coutot, Secrétaire du Roi, qui, apparemment, avoit acquis cette Charge en quittant le commerce, après que Quinault eut remis de l’ordre dans ses affaires.


 

 

CATALOGUE

DES PIECES

DE QUINAULT

* LES Rivales, Comédie en cinq actes, en vers, jouée sur le Théatre de l’Hôtel de Bourgogne en 1653; imprimée à Paris en 1661, in-12, chez Guil. de Luynes.

  Les deux Pucelles et la Sœur généreuse de Rotrou, sont les principales sources dans lesquelles Quinault a puisé pour la composition de sa Comédie des Rivales ; il y a même copié beaucoup de choses. Quoique médiocrement écrite, elle eut un si brillant succès, que l’Auteur se détermina à suivre la carriere du Théatre.

  On prétend que, c’est cette Piece qui a donné lieu à l’usage par lequel les Auteurs ont part aux représentations de leurs Ouvrages, dans la nouveauté. Les Comédiens, depuis leur établissement à Paris, achetoient ordinairement les Pieces de Théatre qu’on leur présentoit, et ils les payoient à proportion de la réputation de leurs Auteurs.

  Tristan, pour rendre service à Quinault, son éleve se chargea de lire aux Comédiens la Piece des Rivales : elle fut acceptée avec de grands éloges de la part des Acteurs, qui convinrent d’en donner cent écus. Quelques jours après, Tristan ayant avoué que la Piece n’étoit pas de lui, mais d’un jeune homme nommé Quinault, les Comédiens se rétracterent, et n’en voulurent plus donner que cinquante écus. Tristan ne put se résoudre à la donner pour un prix si médiocre ; mais pour concilier les intérêts communs, il s’avisa de proposer aux Comédiens d’accorder à l’Auteur le neuvieme de la recette de chaque représentation, pendant le tems que cette Piece seroit représentée dans sa nouveauté et qu’ensuite elle leur appartiendroit. Le marché fut accepté, et parut judicieux aux Acteurs. Depuis cette époque, l’usage d’accorder à l’Auteur d’une Piece le neuvieme de la recette, s’est toujours conservé. Lorsque les Pieces en un acte, et celles en trois se sont, dans la suite, introduites au Théatre, les Auteurs convinrent, avec les Comédiens, d’un dix-huitieme pour les premieres, & d’un douzieme pour les secondes.

 

  La Généreuse ingratitude, Tragi-Comédie-Pastorale, en cinq actes et en vers, dédiée à Monseigneur le Prince de Conti, avec une ode au même ; représentée sur le Théatre de l’Hôtel de Bourgogne, en 1654 ; imprimée à Paris en 1657, in-12, chez Toussaint Quinet.

  Cette Comédie offre quelques scenes amusantes, mais beaucoup trop de complication, peu de vraisemblance, et trop de précipitation dans le dénouement. Malgré ces défauts, elle réussit au point, que les amis de Quinault parurent étonnés de ce succès. Effrayés par la cabale qui s’élevoit contre ce jeune Poëte, et craignant qu’il n’y succombât, ils jugerent à propos de lui conseiller de ne pas faire, comme il l’avoit résolu, son unique état de la Poésie. Ils l’engagerent à se mettre chez un Avocat au Conseil, où, comme on le dit dans sa vie, il se rendit capable, en moins de deux ou trois ans, d’en exercer la charge. Mais n’ayant pu résister à son goût pour les Lettres, il s’y livra, de nouveau, redoubla d’efforts, et força ses ennemis à admirer ses Ouvrages, au lieu de les décrier.

 

   * L’Amant indiscret, ou le Maître étourdi, Comédie en cinq actes et en vers, jouée sur le Théatre de l’Hôtel de Bourgogne en 1654, dédiée à Mgr. le Duc de la Valette; imprimée à Paris en 1664, in-12, chez Guil. de Luynes.

 

   *La Comédie sans Comédie, en cinq actes et en vers, représentée sur le Théatre du Marais, en 1645, dédiée à M. le Marquis de la Meilleraye, grand-maître de l’Artillerie ; imprimée à Paris en 1657, in-12, chez Guil. de Luynes.

