C'est le texte du livret préparé pour les représentations de janvier 1671 au palais des Tuileries (Ballard, 1671). Je ne donne ici que les paroles écrites par Quinault, sans les didascalies complètes. On peut en consulter une transcription sur le site Molière 21.
Le texte de ce livret ressemble de très près à celui de la première édition de la pièce, après les représentations de juillet 1671 au Palais-Royal, sauf que le livret présente une version assez différente, et plus longue, du dernier intermède. En outre, le livret ne donne pas les paroles du second intermède. Je donne le texte de la première édition de la pièce de Molière (Le Monnier, 1671) sur une autre page. RECIT DE FLORE Ce n'est plus le temps de la guerre ; Le plus puissant des Rois Interrompt ses Explois Pour donner la Paix à la Terre : Descendez, Mere des Amours, Venez nous donner de beaux jours. CHŒUR des Divinitez, de la Terre & des Eaux Nous goustons une Paix profonde ; Les plus doux Jeux sont icy bas ; On doit ce repos plein d'appas Du plus grand ROY du Monde : Descendez, Mere des Amours, Venez nous donner de beaux jours. DIALOGUE DE VERTUMNE & DE PALAEMON VERTUMNE Rendez-vous, Beautez cruelles, Soûpirez à vostre tour. PALÆMON Voicy la Reyne des Belles Qui vient inspirer l'amour. VERTUMNE Un bel Objet toûjours severe Ne se fait jamais bien aimer, PALÆMON C'est la beauté qui commence de plaire, Mais la douceur acheve de charmer. Ils repetent ensemble ces derniers vers. C'est la beauté qui commence de plaire, Mais la douceur acheve de charmer. VERTUMNE Souffrons tous qu'Amour nous blesse ; Languissons, puis qu'il le faut. PALÆMON Que sert un cœur sans tendresse ; Est-il un plus grand defaut ? VERTUMNE Un bel objet, &c. MENUET DE FLORE Est-on sage Dans le bel âge, Est-on sage De n'aimer pas ? Que sans cesse L'on se presse De gouster les plaisirs icy bas ; La sagesse De la Jeunesse, C'est de savoir joüir de ses appas. L'Amour charme Ceux qu'il desarme, L'Amour charme, Cedons-lui tous : Nostre peine Seroit vaine De vouloir resister à ses coups : Quelque chaîne Qu'un Amant prenne, La liberté n'a rien qui soit si doux. CHŒUR de toutes les Divinitez de la Terre & des Eaux Nous goustons une Paix profonde ; Les plus doux Jeux sont icy bas ; On doit ce repos plein d'appas Au plus grand ROY du monde. Descendez, Mere des Amours, Venez nous donner de beaux jours. [Le reste du prologue, parlé, serait de Molière. Pour l'opéra de 1678, Th. Corneille en fit une version plus courte.]
VENUS dans sa MachineCessez, cessez pour moy tous vos chants d'allegresse : [...]
SECOND INTERMÈDE
N.B. Les paroles
de cet intermède ne figurent pas dans le livret de janvier 1671 ; le rôle de Vulcain fut sans doute ajouté au cours des représentations des Tuileries (donc après la publication du livret). Je les
ajoute néanmoins ici, pour plusieurs raisons : 1) elles paraissent dans le recueil Airs du Ballet Royal de Psiché de 1670 ; 2) l'air de Vulcain fut chanté lors de la fête offerte par le Grand Condé à Louis XIV, en avril 1671) ; 3) la partition Philidor, avec la
date de janvier 1671 sur la page de titre, les inclut. Ainsi, on peut voir toutes les paroles de Quinault sur une même page, à l'exception d'une nouvelle version du choeur final, sans timbales, trompettes et tambours.VULCAIN Depeschez, preparez ces lieux Pour le plus aimable des Dieux, Que chacun pour luy s'intéresse, N'oubliez rien des soins qu'il faut : Quand l'Amour presse, On n'a jamais fait assez tost. L'Amour ne veut point qu'on différe, Travaillez, hastez-vous, Frappez, redoublez vos coups ; Que l'ardeur de lui plaire Fasse vos soins les plus doux. Second couplet. Servez bien un Dieu si charmant, Il se plaist dans l'empressement. Que chacun pour lui s'intéresse, N'oubliez rien des soins qu'il faut : Quand l'Amour presse, On n'a jamais fait assez tost. L'Amour ne veut point qu'on différe, Travaillez, &c.
