Collège de Pataphysique

Quinault fut élu Satrape, à titre posthume, dans le Collège de Pataphysique le 14 avril 1957. L'année suivante, le Collège publia un extrait de Phaéton, précédé d'un éloge du librettiste (p. 5-8).

L'extrait commence par les six derniers vers de la scène 4 de l'acte I et continue jusqu'à la fin de l'acte. Ce sont les scènes avec Protée.

L'achevé d'imprimer est daté du "« 13 AS LXXXV de l’Ere Pataphysique en la Fête Suprême de la Moustaches du Docteur Faustroll, » c'est-à-dire, du 15 novembre 1958.

PRÉVENTION

           Si, comme l’a exposé le 8me Provéditeur Général Roger Shattuck,* le théâtre mirlitonesque est la pataphysique même en toutes ses acceptions (et d’ailleurs, par là, l’essence du théâtre, solution et dissolution d’imaginaires solutions), le Livret d’Opéra doit tenter le Pataphysicien comme il a tenté Jarry. Réciproquement, le plus grand de tous les facteurs de livrets, Philippe Quinault (1635-1688) mérite éminemment le titre de Pataphysicien & la dignité de SATRAPE A TITRE POSTHUME qui lui a été conférée sur notre demande, à l’occasion du Cinquantenaire de la mort de Jarry.

           Pataphysicien conscient ? demandera-t-on. Qui sondera ces abimes ? Si l’on étudie ATYS, l’œuvre théâtrale de toutes préférée du Roi Louis XIV, on s’aperçoit qu’il n’est pas d’ouvrage de l’esprit où la Divinité (païenne, dira-t-on) soit présentée sous un aspect plus démentiel, ni plus violemment vilipendée : tout le théâtre de Voltaire semble conformiste auprès d’Atys… Quinault s’amusait-il ?... Au XVIIe siècle, notons-le, tous connaissaient la légende d’Atys, cet éphèbe chéri d’une Déesse et qui, perdant l’esprit, s’ôte par un geste sanglant tout money de la satisfaire… Quinault n’a point reculé devant la difficulté & a traduit la résection en « style noble » pour la scène classique. Atys chante sur les mélodiques effrois de J. B. Lulli :

& tout à coup une infernale ardeur

Vient enflammer mon sang & dévorer […] mon cœur !

           Tel était donc le « grand » siècle …. Séduisant, comblé, mais aimable & se jouant, le Trt S. Quinault représente au siècle de l’Ordre et du Naturel, la fantaisie effilochée et le merveilleux aberrant. Les spectacles qu’il monte, par leurs splendeurs, leurs péripéties miraculeuses, leur in-ouciance aussi, -- & cette tranquille audace de mettre sous les yeux des spectateurs ce que la tragédie ou même la comédie contemporaines leur dérobaient & localisaient prudemment en la coulisse, -- ces spectacles nous expliques (pataphysiquement certes) Versailles ou Boileau : Quinault par ses opulences imaginatives suffisait à la ration normale d’aberrance qui est exigée en tout homme. Quinault est par là, -- « historiquement », comme dirait notre éminent ami N. N. Kamenev, -- le poète le plus important du XVIIe siècle classique, puisqu’il supporte ce siècle tout entier en même temps qu’il le contre.

           Ajoutons, ce qui ne gâte rien qu’il le fait sans prétention, en use langue « poétique », sans doute très pure, mais d’une belle simplicité parfois classiquement un peu morne, parfois confinant à certaine désinvolture. Et ici se repose (!) le problème de la ‘Pataphysique consciente : cette désinvolture qui se retrouve jusqu’en les structures de l’œuvre, fait songer à telles constructions de son quasi-homonyme et Collègue en Satrapie, le Trt Queneau, notamment la très admirée fin du Chiendent.

           Quinault a donc donné un très grand exemple. En plein XVIIe siècle, il a fait triompher la pure Pataphysique & il s’est élevé à la plus haute situation littéraire, égale, insistons-y, à celle d’un Racine ou d’un Molière, bien supérieure à celle d’un Pascal ou d’un La Bruyère, sanctionnée au siècle suivant par l’autorité de Voltaire lui-même, -- uniquement grâce aux prestiges éthernels [sic] de cette Science. N’est-ce pas là aussi une très grande science & qui lui fait grand honneur ?

O. VOTKA

Modératuer Amovible

Du Corps des Satrapes

 * Préface de l'édition enfin intégrale de l'Objet aimé de Jarry (Arcanes éd.)