  Cette Piece fut généralement applaudie. Les ennemis même de l’Auteur se virent contraints d’avouer que les différens genres de spectacle dont elle est composée, étoient une marque de la fertilité de son génie,

  Le premier acte est une espece de Prologue pour amener les suivans.

  Le deuxieme est une Pastorale intitulée, Clodomir.

  Le troisieme, une Comédie intitulée, le Docteur de Verre.

  Le quatrieme, une Tragédie intitulée, Clorinde.

  Le cinquieme, une Comédie à machines, intitulée, Armide et Renaud.

  Ce cinquieme acte a depuis fourni à Quinault la matiere de son Armide : on y trouve la plupart des situations de ce bel Opéra.

 

  * Les coups de l’Amour et de la Fortune Tragi-Comédie, en cinq actes et en vers, représentée à l’Hôtel de Bourgogne en 1656, dédiée à Mgr. le Duc de Guise; imprimée à Paris en 1660, in-12, chez Guil, de Luynes.

  Il y a trois Pieces de Théatre sous ce titre, et dont l’intrigue, le fonds, le dénouement sont les mêmes; et de plus, les noms des Acteurs (sur-tout des principaux). La premiere est de Boisrobert, donnée sur le Théatre du Marais, en 1656 ; la seconde de Quinault ; la troisieme de Heudeline, imprimée à Rouen, sans date cette derniere est la même que celle de Quinault. Heudeline y a ajouté un nouveau Prologue et un Épilogue, qu’il a mis en musique.

  Selon quelques-uns, le sujet de cette Piece est pris d’une Comédie Espagnole intitulée, El credito matto ; et selon La Monnoye, d’une Piece de Dom Antoine de Solis, et qui a pour titre, le triomphe d’Amour et de Fortune. La concurrence qui s’établit, alors, entre Boisrobert et Quinault, ne fut pas avantageuse au premier, dont la poésie pitoyable donnoit un air de beauté à la Piece de Quinault. Boisrobert parut si sensible à la préférence que l’on accordoit à son rival, qu’il ne fut pas assez juste pour reconnoître son infériorité. Voici comme il parle de l’une et de l’autre. « J’ai cette satisfaction d’apprendre, de tous côtés, que ceux qui passent, sans contredit dans le monde, pour être les esprits les plus éclairés du siecle, après avoir vu les représentations des deux Pieces, sur différens Théatres, n’ont pu même demeurer d’accord que l’on m’eût ôté da grace de la nouveauté, tant ils ont trouvé que l’on m’avoit imité de mauvaise grace ». Scaron dit, dans l’édition de ses Œuvres de 1656, que c’est à tort qu’on attribua les coups de l’Amour et de la Fortune à Quinault ; que le sujet a été fait par Mademoiselle du Château ; que les quatre premiers actes ont été mis en vers par Tristan, et que lui, Scaron, a fait le dernier acte, à la priere des Comédiens, parce que Tristan se mouroit.

  Cette anecdote est sans fondement. Quinault étoit déja connu par d’autres Pieces de Théatre, et l’on trouve dans celle-ci la même tournure de versification que dans les précédentes. Il se peut que Tristan y ait travaillé ; mais il n’en est pas moins vrai que Quinault en est l’Auteur. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire l’Épître dédicatoire : on verra comme il en parle à M. le Duc de Guise.

 

  La mort de Cyrus, Tragédie, dédiée à Madame la sur-Intendante, représentée en 1656; imprimée à Paris en 1659, in-12, chez Guil. de Luynes.

  La Reine Thomiris, dans la cinquieme scene du premier acte de cette Tragédie, commence son rôle par ces deux vers:

Que l’on cherche par-tout mes tablettes perdues,

Et que, sans les ouvrir, elles me soient rendues.

  Il est à présumer que ces tablettes étoient autant en usage chez les Reines Persannes, que les chapeaux, dont les mains de nos Acteurs ont été si souvent embarrassées, l’étoient chez les Héros de la Grece et de Rome. Boileau, dans son ingénieux Dialogue des morts, a finement critiqué cet endroit ridicule, et quelques autres de la même Piece. Il semble que sans ces tablettes, dit un Écrivain de nos jours, l’Auteur n’auroit pu lier l’intrigue de sa Tragédie, qui finit par la mort de Thomiris et de Cyrus.