TROISIÈME INTERMÈDE
CHANSON DU ZEPHIR.Aimable Jeunesse, Suivez la tendresse, Joignez aux beaux Jours La douceur des Amours : C'est pour Vous surprendre Qu'on Vous fait entendre Qu'il faut éviter leurs soûpirs, Et craindre leurs desirs : Laissez-Vous apprendre Quels sont leurs plaisirs. DIALOGUE DES DEUX AMOURS. Ils chantent ensembles. Chacun est obligé d'aimer A son tour, Et plus on a dequoy charmer, Plus on doit à l'Amour. Un Amour chante seul. Un cœur jeune & tendre Est fait pour se rendre, Il n'a point à prendre De fâcheux détour. Les deux Amours chantent ensemble. Chacun est obligé d'aimer À son tour, Et plus on a dequoy charmer, Plus on doit à l'Amour. Le second Amour chante seul. Pourquoi se défendre ? Que sert-il d'attendre ? Quand on perd un jour, On le perd sans retour. Les deux Amours ensemble. Chacun est obligé d'aimer A son tour, Et plus on a dequoy charmer, Plus on doit à l'amour. SECOND COUPLET DE LA CHANSON du Zephir L'Amour a des charmes, Rendons-luy les armes : Ses soins & ses pleurs Ne sont pas sans douceurs : Un Cœur pour le suivre A cent maux se livre, Il faut pour gouster ses appas Languir jusqu'au trépas, Mais ce n'est pas vivre Que de n'aimer pas. Second Couplet du dialogue des deux Amours. S'il faut des soins, & des travaux, En aimant, On est payé de mille maux Par un heureux moment. Un Amour seul. On craint, on espere, Il faut du mystere ; Mais on n'obtient guere De bien sans tourment. Les deux Amours ensemble. S'il faut des soins, & des travaux, En aimant, On est payé de mille maux Par un heureux moment. Le second Amour seul. Que peut-on mieux faire Qu'aimer & que plaire ? C'est un soin charmant Que l'employ d'un Amant. Les deux Amours ensemble. S'il faut des soins, & des travaux, En aimant, On est payé de mille maux Par un heureux moment.
DERNIER INTERMÈDE
RÉCIT D'APOLLONUnissons-Nous, Troupe immortelle ; Le Dieu d'Amour devient heureux Amant, Et Venus a repris sa douceur naturelle En faveur d'un Fils si charmant : Il va gouster en paix apres un long tourment, Une felicité qui doit estre éternelle. CHŒUR DES DIVINITEZ CELESTES. Celebrons ce grand Jour ; Celebrons tous une Feste si belle : Que nos Chants en tous lieux en portent la nouvelle ; Qu'ils fassent retentir le celeste sejour : Chantons, repetons tour à tour, Qu'il n'est point d'Ame si cruelle Qui tost ou tard ne se rende à l'Amour. RECIT DE BACCHUS Si quelquefois, Suivant nos douces Loix, La raison se perd & s'oublie, Ce que le Vin nous cause de folie Commence & finit en un jour ; Mais quand un cœur est enivré d'Amour, Souvent c'est pour toute la vie. RECIT DE MOME Je cherche à mesdire Sur la Terre, & dans les Cieux ; Je soûmets à ma Satire Les plus grands des Dieux. Il n'est dans l'Univers que l'Amour qui m'étonne ; Il est le Seul que j'épargne aujourd'huy ; Il n'appartient qu'à Luy De n'épargner personne. RECIT DE MARS. Mes plus fiers Ennemis vaincus ou pleins d’effroy Ont veu toûjours ma Valeur triomphante, L’Amour est le Seul qui se vante D’avoir pû triompher de Moy. CHŒUR DES DIEUX Chantons les plaisirs charmants Des heureux Amants. Respondez-nous Trompettes, Tymbales, & Tambours : Accordez-vous toûjours Avec le doux son des Musettes, Accordez-vous toûjours Avec le doux chant des Amours. CHANSON D’APOLLON. Le Dieu qui nous engage A luy faire la Cour, Deffend qu'on soit trop sage. Les Plaisirs ont leur tour, C'est leur plus doux usage Que de finir les soins du Jour ; La Nuit est le partage Des Jeux, & de l'Amour. SECOND COUPLET. Ce seroit grand dommage Qu'en ce charmant Sejour On eust un Cœur sauvage. Les plaisirs ont leur tour, &c. CHANSON DES MUSES. Gardez-vous, Beautez severes, Les Amours font trop d'affaires, Craignez toûjours de vous laisser charmer : Quand il faut que l'on soûpire, Tout le mal n'est pas de s'enflamer ; Le martire De le dire Couste plus cent fois que d'aimer. SECOND COUPLET DES MUSES. On ne peut aimer sans peines, Il est peu de douces chaines, A tout moment on se sent alarmer ; Quand il faut que l'on soûpire, Tout le mal, &c. RECIT DE BACHUS. Admirons le jus de la Treille : Qu'il est puissant ! qu'il a d'attraits ! Il sert aux douceurs