Proposées par Madame de Bregy, avec la Response faite en Vers par M. Quinault, par l’ordre du Roy. I. QUESTION Mais pour un bel objet, quand l’amour est extréme, Quels que soient ses regards, ils sont toûjours charmans, Et si l’on s’en rapporte à tous les vrais amans, C’est un plaisir si doux de voir ce que l’on aime, Qu’il doit faire oublier le plus cruels tourmens. Lorsqu’en aimant un cœur prend un party, Où la raison s’oppose : Souvent cette cruelle est cause Qu’on se repend de s’estre assujetty Aux douces loix qu’un tendre amour impose ; Mais enfin quoy qu’on se propose, On se repent toujours de s’estre repenty. Que pour toucher son cœur nostre tendresse est vaine, Et qu’on voit que rien ne l’émeut : Pour se venger de l’inhumaine, Doutez-vous si l’on doit aller jusqu’à la haine : Ha sans dépit on le doit, & le destin le veut2 ; Mais je ne sçay si l’on le peut. Mais c’est un moindre mal de se voir amoureux D’une Beauté pour tous inexorable, Que d’un objet qui brûle d’autres feux ; La gloire est grande à vaincre une insensible aimable ; Et du moins en l’aimant si l’on est miserable, On n’a point de Rival heureux. Ce qu’on a de merite a beau paroître au jour, Le merite suffit pour contenter la gloire ; Mais il ne suffit pas pour contenter l’amour. Sur le mesme Sujet. Pour bannir les erreurs de l’amoureux empire Il ne faut pas choisir ceux qui sçavent rimer, Mais il faut consulter ceux qui sçavent aimer. | SOURCES
A. Les Lettres et poésies de Madame la Comtesse de B., Leyde, Antoine du Val, 1666, p. 102-105
B. Les Oeuvres galantes de Madame la comtesse de B., Paris, Ribou, 1667, p. 101-104 C. Recueil de pièces galantes, en prose et en vers, de Madame la comtesse de La Suze [...], Paris, G. Quinet, 1680, t. IV, p. 130-133 D. Recueil de pièces galantes, en prose et en vers, de Madame la comtesse de La Suze et de Monsieur Pelisson [...], Paris, G. Quinet, 1684, t. IV, p. 130-133 E. Recueil de pièces galantes, en prose et en vers, de Madame la comtesse de La Suze et de Monsieur Pelisson [...], Paris, Cavelier, 1691, t. IV, p. 130-133 F. Recueil de pièces galantes, en prose et en vers, de Madame la comtesse de La Suze et de Monsieur Pelisson [...], Lyon, Antoine Boudet, 1695, t. IV, p. 130-133 G. Portefeuilles Vallant, Paris Bibliothèque Nationale, manuscrits français 17.056, f. 197
H. Manuscrits Conrart, Paris Bibliothèque de l'Arsenal, ms. 5420, p. 501-502
ATTRIBUTION Le titre de toutes les sources attribue les réponses à "M. Quinault".
La source G attribue la dernière strophe, "Au Roy sur le même sujet" à Mlle de Scudéry.
VARIANTES Les sources G et H présentent une variante importante pour le vers 6 de la réponse III (voir la note 2) : "Ah sans doute on le doit et le dépit le veut" (G) ou "Ha ! sans doute, on le doit, & le dépit le veut ;" (H).
La source G présente une variante intéressante pour le dernier vers de la réponse 5 : "Mais il ne suffit pas pour consoler l’amour".
La source A présente une variante, au vers 2 de la strophe Au Roy : "Pour bannir les erreurs & l'amoureux empire". Les exemplaires du Recueil de pièces galantes que j'ai pu consulter (sources C, D, E et F), contiennent une erreur : Question I : "[..] ne donne de peine". NOTES 1. Je donne ici le texte des Lettres et poésies de Mme de Brégy (1666, source A). 2. Ce vers faux (réponse III, v. 6) se trouve dans toutes les éditions imprimées que j'ai pu consulter. Pour le "corriger", il suffirait de supprimer le "Ha" au début, mais la lecture des sources G et H est peut-être doute préférable : "ah sans doute on le doit et le dépit le veut".
Il y eut plusieurs éditions du Recueil de pièces galantes [...] Suze [...] Pelisson, à partir de 1664 ; les "Questions d’amour" ne se trouvent pas dans celles de 1664, de 1668 ni de 1674-1675. Selon M. Maître, Les Précieuses, p. 153-154, Mme de Brégy proposa ces questions devant Louis XIV et Quinault. Elles coururent les ruelles, et le roi demanda à Quinault d'y répondre. |