 

  Le Mariage de Cambise, Comédie en cinq actes et en vers donnée sur le Théatre de l’Hôtel de Bourgogne en 1657, dédiée à S. A. R. M. le Duc d’Anjou, frere unique du Roi ; imprimée à Paris en 1659, in-12, chez Augustin Courbé.

  On trouve de l’intelligence dans la conduite de cette Piece ; tout s’y développe assez naturellement. L’échange de deux Princesses, crues d’abord deux sœurs, y jette du trouble et de l’intérêt : c’est dommage que le style en soit un peu foible, et les Héros un peu trop doucereux ; elle a eu du succès dans le tems. A l’exception des noms des principaux Acteurs de cette Tragi-Comédie, tout est de l’invention de l’Auteur.

 

   * Amalazonte, Tragédie, représentée au commencement de Novembre 1657, sur le Théatre de l’Hôtel de Bourgogne ; imprimée à Paris l’année suivante, in-12, chez Guil. de Luynes.

  Cette Tragédie n’a eu que sept représentations : quoique froidement écrite, elle annonçoit l’homme de génie.

 

  Le feint Alcibiade, Tragi-Comédie, dédiée à M. Fouquet, sur-Intendant des Finances donnée sur le Théatre de l’Hôtel de Bourgogne, au mois de Février 1658 ; imprimée la même année à Paris, in-12, chez Augustin Courbé.

  Le sujet de cette Piece est tiré de l’Histoire Athénienne : elle est aussi foible de style que chargée d’événemens romanesques. Campistron a aussi traité le même sujet. La Reine Christine de Suede assista à une représentation de cette Piece.

 

   * Le Fantôme amoureux, Tragi-Comédie, en cinq actes et en vers, représentée sur le Théatre de l’Hôtel de Bourgogne en 1659; dédiée à M. le Comte de Saint-Aignan, avec une estampe et un avis du Libraire au Lecteur; imprimée à Paris en 1659, in-12, chez Claude Barbin,:

  Cette Piece est tirée de l’Espagnol : le style en est médiocre, et dénué d’intérêt elle ne fut jouée que sept fois. C’est dans cette Comédie qu’on voit paroître, au second acte, le cadavre d’un homme massacré.

 

   * Stratonice, Tragi-Comédie, dédiée à M. Jeannin de Castille, Trésorier de l’Épargne, représentée sur le Théatre de l’Hôtel de Bourgogne, en Janvier 1660; imprimée à Paris la même année, in-12, chez Guil. de Luynes.

  La Stratonice est une des plus foibles Pieces de Quinault. Le sujet est tiré de l’Histoire; c’est un de ceux que les Auteurs Dramatiques ont le plus traité : il a fourni à la Tessonniere le troisieme acte du Triomphe des cinq Passions ; à de Brosse sa Stratonice, imprimée en 1644 ; à de Fayot, la nouvelle Stratonice, donnée en 1657 ; à Thomas Corneille, pour son Antiochus ; à Danchet, la quatrieme entrée du Ballet des Muses ; à la Grange-Chancel, les jeux Olympiques ; à Cahusac, le second acte des Fêtes de Polymnie ; à M. Peyraud de Beaussol, une Tragédie de Stratonice, imprimée à La Haye en 1756, in-8°. Il a aussi fourni le Médecin de l’Amour, joué à l’Opéra Comique, et remis, derniérement, au Théatre Italien, par M. Anseaume, Répétiteur de ce Théatre, et Auteur de plusieurs Pieces qu’on y revoit tous les jours avec beaucoup de plaisir.