de la Paix, Et dans la Guerre, il fait merveille : Mais sur tout pour les Amours, Le Vin est d'un grand secours. CHANSON DE SILENE. Bachus veut qu’on boive à longs traits ; On ne se plaint jamais Sous son heureux Empire : Tout le jour on n’y fait que rire, Et la nuit on y dort en paix. SECOND COUPLET. Ce Dieu rend nos vœux satisfaits ; Que sa Cour a d’attraits ! Chantons y bien sa gloire : Tout le jour on n’y fait que boire, Et la nuit on y dort en paix. Trio de Silène, & de deux Satyres. Voulez-vous des douceurs parfaites ? Ne les cherchez qu’au fond des Pots. Un Satyre. Les Grandeurs sont sujettes A cent peines secrètes. Second Satyre. L’Amour fait perdre le repose. Tous ensemble. Voulez-vous des douceurs parfaites ? Ne les cherchez qu’au fond des Pots. Un Satyre. C’est là que sont les Ris, les Jeux, les Chansonnettes. Second Satyre. C’est dans le Vin qu’on trouve les bons mots. Tous ensemble. Voulez-vous des douceurs parfaites ? Ne les cherchez qu’au fonds des Pots. CHANSON DE MOME. Folastrons, divertissons Nous, Raillons, Nous ne saurions mieux faire, La Raillerie est necessaire Dans les Jeux les plus doux. Sans la douceur que l'on gouste à mesdire, On trouve peu de plaisirs sans ennuy ; Rien n'est si plaisant que de rire, Quand on rit aux despens d'autruy. Plaisantons, ne pardonnons rien, Rions, rien n'est plus à la mode, On court peril d'estre incommode En disant trop de bien. Sans la douceur que l'on gouste à mesdire, On trouve peu, &c. CHANSON DE MARS. Laissons en paix toute la Terre, Cherchons de doux Amusemens ; Parmy les Jeux les plus charmants, Meslons l'image de la Guerre. CHŒUR de toutes les Voix et de tous les Instruments1 Chantons les Plaisirs charmants Des heureux Amants : Respondez-nous Trompettes, Tymbales, & Tambours : Accordez-vous toûjours Avec le doux son des Musettes ; Accordez-vous toûjours Avec le doux chant des Amours. FIN. 1. Pour les représentations en juillet 1671 au Palais-Royal, sans trompettes, timbales et tambours, ce couplet fut remplacé par celui-ci : Chantons les plaisirs charmans Des heureux Amans Que tout le Ciel s'empresse A leur faire sa Cour, Celebrons ce beau Jour Par mille doux chants d'allegresse, Celebrons ce beau JourPar mille doux chants pleins d'amour. | SOURCES LITTÉRAIRES
ATTRIBUTIONA. PSICHÉ/ TRAGI-COMEDIE,/ ET BALLET./ Dansé devant sa Majesté au mois/ de Janvier 1671, Paris, Robert Ballard, 1671 (livret) B. Le Grand ballet de Psyché, dansé devant Sa Majesté au mois de janvier 1671, et dansé sur le théâtre du Palais-Royal, avec la tragi-comédie représentée par la troupe du Roy au mois de juillet 1671, Paris, Robert Ballard, 1671 (livret) C. PSICHÉ,/ TRAGEDIE-BALLET./ Par J.B.P. MOLIERE, Paris, Pierre Le Monnier, 1671 (première édition de la pièce de Molière) C. « Cet Ouvrage n’est pas tout d’une
main. M. Quinault a fait les Paroles qui s’y chantent en Musique, à la
reserve de la Plainte Italienne » (Le libraire au lecteur). A. Airs du ballet royal de Psiché, avec la basse-continue, Paris, Robert Ballard, 1670 [sic]. Deuxième édition, 1673 B. Psiché ; Le carnaval mascarade ; Pourceaugnac ; Le bourgeois gentilhomme. Manuscrit, US-CAh/ LC M1520.L9 P7 1675 C. Psyché/ Tragedie et Ballet/ Dansé devant sa Majesté au mois/ de Janvier 1670 [sic, erreur]/ Recueilly par Philidor en 1690, Partition manuscrite, F-Pn/ Vma ms 1206
D. Le Ballet des ballets, in Ballets et divertissements, recueil manuscrit en 8 vol. in fol., Bib. Municipale de Besançon E. Psyché. Tragi-comédie et ballet, Hildesheim, Olms, 2009 (partition, édition de John S. Powell, Herbert Schneider et Laura Naudeix, dans les Oeuvres complètes de Lully)
ATTRIBUTIONLa musique de la tragédie-ballet et de la tragedie en musique Psyché est de Jean-Baptiste Lully. - Admirons le jus de la treille - Bacchus veut qu'on boive à longs traits - Si quelquefois / Suivant nos douces lois - Voulez-vous des douceurs parfaites DISCOGRAPHIE Psyché. Boston Early Music Festival Chorus and Orchestra, dir. Paul O’Dette et Stephen Stubbs. CPO 777 367-2, 2008. 2 CD (la tragédie en musique de 1678, qui reprend les paroles et la musique de la tragédie-ballet de 1671) |