 

Les Amours de Lysis et d’Hespérie, Pastorale allégorique, représentée sur le Théatre de l’Hôtel de Bourgogne, le Vendredi 26 Novembre 1660,

  Cette Pastorale fut faite sur la négociation de la paix des Pyrénées, et le mariage de Louis XIV avec l’Infante d’Espagne, Marie Thérese. Quinault la composa, de concert avec M. de Lyonne, sur les mémoires que fournit le Cardinal Mazarin : elle fut représentée au Louvre, le 9 Décembre 1660, et jamais ailleurs. L’original, apostillé de la main de M. de Lyonne, étoit dans la Bibliotheque de M. de Colbert ; mais il ne s’y est pas trouvé lorsque le Roi a acheté les Livres de ce Ministre. Voyez ce qu’en dit Loret dans sa Muse historique, du 27 Novembre 1660.

 

   * Agrippa, Roi d’Albe, ou le faux Tibérinus, Tragédie, représentée en 1661, sur le Théatre de l’Hôtel de Bourgogne ; imprimée la même année à Paris, in-12.

 

   * Astrate, Roi de Tyr, Tragédie, représentée sur le Théatre de l’Hôtel de Bourgogne, en 1663, ou au mois de Décembre 1664, selon quelques Auteurs ; imprimée à Paris dans la même année, in-12.

 

   * La Mere Coquette, ou les Amans brouillés, Comédie en cinq actes et en vers, représentée le 15 Octobre 1665, à l’Hôtel de Bourgogne; imprimée la même année à Paris, in-12.

 

   * Pausanias, Tragédie, représentée sur le Théatre de l’Hôtel de Bourgogne, le Vendredi 16 Novembre 1668 ; imprimée à Paris en 1697, in-12.

  Cette Piece peut être mise au rang des plus foibles de cet Auteur elle ne fut jouée que deux fois. Le ton doucereux que Quinault a donné à Pausanias, est insupportable. Ce fameux Capitaine Grec ne s’occupe que de l’amour qu’il ressent pour une jeune Captive qui est tombée en son partage, et il se laisse déposséder de sa place de Général des Grecs, sans donner aucune marque de courage. Aristide, autre Personnage de cette Piece, ne joue pas un rôle moins ridicule, et qui ne paroît pas moins déplacé.

 

  Bellerophon, Tragédie, représentée en 1670, à l’Hôtel de Bourgogne; dédiée à Madame de Chevreuse imprimée à Paris la même année, in-12, chez Guil. de Luynes.

  Cette Piece eut le plus grand succès ; et c’est la derniere que Quinault ait composée pour le Théatre François.

 

  Quinault s’étant marié peu après que sa Tragédie de Pausanias eût paru, la veuve qu’il épousa lui témoigna, malgré les grandes obligations qu’elle lui avoit, que ce n’étoit qu’avec beaucoup de répugnance qu’elle s’étoit donnée à un Poëte, et elle exigea, de lui, qu’il ne composât plus de Pieces de Théatre. Pour le détourner même de tout travail poétique, elle lui fit acheter la Charge d’Auditeur des Comptes, dont nous avons parlé dans sa Vie : de sorte que, ne voulant pas déplaire à sa femme, il fut plusieurs années sans rien donner au Public. Ne voyant plus paroître de ses Ouvrages, on crut que l’acquisition de sa Charge l’empêchoit totalement de travailler pour le Théatre. Mais l’établissement de l’Opéra offrit bientôt à ce Poëte une nouvelle carriere à suivre ; et il se livra à la composition des Poëmes lyriques avec d’autant plus de plaisir et de zele, qu’il crut que dès qu’il s’agissoit de contribuer aux divertissemens du Roi, il étoit dispensé de tenir l’engagement que lui avoit fait prendre sa femme de renoncer à la poésie ; et il composa, dans l’espace de quatorze ans, les Opéra dont voici le Catalogue, avec la date de leurs premieres représentations.

 

   * Les Fêtes de l’Amour et de Bacchus, Pastorale, en trois actes, avec un Prologue, mise en musique par Lully et Desbrosses, pour le Roi ; représentée le 15 Novembre 1672, sur le Théatre du jeu de Paume de Bel air, rue de Vaugirard imprimée la même année à Paris, chez François Muguet, in-4°., avec la partition in-fol.

 

   * Cadmus et Hermione, Tragédie en cinq actes, avec un Prologue, et mise en musique par Lully ; représentée par l’Académie Royale de Musique, sur le Théatre du Palais Royal, le 17 Avril 1673 ; imprimée à Paris la même année, chez Ch. Ballard, avec la partition in-fol.

 

   * Alceste, ou le Triomphe d’Alcide, Tragédie en cinq actes avec un Prologue, mise en musique par Lully, et représentée le 2 Janvier 1674, sur le Théatre du Palais Royal ; imprimée la même année à Paris, chez René Baudry la partition gravée in-fol, et imprimée

in-4°.

 

   * Thésée, Tragédie en cinq actes, avec un Prologue, mise en musique par Lully ; représentée devant le Roi, à Saint-Germain-en-Laye, le 11 Janvier 1675 : imprimée la même année à Paris, in-4°., chez Christophe Ballard. La partition imprimée et gravée, in-fol., est très

rare.

 

   * Atys, Tragédie en cinq actes, avec un Prologue, mise en musique par Lully ; représentée devant le Roi, à Saint-Germain-en-Laye, le 10 Janvier 1676, et le 7 Janvier 1682 : imprimée à Paris les mêmes années, in-4°., chez Christophe Ballard : la partition imprimée et gravée, in-fol., est fort rare.

 

   * Isis, Tragédie en cinq actes, avec un Prologue, mise en musique par Lully ; représentée devant le Roi, à Saint-Germain-en-Laye, le 5 Janvier 1677 : imprimée à Paris la même année, in-4°., chez Christophe Ballard : imprimée en musique, en dix parties séparées, in-4°., et en partition générale, in-fol.

 

   * Proserpine, Tragédie en cinq actes, avec un Prologue, mise en musique par Lully ; représentée à Saint-Germain-en-Laye, le 3 Février 1680, par l’Académie Royale et la musique du Roi : imprimée à Paris la même année, in-4°., chez Christophe Ballard : imprimée en musique de diverses façons ; la partition, in-fol., est très-rare,

 

   * Le Triomphe de l’Amour, Ballet à vingt entrées, mis en musique par Lully ; dansé devant le Roi à Saint-Germain-en-Laye, le 21 de Janvier 1681 : imprimé la même année, in-4°., chez Christophe Ballard : imprimé en musique la partition, in-fol.

  Les vers, pour les personnes de la Cour qui danserent dans ce Ballet, sont de Benserade.

 

   * Persée, Tragédie en cinq actes, avec un Prologue, mise en musique par Lully ; représentée par l’Académie Royale, à Paris, le 17 Avril 1682 : imprimée à Paris la même année, in-4°., chez Christophe Ballard gravée en musique; partition, in-fol., très-rare.

 

   * Phaeton, Tragédie en cinq actes, avec un Prologue, mise en musique par Lully ; représentée à Versailles par l’Académie Royale, devant le Roi, le 6 Janvier 1683 : imprimée la même année à Paris, in-4°., chez Christophe Ballard gravée en musique ; la partition, in-fol., très-rare.

 

   * Amadis de Gaule, Tragédie en cinq actes avec un Prologue, mise en musique par Lully ; représentée à Paris, par l’Académie Royale, le 15 Janvier 1684 : imprimée la même année, in-4°., chez Christophe Ballard : gravée en musique; partition, in-fol., très-rare.

 

   * Roland, Tragédie en cinq actes avec un Prologue, mise en musique par Lully ; représentée à Versailles, par l’Académie Royale, devant le Roi, le 8 Janvier 1685 : imprimée la même année à Paris, in-4°., chez Christophe Ballard gravée en musique; la partition, in-fol., très-rare.

 

   * Le Temple de la Paix, Ballet de six entrées, dansé devant le Roi à Fontainebleau, le 15 Octobre 1685, mis en musique par Lully ; imprimé la même année à Paris, in-4°., chez Christophe Ballard : la partition a été gravée.

 

   * Armide, Tragédie en cinq actes, avec un Prologue, mise en musique par Lully ; représentée par l’Académie Royale, le 10 Février 1686: imprimée à Paris la même année, in-4°., chez Christophe Ballard : gravée en musique ; la partition est très-rare.

 

  Quinault a fait aussi une petite Comédie intitulée : Les Madrigaux ; mais elle n’a jamais été imprimée.